PHOTOS. Au coeur des spectaculaires opérations de transferts des patients COVID-19 avec le SAMU de Haute-Savoie

Les Alpes, relativement épargnées par la première vague de Covid-19, sont aujourd'hui parmi les régions les plus touchées. Afin de préserver des lits en réanimation, les transferts de malades sont réguliers. Des moments forts en tension et en émotion que nous fait vivre le SAMU de Haute-Savoie.

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On se souvient de ces images inédites de TGV entiers, désossés et totalement repensés pour évacuer en extrême urgence, et dans la précipitation, des centaines de malades du Grand Est dont les hôpitaux étaient à l'asphyxie lors de l'apparition du coronavirus. C'était en mars dernier, c'était hier... 

Depuis, la seconde vague tant redoutée est arrivée. Et pour les hôpitaux, l'urgence a basculé... au sud-est, en Auvergne-Rhône-Alpes devenue épicentre de l'épidémie, et qui reste à ce jour l'une des deux régions les plus touchées avec la Bourgogne Franche-Conté. Le taux d'incidence y est encore deux fois plus élevé que le moyenne nationale.

 L'ARS (l'Agence régionale de santé) de la Région basée à Lyon , "en coordination avec la cellule de crise du ministère des Solidarités et de la Santé" avait indiqué qu'il faudrait, pour éviter la saturation des hôpitaux, procéder au transfert de près de 200 patients vers d'autres régions. "Une centaine pour l'instant ont été évacués par avion médicalisé", et ces opérations "vont se poursuivre", a indiqué jeudi 19 novembre le ministre de la santé Olivier Véran dans son tout dernier point presse.


" Une chaîne logistique et technique de soins de réanimation où chaque maillon, chaque détail compte"


Pour les équipes du SAMU et du SMUR de Haute-Savoie, ces opérations "à forte tension" sont depuis des semaines déjà... leur quotidien. Un quotidien que les médecins ont décidé de faire découvrir au public en réalisant un reportage photo publié sur le compte twitter du SAMU 74.

"Un quotidien sous tension, mais sous contrôle", nous raconte le docteur Thierry Roupioz, responsable du "Pôle Urgences" et du SAMU du Centre hospitalier Annecy-Genevois que nous avons joint au téléphone ce jeudi 19 novembre. "Nous savons qu'il est encore bien trop tôt pour évaluer si, oui ou non, nous avons passé le fameux pic. Nous savons aussi qu'il faudra attendre encore pour savoir si une décrue s'amorce ou non, et nous allons poursuivre les transferts de patients de réanimation vers d'autres hôpitaux".

Chaque transfert est une opération délicate à mener, même si l'organisation est désormais rôdée sur le terrain.

Concrètement, c'est l'Agence régionale de santé (ARS) basée à Lyon, en relation permanente avec le centre national de crise du ministère de la Santé, qui coordonne les modes de transport, avions médicalisés privés ou appareils de l'Armée de l'Air. C'est elle qui met en contact les différents centres hospitaliers qui vont collaborer. A charge pour les soignants de se coordonner.
 

Ensuite, ce sont aux équipes médicales de s'organiser : "Il faut reconnaître que nous le faisons aujourd'hui en prévention alors que le Grand-Est était vraiment à l'asphyxie et a dû évacuer ses patients dans une certaine précipitation pour éviter le pire. Nous, c'est surtout par précaution et anticipation que nous effectuons ces transferts, précisément pour ne pas se retrouver dans la même situation, et garder en permanence un nombre de lits et d'équipements suffisants dans nos services." 
 

 

Il n'empêche, les hôpitaux ont beau avoir de longue date l'expertise de transferts entre services spécialisés hospitaliers, le contexte pandémique, lui, est inédit. Préparer un patient à partir pour une autre région demande du temps, et de la douceur : "chaque transfert doit se faire avec l'accord de sa famille. Ce n'est pas si simple, imaginez déjà la douleur de savoir un proche intubé, équipé de toutes sortes d'appareils techniques, dans un service de réanimation ! Alors, même si les visites sont interdites, accepter qu'on l'emmène ailleurs, loin de chez eux, c'est un déchirement, forcément." Jusqu'à présent, au CH Annecy-Genevois une seule famille a opposé un refus,-trop difficile pour elle à supporter- et sa décision a été strictement respectée.

Autre problématique essentielle : évaluer l'état de santé des malades Covid susceptibles d'être transférés. "Ils doivent pouvoir être stabilisés, répondre à certains critères de réanimation bien précis, car le transport est forcément délétère pour un malade, et il n'est pas question qu'il provoque une dégradation de son état de santé, c'est donc un choix qu'il faut faire avec vigilance et précision", insiste le responsable du "Pôle des Urgences".

Avant de pouvoir être prêt à décoller, il a fallu beaucoup de préparation, d'anticipation, car "si l'on reproduit l'environnement de la réanimation dans l'ambulance, puis à bord de l'avion, certains matériels ont dû être spécifiquement adaptés au transport", explique le responsable du SAMU 74. "C'est le cas du respirateur notamment, qui n'est pas le même et auquel le patient doit s'accoutumer. On l'équipe dans le service, bien en amont. Les équipes qui vont gérer l'opération ont plus d'une heure de travail et de préparatifs avant de pouvoir prendre le départ". 

"A bord aussi, tout doit être vérifié avant le décollage. Chacun connaît sa mission, chacun a son rôle, dans la plus grande concentration malgré la tension de la situation".

 


"Une incroyable aventure humaine"


On sait les hôpitaux en première ligne depuis des mois, des personnels soignants épuisés et sur le front encore et toujours. "Bien sûr que nous sommes tous fatigués, qu'on fait face à un contexte inédit, d'autant que nous sommes susceptibles  d'attraper le virus, même si nous nous protégeons. Certains d'entre nous ont été contaminés, bien sûr, mais nous sommes résilients, c'est notre métier, notre savoir-faire, mais quand nous rentrons d'une telle opération, on se dit que nous avons rempli notre mission, et puis dans cette chaîne humaine, chacun compte, les  policiers qui nous escortent en convoi, les pilotes, c'est une très belle solidarité, qui fait du bien, et qui donne espoir", nous confie le docteur Thierry Roupioz. 

Un sentiment que tous partagent, et une émotion que l'on ressent immanquablement à s'immerger dans la vidéo de ces moments intenses, réalisée par Thomas, ambulancier au SMUR du CH Annecy Genevois, pour le compte Twitter du SAMU 74. 


"Puissent ces images rendre tout le monde vigilant face au coronavirus !"


Malgré la fatigue, malgré la violence physique et psychologique de cette situation sanitaire hors du commun, l'une des fiertés du "patron" des urgences du CH Annecy-Genevois, c'est "l'incroyable solidarité du monde hospitalier. On se connaît, on se côtoie au quotidien et on se serre les coudes. On se coordonne ensemble sur le terrain, selon les situations, les disponibilités, les effectifs, on évalue ensemble le plus simple. Parfois c'est le SMUR de l'hôpital d'accueil qui vient chercher en avion les patients, parfois on mixe, récemment nous avons depuis Annecy assuré l'accompagnement de deux malades de bout en bout, jusqu'au service de réanimation de l'hôpital de Bayonne. Et travailler côte-à-côte, ensemble, nous donne vraiment la satisfaction de défendre nos valeurs communes de service public".
 
 
Les transferts vont se poursuivre ces prochains jours depuis tous les hôpitaux des Alpes, et de toute la Région. L'heure est loin d'être à la fin de la vague. Alors, quand on demande au docteur Roupioz quel message il aimerait faire passer, l'urgentiste répond avec insistance : " Puissent ces images rendre tout le monde vigilant ! Cela n'arrive pas qu'aux autres, cela n'arrive pas qu'à des personnes très âgées, cela peut finir en réanimation, avec de la souffrance et des séquelles importantes. S'il vous plaît, respectez les mesures, protégez-vous et protégez les autres" !

 
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