“C’est du jamais vu” : une vingtaine de services du CHU de Clermont-Ferrand en grève

Les syndicats n’ont pas vu ça depuis plus de 10 ans : une mobilisation d’ampleur est en cours au CHU de Clermont-Ferrand. Ce mardi 12 novembre, on dénombre une vingtaine de services en grève. Les personnels hospitaliers alertent sur les risques d’une nouvelle organisation du travail.

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De nouveaux plannings pourraient bien affecter l’organisation du travail au CHU de Clermont-Ferrand. C'est en tout cas ce qu’affirment les syndicats, et l’inquiétude monte au sein des personnels. Un sentiment de ras-le-bol qui se traduit par une vague de mouvements de grève : une vingtaine de services sont déjà en grève, d’autres ont déposé des préavis. Cécile Merrouche, secrétaire générale de la CGT du CHU, explique : “C’est lié au fait qu’on est en train de changer l'ensemble des trames (plannings, NDLR) des agents qui aujourd'hui conviennent aux agents, qui arrivent à jongler entre leur vie professionnelle et leur vie personnelle. Aujourd'hui la direction donne l'excuse d'avoir un nouveau logiciel pour pouvoir changer tout ça et mettre tout le monde au pied du mur.”  

Des rythmes de travail modifiés

Les plus touchés seront les soignants aux vies privées déjà compliquées, alerte quant à elle Nathalie Ebely, secrétaire de section Sud Santé Sociaux : “On en a qui sont à 80% parce qu'ils ont des enfants, ils ont leur mercredi. Ça leur permet de concilier pas mal de choses et d'organiser toute leur vie derrière. Maintenant, on va leur imposer des cycles de travail, changer leur rythme de travail avec pour certains 40 heures de nuit en 4 jours et pour d'autres, 12 jours de travail, avec des repos isolés et des semaines de travail et des weekends de repos irréguliers...” 

"Aidez-nous à aller mieux au travail"

Ces nouvelles trames créent des tensions, au sein de services déjà sous pression, selon Siham Nouacer, secrétaire générale de FO au CHU : “Il y a un épuisement professionnel qui est évident. Des nuits à remplacer, des weekends à remplacer... aujourd'hui, les soignants disent stop. On travaille, mais on a aussi une vie privée. Quand un agent n’est pas bien dans son lieu de travail, ça se ressent au niveau des patients. Moi j'ai travaillé au bloc, quand il faut toujours se dépêcher, on n'est pas pareil avec le patient. Il faut être réaliste, il faut plus de soignants dans les services. On vit ça depuis quelques années, on est toujours en déficit, rien ne s'arrange. Aidez-nous à aller mieux au travail et travailler dans des bonnes conditions pour la population, pour les patients.” 

Des craintes autour de la vie personnelle

Pour Cécile Merrouche et la CGT, “il y a quelque chose qui se trame derrière.” Elle ajoute : “Je pense que c'est pour, dans le futur, faire en sorte que les professionnels soient polyvalents partout puisque ce sont des trames qui vont être uniformisées. Beaucoup ont expliqué que la seule chose qui les fait venir au travail c'était d'avoir des trames qui correspondaient à leur vie personnelle. Là on est en train de tout changer, par exemple, les modes de garde pour les familles monoparentales. Ils sont en train de leur changer tous les weekends alors que les agents demandent une seule chose, garder ce qu’ils ont actuellement. L'excuse, c'est ce nouveau logiciel. Ce n'est même pas un logiciel de planning !” 

C'est une perte de chance pour les patients, c'est une perte d'information entre les soignants.

Cécile Merrouche, secrétaire générale de la CGT au CHU de Clermont-Ferrand

Cécile Merrouche pointe également un risque d'épuisement professionnel. “Il faut savoir que nos professionnels n’auront qu’un jour de repos sur la semaine. Ils n’ont plus les 2 jours de repos consécutifs, donc la prise en charge va être de plus en plus lourde. Ils auront des semaines à rallonge, il faut voir ce qu'on leur demande de faire ! Sur les secteurs qui travaillent en 12 heures, ils sont en train d'exprimer aussi le fait qu'ils vont supprimer les relèves. On ne s'occupe pas de machines, on s'occupe de patients. On a besoin d'être toutes ensemble, solidaires les unes des autres et de travailler ensemble. Si maintenant on nous supprime même le fait de pouvoir se parler entre nous, on va à l'usure.” 

Qui va en pâtir ? Ce sont les patients.

Nathalie Ebely, secrétaire de section Sud Santé Sociaux

“Il ne faut pas se voiler la face, il y a un enjeu économique”, précise Nathalie Ebely. “On fait comprendre qu'on ne veut plus de 80%, ce qui veut dire que les gens qui sont à 80% risquent de repasser à 100%. Ils commencent à se poser des questions, voire vont quitter l'hôpital. Avec ces cycles qu’ils veulent mettre en place, un repos sec, comment voulez-vous que les agents se reposent ? Ils vont être 2 fois plus fatigués et on aura 2 fois plus d'arrêts, de démissions et tout ce qui va avec”. Selon le syndicat, la prise en charge en sera certainement affectée : “Cela va créer une dégradation de la prise en charge des patients, puisqu'à la base on travaille tous pour la même personne, le patient."

Une vingtaine de services en grève

Pour Cécile Merrouche, le mouvement est inédit : “Tous les jours, on a des grèves qui démarrent. Cela ne touche pas que le personnel soignant. Un groupe WhatsApp de plus de 500 agents a été créé, qui communiquent tous les jours sur leur état psychologique d'oppression par rapport à leur direction. C’est impressionnant de voir ce qui monte à l'intérieur de l'hôpital, que ce soit la solidarité, le combat... Je pense que ça va être d'ampleur. On a la dermato-maxillo, le PC sécurité qui va probablement partir en grève, l'ortho, un secteur sur Louise Michel qui voulait partir en grève la semaine dernière, le CMP, la psychiatrie... Si tout le monde déclenche, ça fait peur à la direction, c'est déjà ça.”

Il faut alerter la population pour qu’ils nous accompagnent dans ce combat.

Siham Nouacer, secrétaire générale FO au CHU de Clermont-Ferrand

Cette ampleur prise par le mouvement est également ressentie par la secrétaire générale de FO : “C'est du jamais vu, c’est la première fois qu'on vit une chose pareille. Quand nous recevons les agents au local, je peux vous dire qu'ils sont bien énervés, ils sont vraiment sous pression. “J'en ai marre”, ce sont ces mots-là qu'on entend. On sent qu'ils sont en difficulté. On en parle à la direction, on signale les choses. Les infirmiers au bloc sont en difficulté depuis des années. On l'a signalé et aujourd'hui, on ferme des salles de bloc et on ne peut plus soigner la population comme il faudrait. C'est grave ce qui est en train de se passer.” La dernière assemblée générale a rassemblé environ 160 agents. “Il y a longtemps qu'on n'avait pas vu ça, au moins depuis 2012. C'est une mobilisation inédite”, conclut Nathalie Ebely. Contactée, la direction du CHU n'a pas souhaité s'exprimer.

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