Comment une petite maison d’édition du Puy-de-Dôme résiste face aux ogres parisiens

C’est une belle histoire qui s'écrit depuis 2005. Presque comme un défi, Paul Colli a créé les éditions Revoir dans le Puy-de-Dôme. Il s’est fait connaître par quelques coups, notamment en étant le premier à publier Cécile Coulon. Aujourd’hui, avec son associée, il continue à faire son métier avec passion et à révéler des talents prometteurs.

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Faire connaître ses livres et ses auteurs, c’est l’objectif affiché par toute maison d’édition. Dans le Puy-de-Dôme, une modeste entreprise basée à Mirefleurs, essaie de tirer son épingle du jeu dans un monde sans pitié pour les petits. Paul Colli, aujourd'hui aidé par Ludivine Bourduge, a créé les éditions Revoir il y a 17 ans. L’éditeur raconte la genèse de l’aventure : « On a créé les éditions Revoir le 5 décembre 2005. J’étais directeur chez Canon France. Mon beau-père, aujourd’hui décédé, avait l’une des plus belles bibliothèques de France : il était bibliophile. Il achetait des bouquins toutes les semaines. En rigolant il m’a demandé pourquoi je ne monterai pas une maison d’édition. Je lui ai tapé dans la main. On a d’abord créé une entreprise individuelle, Revoir. Cela voulait dire : « Réédition Et Valorisation des Œuvres Illustrées Régionales ». On a démarré par une petite plaquette des peintres de Murol et on en a vendu 500. C’est parti comme ça. Après, j’ai fait de belles rencontres… ».

De jolis coups d'édition

Paul Colli, 61 ans, explique qu’il a réalisé de jolis coups : « J’ai rencontré Anne-Sophie Simonet, documentaliste à La Montagne, qui m’a fait découvrir Yves Meunier, puis Christophe Buron, Vincent Duvivier et tous les gens de l’ASM Clermont Auvergne. On a fait un gros coup avec l’ASM car on a fait l’Abécédaire de l’ASM, vendu à 8 000 exemplaires. J’ai eu du nez car on a été préparé le livre en 2010 quand on a été Champions de France : on a vendu 17 000 bouquins. On est alors passés en SARL et ça a démarré comme ça ».

Le pari de faire signer Cécile Coulon en premier

L’éditeur puydômois a aussi rencontré la maman de Cécile Coulon qui n’avait pas 16 ans à l’époque et qui cherchait un éditeur pour sa progéniture. Un pari réussi quand on connaît le succès national de l’auteure clermontoise. Paul Colli a eu du nez. Mais l’édition reste plus un métier de passion qu’une source d’enrichissement sur le plan financier. "Les gens qui disent cela ont entièrement raison, sauf si on s’appelle Gallimard, Albin Michel, Flammarion. Ce sont de vielles maisons d’édition, de grosses armadas. Albin Michel, avec une Amélie Nothomb qui vend à 200 ou 300 000 exemplaires, a des locomotives. Moi c’est une passion. Je ne gagne pas ma vie avec la maison d’édition. On fait des coups, comme avec l’ASM ou avec Cécile Coulon. C’est surtout une passion, j’adore les livres et j’adore les gens. Avant de faire signer un contrat, je regarde la qualité humaine" confie Paul Colli.

Pauline Maillard, sa nouvelle pépite

Sa dernière petite protégée s’appelle Pauline Maillard. Elle vient de sortir en mars dernier son deuxième roman, Enigmatik. Trois intrigues s’entremêlent : une première concerne trois hommes politiques victimes d’un corbeau, une deuxième met en scène un migrant afghan qui habite dans un quartier où sévit un réseau de prostitution. Enfin, la troisième intrigue implique l’auteur de lettres mais on ne sait pas quel est le lien entre ce dernier et le destinataire. Ces trois histoires vont se relier par un fil. Le lecteur est ainsi pris au piège tissé par l’écrivain. Paul Colli ne tarit pas d’éloges : « Pauline Maillard est douée. On a vendu pas mal d’exemplaires de Phobius, son premier roman. Avec Enigmatik, elle a passé un cran. Elle a une vraie qualité d’écriture. On a un comité de lecture de 6 personnes et ils lui ont mis un 9 sur 10. Je ne pense pas que je la garderai chez moi…Je lui souhaite le même destin que Cécile Coulon ». Phobius s’est vendu à un peu plus de 1 000 exemplaires et son éditeur espère vendre 3 à 4 000 livres avec Enigmatik. « On a envoyé des communiqués à tous les médias, y compris parisiens. C’est le réseau et le relationnel qui jouent. Il faut arriver à trouver les bonnes personnes. Dès qu’on fait une télé ou deux, ça décolle » souligne Paul Colli.

La pression du deuxième opus

Pour Pauline Maillard, la belle histoire continue. Elle travaille dans la finance mais a trouvé le temps d’écrire. « J’ai écrit les deux romans la même année. Quand j’ai terminé Phobius, je ne voulais pas m’arrêter d’écrire. J’ai enchaîné et j’ai écrit Enigmatik. Début 2021, je l’ai retravaillé et cela m’a pris un an » raconte la trentenaire. Elle poursuit : « La phase d’écriture n’a pas été plus difficile. Au contraire, j’avais l’expérience du premier. Mais sur l’après, lorsqu’on l’envoie aux béta-lecteurs, il y a une appréhension qui est encore plus forte : il faut être à la hauteur du premier, voire mieux. J’ai eu la chance d’avoir des retours encore plus positifs. Les craintes se sont envolées ».

"Il est très porté sur l’humain et les choses se font naturellement"

Pauline Maillard va enchaîner les dédicaces et autres salons pour se faire connaître. Mais pas simple de se faire repérer : « J’ai envoyé le manuscrit à de nombreuses maisons d’édition notamment parisiennes. Cela a été difficile d’avoir des retours car c’était la période post-confinement, où elles recevaient un peu plus de 500 livres par mois. Mais quand j’ai contacté la maison d’édition Revoir, ça s’est très bien passé et très rapidement. Paul Colli et son comité de lecture ont très vite été accrochés par Phobius. Il est très porté sur l’humain et les choses se font naturellement ».

Un livre documenté

Pour Enigmatik, l’auteure a été avec en contact une commandante de la police judiciaire de Paris afin d’étayer les faits : « Je voulais que ce que j’écris soit plausible. J’ai voulu aller plus loin, approfondir mes recherches ». Un réalisme qui fait mouche et qui fait écho aux actualités en Ukraine et en Afghanistan alors que le roman a été écrit bien avant… Pauline Maillard croit en sa bonne étoile et au bouche-à-oreille : « Il faut que l’effet boule de neige aille au-delà de la région. Plus les lecteurs liront Enigmatik, l’apprécieront, et en parler à leur famille et à leurs amis, plus le livre sera connu. Il faut aussi que les libraires hors de la région jouent le jeu. C’est comme ça que mon livre sera connu ».

Un salon du livre les 30 avril et 1er mai

Un succès qu’elle mériterait amplement. Elle compte se remettre à l’écriture dès cet été. Avant cela, elle sera l’un des 24 auteurs présents au salon du livre des éditions Revoir : il a lieu les 30 avril et 1er mai, de 10 heures à 18 heures à la mairie de Pérignat-lès-Sarliève, dans le Puy-de-Dôme. Les lecteurs pourront aller à la rencontre des auteurs parmi les 90 que compte l’éditeur. Paul Colli y dévoilera aussi 8 nouveautés, aussi bien en jeunesse que des polars ou des beaux livres.

300 points de vente

Il indique : « Les 5 premières années, on sortait 5 à 7 livres par an. Là, on n’est pas loin des 30. On va sortir un livre sur la Nationale 7, un bouquin magnifique. Il est déjà bien vendu en précommande. Il sort fin mai ». Un site e-commerce permet aussi de générer environ 5 % du chiffre d’affaires. Les éditions Revoir comptent environ 300 points de vente : la célèbre librairie Mollat à Bordeaux, Decitre, la FNAC, les Espaces culturels Leclerc et Cultura acceptent de diffuser les ouvrages édités à Mirefleurs. « Sans oublier les petits libraires qui jouent le jeu et qui sont fabuleux » conclut l’éditeur en souriant.

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