Il s'agit du second procès concernant l'amiante sur le plateforme chimique de Pont-de-Claix. D'après la CFDT qui attaque Rhodia, qui oeuvrait autrefois sur ce site, les employés auraient été exposés pendant des années. Le syndicat demande réparation au titre du "préjudice d'anxiété".
Le "préjudice d'anxiété" est régulièrement invoqué dans les procès dits de l'amiante. Les maladies entraînées par l'exposition à cette matière dangereuse ne se déclarant qu'au bout d'une vingtaine d'années, les salariés exposés doivent donc vivre longtemps avec l'angoisse, la peur de tomber malade un jour. Il y a déjà eu de nombreuses indemnités versées pour réparation de ce préjudice. Parfois des millions d'euros.
A Grenoble, ce n'est pas la première fois non plus qu'un procès prud'homal se tient autour de l'ancien site Rhodia, aujourd'hui en partie Vencorex. La CGT avait déjà obtenu près de 3 millions d'euros pour les salariés. C'est à présent au tour de la CFDT de 'mener bataille'. Il y a eu une première audience de conciliation, en 2013, mais, d'après le syndicat, la direction avait très vite quitté les discussions.
Au plus fort de l'activité, 2000 personnes travaillaient dans l'usine et l'exposition concernait plusieurs lieux: les bâtiments, mais aussi toute la chaîne de fabrication de produits chimiques. Pour continuer à tourner malgré l'interdiction nationale de l'amiante, l'entreprise avait demandé une dérogation valable jusqu'en 2001. D'après les syndicats, l'exposition aurait perduré jusqu'en 2005, au-delà de l'autorisation donnée par l'Inspection du travail. Devant le conseil des prud'hommes, plus d'une centaine de salariés sont donc venus plaider leur cause.
Reportage Anne Hédiard et Dominique Semet
Raymond Kummer a travaillé 35 ans dans ces ateliers, il raconte ses craintes: "Moi, on ne m'a pas trouvé d'amiante, mais l'épée est au dessus de ma tête. J'ai des collègues de travail qui sont atteints, y'en a même un qui s'est abrégé l'existence car il se savait condamné."
"On attend que l'employeur reconnaisse ses tords", explique un plaignant, "ils n'ont pas fait le nécessaire pour protéger les salariés et pour trouver des produits de substitution à l'amiante connue comme poison depuis le début du siècle."
Pour le préjudice subit, les salariés réclament chacun 15.000 euros de dommages et intérêts et une prime de 2.500 euros pour "exécution déloyale du contrat." L'avocat de Rhodia n'a pas souhaité s'exprimer. Le jugement sera rendu le 5 décembre prochain.
Reportage
Chaque année, l'amiante ferait entre 1.500 et 2.000 victimes. Des experts estiment que d'ici à 2030, elle aura tué 100.000 personnes.