Au CHU de Clermont-Ferrand, les soignants sont mobilisés depuis plusieurs semaines pour faire face à la 2ème vague de COVID 19. Fatigue, personnels manquants, afflux de patients, des infirmières nous ont confié leurs craintes avant le pic de l’épidémie, prévu autour du 15 novembre.
La 2ème vague de l’épidémie de COVID 19 frappe de plein fouet la région Auvergne-Rhône-Alpes, et le CHU de Clermont-Ferrand n’a pas été épargné par l’afflux de patients, parfois gravement touchés. L’hôpital a déprogrammé de nombreuses interventions non-urgentes et, malgré tout, les services qui reçoivent les patients COVID sont déjà sous tension, alors même que le pic de l’épidémie n’est prévu que dans quelques jours, autour du 15 novembre : « En tant qu’infirmière, on se dit que là, on est déjà débordées, alors si c’est pire la semaine prochaine, ça va être très dur. On est déjà au maximum. On est éreintées, fatiguées mentalement et physiquement », alerte Angélique*, infirmière en réanimation à Gabriel-Montpied. Une fatigue à laquelle s’ajoutent des inquiétudes concernant les personnels : en effet, beaucoup plus de soignants sont en arrêt maladie en cette fin d’année qu’au mois de mars. « Je suis très inquiète car de plus en plus de personnel est touché. Je ne sais pas où on va. Déjà, sur le site de Louise-Michel, beaucoup de soignants sont en arrêt. Pour l’instant, on ferme d’autres activités pour leur envoyer du personnel en renfort mais je ne sais pas combien de temps ça va durer. Quand il n’y aura plus de soignants disponibles, on fera comment ? », s’inquiète Lucie*, infirmière en pédiatrie. Si son service n’est pas uniquement dédié au COVID 19, de jeunes enfants porteurs du virus et atteints d’autres pathologies y sont soignés : « On n’est pas COVID, mais on peut très bien avoir des jeunes patients qui arrivent et qui l’ont sans le savoir. On teste dès qu’on a un doute, mais il y a quand même une crainte vis-à-vis de la transmission », explique Lucie.
Une situation mieux contrôlée qu'en mars
Si la situation est tendue, les soignants sont tout de même mieux équipés qu’en mars, comme a pu le constater Eva*, infirmière au service des maladies infectieuses et tropicales. Elle avait été envoyée en renfort à Mulhouse lors de la 1ère vague, une des zones, à l'époque, les plus touchées par l’épidémie : « On a vraiment galéré, mais maintenant, on est dans le train. On a de meilleures méthodes de prise en charge, on arrive à mieux stabiliser les patients. A Gabriel-Montpied, tout s’est mis en place assez vite, on travaille moins dans l’urgence. Il faut garder la tête froide, c’est notre métier, on est là pour ça. Si ce n’est pas nous, personne ne le fera », rassure Eva. « Il y a plus de stress car c’est arrivé d’un coup. On a rempli le service, c’est vraiment tendu, mais on est mieux protégés et on a le matériel nécessaire, ce qui n’était pas forcément le cas en mars », affirme également Angélique. L’esprit d’équipe permet également à ces soignantes de tenir le coup : « On discute beaucoup entre collègues. C’est très important d’avoir un bon esprit d’équipe, de se soutenir et de parler de ce qu’on vit entre nous », précise Angélique. Le soutien de la part de la direction du CHU est également un pilier important. Des réunions quotidiennes sont organisées pour informer les équipes de l’évolution de la situation et répondre aux besoins du service, selon Eva : « Nous, au service des maladies infectieuses, on a eu tous les renforts dont on avait besoin. On est bien encadrés, on nous écoute. La direction prend la mesure de la situation et nous donne les moyens qu’on demande. »Incertitude, stress et fatigue
« Je remarque chez mes collègues une fatigue, surtout morale. Cette année 2020 est un peu apocalyptique pour nous mais le problème, c’est qu’on est confinés et qu’on n’a rien pour se changer les idées. Et puis, il y a l’incertitude. Pour l’instant c’est contrôlé mais je ne peux pas affirmer qu’il n’y aura pas 50 entrées en réanimation cette nuit. Tout ce que j’espère, c’est qu’on ne va pas se retrouver « dans le noir » comme à Saint-Etienne », craint Eva. L’incertitude touche, en effet, beaucoup de personnels, même ceux qui ne prennent pas directement en charge des patients COVID : « Je peux être amenée à changer de service à tout moment en fonction des besoins et c’est stressant. Il y a la fatigue, la lassitude. Pour l’instant, nos congés sont maintenus mais on ne sait pas pour combien de temps », affirme Lucie, qui craint de devoir quitter son service de pédiatrie pour aller prêter main-forte ailleurs. A cette incertitude s’ajoute le stress d’être contaminé et de transmettre le virus à ses proches, mais aussi de ne pas voir d’amélioration dans l’état des patients : « On a des patients COVID gravement atteints qui prennent énormément de temps à aller mieux, on ne les voit pas progresser malgré nos efforts et psychologiquement c’est difficile. On est aussi obligés de fermer les portes lorsqu’on quitte les chambres et on a toujours la peur de ne pas entendre sonner les machines. Tous les jours, on a peur de ne pas y arriver », regrette Angélique. Des lits de cardiologie et de pneumologie sont d’ores et déjà occupés par des patients COVID. Au CHU, la plus grande tension se trouve en réanimation. Les infirmières espèrent que le pic de l’épidémie ne submergera pas le service, laissant les patients sans solution.*Les prénoms ont été modifiés