Cancer : au centre Jean-Perrin de Clermont-Ferrand, l'inquiétante chute du nombre de nouveaux cas diagnostiqués

Le centre de cancérologie Jean-Perrin de Clermont-Ferrand constate une baisse des nouveaux cas de cancer. En raison de l'épidémie de COVID 19, certains patients ont retardé des examens et le dépistage n'a pu se faire. Les médecins redoutent à terme une hausse de la mortalité.
 

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C’est un constat qui a été fait en France et dans le reste du monde : la pandémie de COVID 19 a des conséquences sur les diagnostics de cancers. La professeure Frédérique Penault-Llorca, directrice générale du centre de lutte contre le cancer Jean-Perrin de Clermont-Ferrand est formelle : « Entre avril et mai dernier, on a eu à peu près une baisse de 20 % de nouveaux cas de cancer. C’est quelque chose noté plus globalement dans les centres de lutte contre le cancer. On vient de faire le bilan dans nos établissements. On a vu une diminution importante des nouveaux cas ».

Un manque de dépistage

Plusieurs raisons peuvent expliquer cette baisse. La directrice du centre Jean-Perrin, l’un des 18 centres de lutte contre le cancer (CLCC), avance différentes explications : « C’est lié bien sûr à l’arrêt du dépistage pour le cancer du sein et du col de l’utérus, mais aussi pour le cancer du côlon. Là où c’est le plus flagrant, c’est pour le cancer du sein et les cancers urinaires. Cela est dû au déficit de dépistage. De plus, des patients ont peur de venir à l’hôpital. Ils présentent des symptômes. Pendant le premier confinement on leur a dit de ne pas aller encombrer les médecins, de faire attention aux contaminations dans les salles d’attente. Des personnes ont ainsi préféré attendre. Cette observation n’a pas seulement été faite en France ». Chaque année, 32 000 patients sont pris en charge et suivis au centre Jean-Perrin : 30% de patients pour un cancer du sein, 20% de patients pour un cancer de l’appareil respiratoire (principalement du poumon), 11% de patients pour un cancer de l'appareil génital féminin  et 8% de patients pour un cancer digestif.

Vers une hausse de la mortalité

En raison de cette baisse de diagnostics, les médecins redoutent une hausse de la mortalité due aux cancers. Frédérique Penault-Llorca indique : « Aujourd’hui les prévisions font état d’un fort risque d’augmentation des décès consécutifs au cancer dans les années qui viennent. On ne va pas se voiler la face, c’est probable. De combien ? C’est difficile à dire. Les dernières publications envisagent une augmentation comprise entre 4 et 10% de décès par cancer. Cela va commencer à se voir à partir de l'année prochaine et ensuite sur les 3-4 années à venir. Pour le Royaume-Uni le modèle mathématique prévoit 6 000 morts en plus de cancers en une année ». Le dépistage organisé du cancer se fait à partir de 50 ans. Un courrier invite à se faire dépister pour le cancer du sein et du côlon. Pour les cancers gynécologiques, le dépistage organisé commence plus tôt, dès 20 ans. Si un patient présente un symptôme, il peut aussi aller chez son médecin généraliste qui demande ensuite un examen. « Il faut absolument venir se faire dépister, se faire soigner, faire ses traitements, effectuer sa surveillance » martèle la directrice générale de Jean-Perrin. 

Quelques ajustements

Le centre de lutte contre le cancer de la capitale auvergnate n’a pas pour autant bouleversé son organisation en raison du COVID 19. Certains ajustements ont eu lieu. Frédérique Penault-Llorca précise : « On n’a pas déprogrammé de soins, on a simplement décalé certaines interventions de reconstruction mammaire très complexes. Cela nécessite des soins continus et on ne voulait pas prendre le risque de ne pas avoir assez de place. Comme pour la première vague, on ne décale aucune chirurgie curatrice du cancer. D’ailleurs on avait alors accueilli des collègues du CHU pour des chirurgies curatrices digestives assez lourdes. En effet, ils manquaient de place en réanimation au CHU ». Le centre Jean-Perrin a été lui aussi mobilisé afin de soulager les services de réanimation du CHU de Clermont-Ferrand. Sa directrice générale poursuit : « Cette fois-ci on a accueilli moins de patients que pendant la première vague. C’est notre rôle dans l’échiquier régional de pouvoir ouvrir des lits de réanimation pour soulager les CHU. On prend des patients non COVID. Lors de la première vague, on avait ouvert 5 lits supplémentaires de réa et ils étaient pleins tout le temps. On a eu jusqu’à 80 % de patients du CHU en réanimation et là on est plutôt sur la moitié ».

De nouveaux modes de prise en charge

La pandémie de COVID 19 a également eu quelques conséquences sur la prise en charge. De nouvelles habitudes ont été prises, qui pourraient s’avérer pérennes. Frédérique Penault-Llorca indique : « On a basculé en partie sur la téléconsultation et on laisse le choix au patient. Ce sont des surveillances annuelles. On avait adopté cette pratique même durant l’été car on s’était rendu compte qu’il y avait des patients qui allaient bien et qui étaient d’accord pour la téléconsultation. On a revu aussi la façon de faire de la radiothérapie, pour proposer des séances plus courtes, afin que les patients se déplacent moins longtemps. Cela va rester à terme pour certaines prises en charge ». Elle ajoute : « On n’a pas changé nos façons de traiter mais on a été obligés d’être plus drastiques sur les visites et au sujet des accompagnants. Cela est toujours difficile à appliquer dans un centre de lutte contre le cancer. On a parfois des personnes révoltées, très en colère, parfois même un peu agressives avec les personnes à l’entrée. Mais nous sommes obligés de faire attention car on a eu des contaminations de patients hospitalisés par des visiteurs. On autorise certaines visites exceptionnelles mais c’est toujours à la discrétion du médecin traitant ». Seules 1 ou 2 contaminations de patients ont eu lieu. Mais les équipes du centre ont été aussi frappées par le virus. Des contaminations heureusement maîtrisées : « Les soignants sont fatigués. Cette année a été extrêmement stressante. Je pense qu’ils ont conscience de l’importance du travail qu’ils font. On a été touchés par le COVID et les contaminations se sont faites essentiellement dans la sphère privée, on n’a ainsi pu les contenir ». 

Il faut consulter, venir à ses rendez-vous médicaux

La directrice du centre Jean-Perrin rappelle : « Le message est de dire que, certes on est frappé par une épidémie sans précédent, mais elle peut vraiment être contrôlée par les gestes barrières. Si on porte le masque, si on se lave les mains régulièrement, si on ne met pas sa main sur son masque, on peut être vigilant. De plus, il faut écouter ses symptômes et ne pas mettre de côté sa santé pendant cette période-là. L’épidémie de COVID va avoir des conséquences très importantes en santé publique générale, par le défaut de prise en charge de maladies comme le cancer mais aussi le diabète, l’hypertension, les maladies cardiaques en général. Il faut consulter, venir à ses rendez-vous médicaux ». La directrice conclut que l’hôpital reste un lieu très sûr, aux protocoles draconiens. Ainsi il faut veiller à ne pas mettre sa santé entre parenthèses malgré la crise sanitaire. La lutte contre le cancer en dépend.
 
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