Vendredi 8 septembre, après une journée de garde à vue, le père soupçonné d’avoir proféré des menaces de mort à l'encontre du proviseur d'un lycée de Clermont-Ferrand a été déféré devant un juge. Sa fille, élève du lycée Ambroise-Brugière, s’était vue refuser l’entrée de l’établissement pour port d’abaya. On fait le point sur les éléments de cette affaire.
C’est un incident qui a lieu quelques jours seulement après la rentrée et qui a un retentissement national. Le père d’une élève du lycée Ambroise-Brugière de Clermont-Ferrand a été placé en garde à vue jeudi 7 septembre, à partir de 15 heures, selon la police nationale. Il aurait proféré des menaces de mort à l’encontre du proviseur du lycée de sa fille, par téléphone. Il a été présenté à un juge à la mi-journée, selon le parquet. L'homme est poursuivi pour "menace en vue d'intimidation d'une personne chargée d'une mission de service public", a précisé à l'AFP la procureure de la République de Clermont-Ferrand, Dominique Puechmaille. Le père de famille fait l'objet d'une "convocation directe avec contrôle judiciaire", a ajouté la magistrate, précisant qu'une plainte avait été déposée. Contactée, la procureure de la République indique : « La garde à vue a été levée. L’intéressé a été présenté au parquet puis au Juge des libertés et de la détention dans le cadre d’une procédure de convocation par procès-verbal devant le tribunal correctionnel à une audience qui aura lieu fin octobre. Dans l’intervalle, il est placé sous contrôle judiciaire avec un suivi social, une interdiction de contact avec les victimes et une interdiction de se présenter aux abords des établissements scolaires du Puy-de-Dôme. La peine encourue est de 5 ans d’emprisonnement. Il a 44 ans et n’a pas d’antécédents judiciaires ».
L'abaya interdite dans les lycées
Jeudi matin, les responsables du lycée Ambroise-Brugière filtraient l'entrée en application des directives nationales concernant l'interdiction de l'abaya, cette longue robe traditionnelle portée par certaines élèves musulmanes. Une lycéenne qui portait le vêtement a été invitée à l'enlever et s'est vu interdire l'accès à l'établissement après son refus, selon la même source. Un peu plus tard, son père a téléphoné au lycée et a eu tour à tour un agent puis un conseiller principal d'éducation. À chacun d'eux, il aurait proféré des menaces de mort qui visaient le proviseur. D’après La Montagne, l’homme aurait nié les menaces de mort. "Ce sont des menaces qui sont extrêmement choquantes. J'ai eu hier le proviseur au téléphone. Je l'ai évidemment assuré de tout mon soutien, de celui du gouvernement, de l'Etat et plus globalement je crois de nos concitoyens face à ces menaces qui sont inadmissibles et inqualifiables", a déclaré le ministre de l'Education nationale Gabriel Attal, lors de l'inauguration du lycée Arnaud Beltrame de Meyzieu (Rhône). Il a indiqué que le proviseur visé bénéficierait d'un "accompagnement constant en matière de sécurité : la police nationale sera à ses côtés" et d'un accompagnement juridique.
Menaces de décapitation
"Les équipes du lycée qui ont appliqué la loi en refusant l'entrée d'une élève en abaya ont reçu des menaces de mort et de décapitation (...) Que nous ayons ainsi des équipes de l'Education nationale qui doivent faire face à des menaces, surtout après ce que nous avons subi, qui vont jusque-là, est évidemment un point qui montre à quel point notre détermination et notre fermeté doivent être sans faille", a réagi à ses côtés le président LR de la Région Auvergne-Rhône-Alpes, Laurent Wauquiez. Il a précisé avoir déployé dans ce lycée des équipes régionales de sécurité constituées "afin d'assurer la sécurité de l'établissement, des agents, des lycéens". Il a ajouté : « A chaque fois que des lignes rouges, dans les lycées de notre région, sont franchies avec la violence de ce qui s’est passé hier, on sera aux côtés de l’Education nationale et de nos chefs d’établissement pour assurer leur protection ».
"On a tous en tête ce qui s’est passé avec Samuel Paty"
Un peu plus tard, en déplacement dans le Cantal, Laurent Wauquiez, a précisé : « Ce sont des choses que je prends très au sérieux. On a tous en tête ce qui s’est passé avec Samuel Paty. Que des équipes d’enseignement puissent être menacées de mort quand elles appliquent les règles de la République est inacceptable. Il peut y avoir un débat, il peut y avoir des discussions, mais on ne peut pas avoir une situation où des gens, par intégrisme, par pression, profèrent des menaces de mort sur des personnels de l’Education nationale. Il faut qu’on soit à leur côté. On ne doit pas laisser les signes religieux franchir la porte de nos établissements scolaires. La France c’est la laïcité, c’est la défense de la République, de ce qu’est notre pays avec ses traditions et ses valeurs. Il est important d’être très fermes sur ces questions ».
Le 27 août, Gabriel Attal avait annoncé l'interdiction du port de l'abaya dans les écoles, collèges et lycées publics. Jeudi 7 septembre, le Conseil d'Etat a validé l'interdiction de cette longue robe couvrante, porteuse selon lui d'une "logique d'affirmation religieuse" prohibée dans les établissements scolaires.
"Un cas isolé"
En octobre 2022, un incident dans ce même lycée Ambroise-Brugière avait défrayé la chronique : un rassemblement avait eu lieu devant l’établissement. La Région Auvergne-Rhône-Alpes et son président Laurent Wauquiez évoquaient un « rassemblement communautariste », pour le droit de porter le voile. Le rectorat souligne : « L’abaya n’est pas un sujet sensible dans ce lycée, d’après le proviseur. Sur 1 300 élèves, il a eu quelques discussions avec des élèves pour qui il fallait clarifier un certain nombre de choses. Mais il ne qualifie pas cela de sujet sensible. Il n’y a pas un sujet abaya. L’incident de l’année scolaire dernière était aussi téléguidé par l’extérieur. Là, on pense que c’est un cas isolé ». Lundi 4 septembre, quelque 300 élèves, sur les 12 millions ayant fait leur rentrée cette semaine, se sont présentées en abaya devant leur établissement, et 67 d'entre elles ont refusé de la retirer, selon le ministre de l'Education nationale.