En septembre 2016, le groupe de musique clermontois Cool Cats lançait un appel à l’aide sur internet après le vol de leur matériel. Deux ans plus tard, le 12 février, (presque) tout est revenu à l’issue d’un voyage rocambolesque.
Les histoires de vols d’instruments sont malheureusement courantes, banales. Mais pas celle des Cool Cats, véritable ode rocambolesque à la persévérance et à l’entraide. Deux ans après le vol de dizaines de milliers d’euros de matériel de concert et d’instruments à la valeur difficilement estimable, contre toute attente, tout leur est revenu. Non sans quelques péripéties.
Depuis 2009, le groupe clermontois écume les bars et salles de concerts auvergnats, où il électrise l’atmosphère avec des reprises rocks. Mais depuis deux ans, il avait dû se résoudre à le faire avec des instruments de seconde main.
Le 24 septembre 2016, après un concert, une grosse partie du matériel du groupe, stocké dans une voiture, est dérobée. Si une partie du butin s’avère quelconque, quoiqu’onéreuse, la perte de certains instruments est bien plus difficile à accepter. C’est par exemple le cas d’une guitare Gibson Les Paul de 1954. Prénommé Georges, ce bijou de luthier a une valeur sentimentale considérable pour Pierre Coudert, guitariste et chanteur. "On a rapidement diffusé un message sur internet pour signaler la disparition, et on a été très touché par la mobilisation que cela a suscité, près de 2000 partages au total", souligne-t-il.
Malgré cet « appel à témoin » relayé sur les réseaux sociaux et auprès de nombreux magasins de musique, impossible de remettre la main sur le matériel. Les mois passent, le groupe s’habitue à d’autres instruments et diminue l’intensité de leurs recherches.
"Il n'y aucun doute, c'est Georges"
"Mais en décembre 2018, alors que je me mets étrangement à rêver de ma guitare, je vois passer une photo qui m’intrigue sur un groupe facebook spécialisé", se remémore le chanteur. Il ne l’a pas vu depuis longtemps, mais elle est si unique que Pierre ne peut pas se tromper en voyant cette photo : c'est Georges.Après avoir soumis la photo au luthier américain qui avait travaillé sur cette guitare, il a la confirmation qu’il s’agit bien d'elle. En continuant ses recherches, Pierre Coudert tombe sur une photo de la seconde guitare volée, puis d’une tête d’ampli, d’un sac de rangement de pédales … "Ca ne faisait aucun doute, c’était notre matériel, alors avec l’aide d’une amie magistrate, j’ai produit un dossier que j’ai adressé au procureur de la République adjoint de Clermont-Ferrand, Monsieur Fauh", raconte-t-il. Bruno Fauh, récemment installé magistrat du parquet, se saisit du dossier.
Très vite, il apparaît que le détenteur des instruments volés est étranger, et ne réside pas en France. Âgé d’une soixantaine d’année, il est lui-même artiste et doit se produire à Gennevilliers, en Île-de-France, le 25 janvier. Le procureur sollicite l’aide du Capitaine Idali, du commissariat de la ville des Huats-de-Seine. Il faut agir vite. "C’était une affaire qui n’avait rien à voir avec leur quotidien, rythmé par les interpellations musclées, le trafic de drogue, des affaires lourdes en somme, auxquelles s'ajoutaient l'actualité des gilets jaunes, résume Pierre Coudert, et pourtant ils ont pris ce dossier très au sérieux, et je leur en suis très reconnaissant. C’était déjà une petite victoire, humaine, d’avoir été autant soutenu."
Procureur auvergnat et commissariat francilien
Le commissariat de Gennevilliers parvient à mettre la main sur le détenteur des instruments lors de sa venue. Celui-ci reconnaît être en leur possession, mais nie les avoir volés : ils les auraient achetés à un inconnu. Quoi qu’il en soit, la justice française ne dispose d’aucun élément pour retenir l’individu, qui pourrait repartir chez lui en tout liberté, sans être inquiété. Mais le Capitaine Idali parvient à trouver un accord avec lui : il pourra réaliser son concert, mais renverra les instruments par la suite."Tout ce qui se passait était déjà formidable, les forces de l’ordre ont été super soucieuses et efficaces, j’essayais juste de ne pas me réjouir trop tôt concernant le retour des instruments, car j’en avais fait le deuil, et rien n’assurait que leur détenteur me les retournerait", explique Pierre Coudert. Mais quelques jours après le concert à Gennevilliers, le manager de l’artiste étranger annonce le retour des instruments en avion. Il envoie la liste du matériel en question : tout le butin du 24 septembre 2016 y est.Finalement, le 12 février, Georges et le reste du matériel des Cool Cats se posent sur le tarmac à Paris. "Je m’amuse à dire que Georges a traversé deux mers, un océan et vu trois continents, mais je n’en reviens pas, reconnait le chanteur, et je suis tellement reconnaissant envers les personnes qui nous ont aidés, le procureur Fauh, le capitaine Idali, le commissariat de Gennevilliers, les internautes … Tout le monde ne mesurait pas forcément ce que ça représentait pour nous, mais tous ont quand même fait preuve d’une grande sollicitude." Georges a encore de belles années à jouer, et surtout une sacrée histoire à raconter.