Coopenoix et le comité inter-professionnel de la Noix de Grenoble étaient au Salon de l'Agriculture pour faire découvrir une production sous appellation contrôlée (AOC) depuis 1938 et sous AOP (européenne) depuis 1998. L'occasion de rappeler que la concurrence ne leur fait pas peur!
La Moldavie? la Californie, le Chili, et alors? les producteurs de Noix de Grenoble observent sans inquiétude l'émergence des concurrents. D'autant qu'ils sont parvenus à relocaliser le traitement de leur production.
Au début des années 80, les fruits partaient en Pologne pour y être cassés, énoyés et triés, se souvient Pierre Gallin-Martel, ex-président de la plus grosse coopérative de Noix de Grenoble, Coopenoix, qui traite 70% de la production du sud-est. "Ensuite toute l'Europe de l'Est s'y est mise, la Moldavie et la Roumanie surtout".
"Mais le coût de la main d'oeuvre est en train d'augmenter dans ces pays, et avec les frais de transport, les producteurs français ne trouvent plus très rentable d'y expédier leur production", constate Yves Borel, président du comité inter-professionnel de la Noix de Grenoble.
Depuis la chute du Mur de Berlin, cette production encore artisanale, installée principalement dans les départements de l'Isère, du Jura et (très peu) en Savoie, a vu poindre la concurrence de l'Est.
"En Moldavie, en Ukraine, les bords de routes des régions autour de la Mer Noire sont plantés de noyers. Et si on ajoute la main d'oeuvre moldave, la moins chère d'Europe, pour le décortiquage et le conditionnement, ça fait une vraie concurrence sur les marchés industriels", explique un courtier en fruits secs pour la pâtisserie et la confiserie industrielles. En revanche, pour la noix de qualité et les cerneaux, "celle de Grenoble reste au top, avec celle du Périgord", reconnaît-il.
Noix de Grenoble... de Californie
Petite production, l'AOC jauge à 15.000 tonnes les bonnes années. 2014 n'en était pas une, qui a plafonné à 9.000 t à cause de la météo froide et humide du printemps. D'une année sur l'autre, les débouchés ne posent jamais problème. "On exporte 60% de ce qu'on produit en AOC, principalement vers l'Italie, l'Espagne et l'Allemagne", note Yves Borel.Et les fruits désormais, de plus en plus, sont traités à domicile: "On maîtrise le cassage automatique", reprend M. Jallin-Martel. "Bientôt avec le tri optique, on pourra trier automatiquement les formes et les couleurs. C'est l'affaire de quelques années, on y arrive", pense-t-il. "On est en train de relocaliser une activité".
De plus, la concurrence mondiale se développe, mais la demande croît avec. L'Inde et surtout la Chine se sont mis à produire des noix en quantité, "près d'un million de tonnes pour la production chinoise. Mais ils exportent peu et même importent depuis cinq ou six ans de Californie".
Le grand Etat agricole de l'Ouest américain, qui produit désormais près de 500.000 tonnes, arrache ses amandiers, pénalisés par les sécheresses à répétition, pour planter des noyers, plus rustiques, rapporte le courtier en fruits secs. "Mais leur noix est de moins belle qualité à cause de la chaleur", estime M. Borel. "Nous on irrigue par aspersion, eux ils inondent".
Quant au Chili, devenu un acteur mondial avec 300.000 t de noix par an, il ne l'inquiète pas davantage car "les fruits arrivent sur le marché en décalé, en mars-avril".
Le principal souci du président Borel, "c'est plutôt de pérenniser l'AOP: de plus en plus de producteurs, surtout des jeunes qui s'installent, choisissent des variétés à plus fort rendement, comme la lara ou la fernor", qui ne sont pas reconnues par le cahier des charges. "On risque alors de manquer de produits AOP, il faut rester vigilant", prévient-il.
Déjà, au Canada où il n'exporte pas, "on a repéré des Noix de Grenoble...de Californie" .