Alors que depuis cet été, les prix des carburants sont repartis à la hausse, le gouvernement a avancé l’idée de la vente à perte des carburants. La mesure devrait être effective début décembre. Découvrez grâce à notre carte en temps réel quelle est la station-service la moins chère près de chez vous.
Cet été, les prix des carburants sont repartis à la hausse, flirtant avec le seuil symbolique des deux euros. Après le plafonnement des prix de l'essence et le prix coûtant à la pompe pour faire face à l'inflation, le gouvernement a sorti la carte de la vente à perte de carburants. "Ce sera effectif à partir de début décembre, j'espère le 1er décembre puisque le texte de loi sera examiné à l'Assemblée début octobre", a affirmé lundi 18 septembre le ministre de l'Economie et des Finances Bruno Le Maire sur France 2, deux jours après l'annonce de la Première ministre Elisabeth Borne.
Grâce à la carte ci-dessous, découvrez quelle est la station-service la moins chère près de chez vous. Vous devez au préalable sélectionner le type de carburant. En cliquant sur la loupe, vous pouvez rentrer le nom de votre commune.
La question des marges
Dans le Puy-de-Dôme, certains professionnels du secteur sont sceptiques, à commencer par ceux issus de la grande distribution. Brice Manyer est gérant d’une grande surface à Ceyrat, près de Clermont-Ferrand. Il réalise un tiers du chiffre d’affaires global de la grande surface grâce à la vente de carburants : « Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure solution dans la cadre du pouvoir d’achat. Il n’y a pas que le carburant qui pose des problèmes aux clients, il y a aussi l’alimentation. Le carburant reste un poste de dépenses important mais on va vers une transition écologique : il faut inciter les gens à trouver des solutions de déplacement qui sont moins carbonées. Il y a un manque de cohérence entre la politique d’écologie et la politique du pouvoir d’achat ». Il poursuit : « Ici, on a une marge d’1 centime par litre, ce qui nous permet d’entretenir la station. Il y a des frais. Aujourd’hui, l’enseigne n’a pas pris de décision sur la vente de carburant à perte. Chaque concurrent va s’étudier. Il y aura certainement des opérations mais je ne peux pas me prononcer. Quand quelqu’un vendra de l’essence à perte, son concurrent le fera immédiatement. Il faut bien comprendre que les marges sont déjà très faibles sur la grande surface ».
Des opérations qui ne pourront pas être "pérennes"
Brice Manyer nourrit quelques craintes : « Si on vendait à perte très régulièrement, cela pourrait avoir des conséquences sur l’équilibre financier de la grande surface. Les marges sont déjà faibles en grande surface. Si on a un foyer de perte au niveau de la station, ça peut avoir des conséquences sur des magasins fragiles actuellement et il en existe : il peut aussi y avoir des conséquences au niveau de l’emploi ». Selon lui, les grandes surfaces ne pourront pas vendre à perte à long terme : « Le carburant est un produit d’appel. C’est le seul prix qui est visible de l’extérieur de la grande surface. C’est aussi pour cela que les marges sont faibles. Les opérations de vente à perte seront ponctuelles. Elles ne pourront pas être pérennes sur une longue durée ». Le gérant pense aussi à ses concurrents : « Les petits réseaux indépendants ne pourront pas suivre et auront des difficultés : ils ne pourront pas se permettre de vendre à perte. L’idée n’est pas de faire disparaître le réseau de petites stations qui existe et qui est bien utile dans certaines zones rurales ».
"Les commerçants ne sont pas philanthropes"
René-Jean Souquet-Grumey est le vice-président de la branche stations-service du syndicat professionnel Mobilians, qui représente 3 000 stations. Il est très inquiet : « Pour les stations-service indépendantes, vendre à perte c’est la catastrophe, ce n’est pas possible. La raison est que les marges sont déjà très faibles : dans une station traditionnelle, elle est de 1 à 2 centimes par litre. On ne peut pas aller plus loin. Dans les stations-service, la vente de carburant représente 80% de l’activité. Si on veut vendre à perte, il y a un problème de marge, on dépose le bilan. Dans les années 80, il y avait 41 000 stations en France. Il n’y en a aujourd’hui plus que 3 000 indépendantes ». Il estime que cette mesure va bénéficier aux grandes surfaces : « La grande distribution va vendre à perte. Les petites stations ne le pourront pas matériellement. Les grandes surfaces attirent les clients par le carburant, pour leur faire remplir leur caddie. C’est un produit d’appel. D’ici décembre, les prix vont monter en rayon et les grandes surfaces vont récupérer leurs marges pour financer la vente à perte. Les commerçants ne sont pas philanthropes ». Pour lui, le tableau est bien noir : « Je crains que le réseau traditionnel des indépendants ne connaisse une baisse de fréquentation. Leur chiffre d’affaires va baisser. Les indépendants sont déjà sur le fil du rasoir. J’ai aussi des craintes sur le plan de l’emploi : les caissiers, les pompistes vont être licenciés ». Pour le représentant de Mobilians, ce n’est pas aux stations-service de mettre la main à la poche : « Le gouvernement doit faire un effort et baisser les taxes. Elles représentent 66 % du prix du litre. Les compagnies pétrolières doivent aussi jouer le jeu ».
Je n’appliquerai pas la vente à perte
Virginie Buono, gérante d'une station-service à Champeix
Virginie Buono, gérante d’une station à Champeix, dans le Puy-de-Dôme, ne pourra pas vendre à perte : « Vendre à perte c’est perdre de l’argent car on a des coûts. On achète le carburant à un certain prix. Il faut au minimum vendre au prix d’achat. Il faut même vendre un peu plus cher car on a des frais de fonctionnement. Avec l’électricité qui a doublé en deux ans, on ne peut pas vendre à perte, sauf s’il y a des aides qui nous compensent. La seule solution est de baisser les prix d’achat ». Elle insiste : « Depuis le COVID, on a rogné notre marge en se diversifiant, afin de compenser. On ne fait plus le même métier qu’il y a 10 ans. On n’avait pas la peur d’afficher notre totem à plus de deux euros. On est directement en contact avec les consommateurs. On a de faibles marges avec des salaires très bas aussi : je ne suis pas sûre de continuer. Le service sera supprimé s’il y a de trop gros investissements ». Le carburant représente 80% de son chiffre d’affaires. Son entreprise s’est diversifiée afin de faire davantage de marges.