CINEMA. Elle raconte son quartier populaire dans un film documentaire : "Tant qu'on n'y vit pas, on ne sait pas"

On dit de ce quartier qu’il est sensible, elle, le qualifie de “vivant”. Dans un documentaire, Omayma, 24 ans, raconte avec lucidité les échecs et les réussites qui façonnent l'histoire des Vergnes. Elle dresse un portrait très personnel et saisissant de la vie de ce quartier de Clermont-Ferrand.

Omayma n’y croit toujours pas. Elle l’a fait. Son premier film. ”Quand j’ai vu mon nom sur le site d’AlloCiné, ça m’a fait bizarre. Je me suis dit que c’était assez fou”. En effet, à seulement 24 ans, Omayma verra son premier film diffusé, ce vendredi 6 octobre, sur les écrans d'un cinéma de Clermont-Ferrand, proche de son quartier, pour une projection unique. Ce court-métrage est un documentaire sur le quartier populaire des Vergnes où elle a grandi. Elle raconte : “C’est une idée que j’ai fait mûrir depuis des années. J’ai toujours voulu donner la parole aux habitants de mon quartier. C’est chose faite. Je suis assez fière”

“Rallumer la flamme des Vergnes”

Omayma a grandi dans le quartier des Vergnes, surnommé “La Flam'” par ses habitants. Aujourd'hui, elle reprend ce surnom populaire pour le titre de son film "La Flamme des Vergnes". Elle explique : “En ayant vécu 23 ans dans ce quartier, je pensais être en mesure de pouvoir raconter intimement ce quartier. Et ce nom, ‘La flamme des Vergnes” m’est tout de suite venu en tête. Je voulais rallumer la flamme des Vergnes, en quelque sorte, grâce à ce film”

À travers ce documentaire, réalisé comme un journal intime, Omayma tente d'être le porte-voix de cette "jeunesse oubliée" : “L'objectif premier était de donner la parole aux habitants. Ils ne sont pas souvent entendus. On essaie toujours de dire : ‘Ouais, on va essayer d’aider les jeunes grâce à ceci ou cela’. Mais comment tu peux savoir que c’est grâce à ce moyen-là que tu pourras les aider ? Tu ne sais même pas ce qu’ils vivent au quotidien. Ça n’a pas de sens. On ne prend pas de décisions en leur nom sans même les avoir questionnés. C’est comme si une personne te dit : “Je n’aime pas le chocolat”, mais que tu vas quand même lui en acheter. Tu n’as même pas cherché à savoir si elle aimait ou pas. Je prends cet exemple pour faire comprendre ce qu’on fait avec les quartiers depuis des années.

On ne peut pas prétendre venir au secours d’une personne sans savoir ce dont elle a besoin. C'est pareil pour un quartier. Je le répète sans cesse dans le film : 'Tant qu'on n'y vit pas, on ne sait pas'”.

Omayma El Hajiri

Jeune réalisatrice

Elle poursuit : "Selon moi, la jeunesse du quartier des Vergnes a été abandonnée. Je ne donne pas mon avis dans le film. Je laisse les gens s'exprimer et exprimer leur point de vue, cela suffit amplement pour s'en rendre compte”

Tout au long de ce court-métrage, Omayma raconte les parcours singuliers de ses voisins, ponctués d’échecs, de désillusions mais aussi de grandes victoires. Omayma en retient une, particulièrement inspirante : “Parmi les histoires qui m'ont marquée, il y a celle de Hassan Baou, vice-champion du monde de boxe thaï. C'est mon voisin. Il a grandi dans l'appartement situé seulement deux étages en dessous de chez moi. Je me suis plongée dans son histoire et j’ai découvert qu’au début il avait commencé par faire du judo. Malheureusement, son père n’avait plus les moyens de payer ses cours. Il a dû abandonner son rêve de judoka pour faire un sport moins cher pour son père : la boxe thaï. Et malgré le manque de moyens et l’abandon de son rêve, il a réussi à devenir une légende aux yeux des habitants. Je trouve que son parcours en dit long sur les difficultés et les réussites qui existent dans ce quartier”. Elle ajoute : "Je ne voulais surtout pas en faire un film tout beau, tout rose. Notre quartier, ce sont les problèmes et les réussites. C'est un tout" . 

Donner la parole aux habitants 

Le film nous plonge dans le passé pour mieux comprendre le présent. L’histoire du quartier des Vergnes est passée au peigne fin. La jeune femme de 24 ans avoue avoir redécouvert son quartier : J’ai voulu donner la parole à toutes les générations. À travers ce film, les plus anciens aident les plus jeunes à mieux comprendre et avancer”. Au fil des témoignages, Omayma constate que les mêmes thématiques reviennent sans cesse  : l’insertion professionnelle, le renouvellement urbain, la motivation des jeunes. "Le plus frustrant quand j’ai fait ce film, c’est de voir que ça fait 10, 20, 30 ans qu’il y a les mêmes problèmes, et qu’ils n’ont jamais été traités”, déplore-t-elle.

Pour réaliser ce court-métrage, Omayma a reçu le soutien de la métropole de Clermont-Ferrand et du département du Puy-de-Dôme. Néanmoins, la jeune femme a dû faire face à quelques difficultés : “Deux personnes ont dû faire le travail de dix, avec très peu de moyens, résume Omayma. Ça n'a pas été toujours évident d’avoir l’accord des habitants pour les filmer. Mais à force de voir la caméra sillonner le quartier pendant des semaines, ils ont commencé à être curieux, à poser des questions. Au final, maintenant, ils sont impatients de pouvoir se voir au cinéma. Il a été facile pour moi de les faire parler parce qu'ils me connaissent bien. On a vite créé une complicité avec les habitants du quartier". 

“Un film par les quartiers et pour tout le monde” 

Grâce à ce film, Omayma espère décloisonner son quartier. “Quand on fait ce genre de docu sur le quartier, on nous propose souvent le petit cinéma qui diffuse des films d’auteur et qui n'est pas très connu. Je n’ai rien contre ce genre de cinéma mais ce n’est pas ce que je voulais. Je voulais un lieu de diffusion grand public. Un lieu où les habitants des quartiers et du centre-ville puissent se côtoyer, s'asseoir sur le même fauteuil et regarder le même film. Je voulais casser les codes et ne pas rester dans le cliché : un film par nous et pour nous. Il faut que des personnes de l’extérieur viennent voir ce film. Je ne fais pas ce film pour moi, je le connais très bien le quartier. J’y vis tous les jours. C’est un film par les quartiers et pour tout le monde”

Elle espère que ce documentaire permettra de faire "évoluer l’image que l’on donne de la banlieue" et espère une seule chose, que les choses “changent”. La jeune Clermontoise ne veut pas s'arrêter là. Elle réfléchit déjà à l’écriture d’une série, toujours sur ce quartier qu’elle chérit tant. 

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