Une information inquiétante circulait sur les réseaux sociaux le 18 février : un homme menaçant aggresserait des joggeuses à Volvic, dans le Puy-de-Dôme. L'article qui affirme cela s'avère en réalité être une "mauvaise blague", créée grâce à un site devenu un important vecteur de "fake news".
Sur le site Actualite.co, un article est posté le 18 février, intitulé "Agressions en série de joggeuses dans les environs de Volvic" (la page ayant depuis été supprimée, une archive est visible ici). On y apprend que la gendarmerie de Volvic a lancé un appel à témoins pour retrouver un supposé violeur en cavale.
Mais lorsqu’on appelle le numéro indiqué, c’est une voix chevrotante qui répond, d’une dame, probablement âgée, et probablement pas gendarme. Elle comprend vite que quelqu'un lui a fait une blague. Une blague de mauvais goût, et qui ne fait pas rire la (vraie) gendarmerie de Volvic : "Plusieurs personnes nous ont appelé à propos de ces prétendus viols, il n’en est rien, si la gendarmerie avait vraiment diffusé un appel à témoins, il serait diffusé par La Montagne ou France 3."
Faire une "blague" pour ses amis
Le site Actualite.co, qui relayait l’information, est connu pour son manque de fiabilité. Et pour cause : c’est une plateforme qui permet facilement à n’importe qui de "créer une blague et piéger ses amis." En remplissant un formulaire avec un titre, un texte et une photo, on obtient une page qui pourrait ressembler à l’article d’un vrai média. Il est ensuite possible d'envoyer la page à des connaissances pour leur faire une "blague".Mais ces "blagues" entre connaissances peuvent rapidement prendre de l’ampleur. Ces faux articles peuvent être partagés sur facebook, où d’autres internautes peuvent se faire avoir, et relayer la fausse information. Cela a par exemple déjà été le cas en 2017, quand un article de Flashinfo.org annonçait une invasion de mygales. Ce site est semblable à Actualite.co, et est édité par la même société, Mediavibes.
1 modérateur pour dix sites
En réalité, Mediavibes gère même plus que deux sites de ce type. "Nous éditons effectivement plusieurs sites de blagues, mais pas tant que ça, une poignée", reconnaît Nicolas Gouriou, son directeur. Une poignée, c’est-à-dire au moins une dizaine, dont certains sont en Anglais, en Espagnol, ou encore en Allemand.Nicolas Gouriou et Mediavibes sont d’ailleurs cités dans de nombreux médias étrangers, tels que BuzzfeedNews au Royaume-Uni et en Allemagne, ou El Pais en Espagne. Ces articles relaient les conséquences des faux articles créés par Mediavibes un peu partout dans le monde.
Mais son directeur se défend de diffuser des "fake news". "Ce sont juste des blagues, et notre site est clairement identifié comme étant un site de blagues, c’est indiqué en bas de page", se défend-il. Effectivement, une mention précise "Actualite.co est un site de divertissement, des blagues sont créées par les utilisateurs. Ces blagues sont humoristiques, fictives , qui ne devraient pas être prises au sérieux !". Une information importante, et plutôt visible ... pour qui lit l'article, et ne le partage pas sur les réseaux en se contentant du titre.
Nicolas Gouriou estime également que Mediavibes n'a une responsabilité que limitée dans la diffusion de fausses informations parfois racistes ou diffamatoires. "Aujoud'hui, n'importe qui peut créer un blog pour diffuser des choses racistes, des plateformes comme Actualite.co ne changent rien à ça, juge-t-il, et nous modérons les articles, qui sont supprimés dés lors qu'ils enfreignent la loi." La modération, que Nicolas Gouriou effectue, se fait après publication des articles. Il faut pour cela qu'un internaute ait décidé de signaler une page, en indiquant ses coordonnées.
10 millions d'interractions sur facebook
Ce sont pourtant les informations les plus choquantes et mensongères qui sont généralement le plus diffusées - et qui génèrent donc le plus de revenu. Selon un article de BuzzfeedNews publié en mai 2017, sur une période d’un an, 2 300 faux articles ont été publiés sur 11 sites édités par M. Gouriou. Ils ont généré 10 500 000 partages, réactions et commentaires sur facebook.Pour le gérant de Mediavibes, si les fausses informations parfois diffusées peuvent être un problème, elles peuvent aussi avoir un intérêt pédagogique. Si quelqu'un se fait piéger une première fois par un de ces articles, on ne l'y reprendra probablement pas une seconde fois. Considérant le succès de ces sites, rien n'est moins sûr.