Face à une pratique décriée et à l'avenir des sports d'hiver assombri par le changement climatique, Elisabeth Borne a évoqué jeudi une assistance aux stations de ski, pour qu'elles puissent s'adapter à des hivers moins enneigés.
La vidéo d'un hélicoptère livrant 50 tonnes de neige le week-end dernier à Luchon-Superbagnères, dans les Pyrénées, a suscité l'émoi, les écologistes y voyant une dérive désastreuse face au changement climatique. Il n'en fallait pas plus pour que le problème de l'avenir des stations de sports d'hivers remontent aux oreilles des gouvernants, lors d'une réunion à Paris avec des représentants des stations ce jeudi 20 février.
Il a alors été décidé d'avoir "sous six mois une offre complète d'accompagnement des stations pour à la fois encourager leurs pratiques vertueuses en termes d'environnement et les aider à s'adapter" face au réchauffement de la planète, avec un modèle touristique plus tourné vers les "quatre saisons", a indiqué la ministre de l'écologie Elisabeth Borne à l'issue de la réunion. Il faut "accélérer cette transition", a-t-elle insisté.
Face à la réduction de l'enneigement, des stations de ski réfléchissent déjà au développement de nouvelles activités (balade, luge d'été, VTT...). "On a besoin de compléments d'activités pour être moins dépendants de la saison hivernale", a abondé Alexandre Maulin, président de Domaines skiables de France, tout en souhaitant que "le ski reste une part importante".
L'emploi contre l'environnement
Des aides pourraient voir le jour via la Banque des territoires, a précisé le secrétaire d'Etat auprès du ministre des Affaires étrangères Jean-Baptiste Lemoyne.
"Je suis un peu déçu", a déclaré à l'AFP à l'issue de la réunion le président du syndicat mixte Haute-Garonne Montagne, Georges Méric. "Concrètement pour passer aux "quatre saisons", je n'ai pas eu de réponse concrète, d'aide de l'Etat sur des investissements."
La semaine dernière, c'était lui qui avait pris la décision de transporter de la neige par hélicoptère à Luchon-Sperbagnères. "Ma décision a été fondée sur la préservation de l'emploi", s'était-il justifié quelques heures plus tôt. La Haute-Garonne gère en effet trois stations de moyenne montagne en difficulté.
Si les restaurants, l'hôtellerie, les moniteurs de ski de Luchon-Superbagnères "avaient passé quinze jours sans avoir d'école de ski pour les enfants, ça aurait été dramatique, on allait perdre certainement plus de 200 emplois", alors que la station a déjà souffert du manque de neige à Noël, a fait valoir Georges Méric. L'opération a coûté entre 5 000 et 6 000 euros.
"A situation exceptionnelle, solution exceptionnelle !", a-t-il encore argué, évoquant 25 millions d'euros d'investissements sur cinq ans pour reconvertir les trois stations en tourisme "quatre saisons".
Avec le réchauffement climatique, l'exceptionnel risque de devenir la norme
Avant cela, la station de Montclar, située à 1 350 mètres d'altitude dans les Alpes, avait aussi transporté de la neige par hélicoptère. L'opération avait alors duré trois heures et nécessité 400 litres de gasoil.
Pour la climatologue Valérie Masson-Delmotte, ces cas illustrent "toute la complexité des enjeux pour gérer les risques, s'adapter à un climat qui va continuer à se réchauffer au cours des prochaines décennies, tout en réduisant les rejets de gaz à effet de serre pour limiter l'ampleur du réchauffement par la suite..."
Avec le changement climatique, l'exceptionnel risque de devenir la norme. Le manque d'enneigement se fait déjà sentir en France métropolitaine à moyenne altitude, entre 1 200 et 2 000 mètres, selon Météo-France. Au-delà de 2 000 mètres, "on constate [...] un net raccourcissement de la durée durant laquelle la neige est présente".
Vers la disparition de la neige en moyenne montagne ?
Et d'ici 2050, le phénomène va encore s'accélérer. "Les projections indiquent une réduction de la durée d'enneigement de plusieurs semaines, en moyenne, et de l'épaisseur moyenne hivernale de 10 à 40%, en moyenne montagne", indique Météo-France. D'ici la fin du siècle, si les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas réduites, le manteau neigeux sera "régulièrement inexistant en moyenne montagne".
Le recours à la neige de culture ne suffira pas forcément à compenser la disparition de la neige naturelle et pose la question de la consommation en eau, qui deviendra aussi une denrée plus rare. "Pour la période 2030-2050 et pour un taux de couverture en neige de culture de 45%, le volume estimé est en moyenne de l'ordre de 40 millions de m3" par an, calcule Météo-France.
Il s'agit désormais de savoir comment sortir de ce cercle vicieux avant que les sports d'hiver disparaissent de la moyenne montagne.