Depuis le début de l’épidémie de coronavirus COVID 19, l’Auvergne déplore 74 décès en centre hospitalier. Le territoire a été moins touché que d’autres régions, notamment grâce au confinement, affirme Olivier Lesens, docteur en épidémiologie au CHU de Clermont-Ferrand.
Selon le bilan quotidien du 29 avril de l’ARS Auvergne-Rhône-Alpes, l’Auvergne déplore 74 décès en centre hospitalier depuis le début de l’épidémie de coronavirus COVID 19. A cette même date 147 patients étaient pris en charge à l’hôpital et 346 patients positifs ont pu retourner chez eux. Par rapport à d’autres territoires, l’Auvergne s’en sort mieux. Sans doute grâce à un confinement efficace, c’est ce qu’explique Olivier Lesens, docteur en épidémiologie et infectiologue au CHU de Clermont-Ferrand.L’Auvergne s’en est-elle mieux sortie que les autres régions lors de la crise sanitaire ?
Olivier Lesens : On s’en est mieux tiré que la partie Est de la France. Finalement, l’épidémie s’est un peu arrêtée à Saint-Etienne. On fait partie de la zone Ouest qui a bénéficié à plein de ce confinement.
Le confinement a-t-il été efficace en Auvergne selon vous ?
Olivier Lesens : Très clairement, oui. On l’a vu très nettement à l’hôpital. Une première vague est arrivée et elle s’est stoppée net avec le confinement. Sans de telles mesures, je suis persuadé que l’on aurait eu davantage de cas.
Edouard Philippe a proposé un plan de déconfinement. Comment envisagez-vous ce déconfinement ?
Olivier Lesens : Le déconfinement apparaît plus complexe à organiser que le confinement. Le plan qui est proposé est connu, ce ne sont pas des choses nouvelles, notamment le fait de protéger la population. Ca va impliquer que les masques doivent être disponibles, ce qui constitue un gros challenge pour l’administration, pour que tout le monde puisse au moins avoir un masque. Les gens les plus précaires devront en avoir gratuitement. Le deuxième challenge va être celui de réaliser des tests pour dépister des clusters, des gens qui seraient positifs et qui dissémineraient la maladie. On va avoir la capacité de proposer des tests en grand nombre, auprès des personnes symptomatiques. Après il faudra arriver à recontacter ces personnes pour les confiner à domicile. Une fois qu’on les a confinées, il faut attendre suffisamment longtemps pour ne pas disséminer la maladie.
On entend beaucoup parler de deuxième vague. Après le confinement, pourrait-on s’attendre à une recrudescence des cas de coronavirus COVID 19 ?
Olivier Lesens : Honnêtement oui, on peut s’y attendre, c’est normal. C’est notre rôle aussi de nous préparer au pire. Je ne sais pas ce qu’il va se produire. Je ne sais pas si on a suffisamment stoppé l’épidémie pour qu’il ne se passe pas grand-chose. Effectivement, il peut y avoir une deuxième vague.
A vos yeux, l’enclavement de l’Auvergne a-t-il été un facteur qui l’a épargnée de l’épidémie ?
Olivier Lesens : Oui et non. On ne peut pas dire que la ville de Bordeaux soit enclavée, ni la Bretagne. Je pense que cela a peut-être joué un peu. Mais, globalement, on a bien vu comment l’épidémie était arrivée et elle a été stoppée car elle arrive avec retard dans les régions plus à l’Ouest. Ces régions ont bénéficié de l’effet confinement.
Pourtant dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, on a des départements comme le Rhône, très touchés, qui sont finalement proches de chez nous.
Olivier Lesens : On sait très bien que par rapport à Lyon, ou à Saint-Etienne, en cas de grippe, on a 15 jours de retard, tous les ans. Ces 15 jours-là, nous les avons retrouvés avec le coronavirus COVID 19 et on en a bénéficié. Pour moi, c’est juste cela.
A quoi faudra-t-il être vigilant dans les prochains jours ?
Olivier Lesens : On va être très vigilants sur les nouveaux cas qui vont arriver. Il y a déjà pas mal de reprise du travail donc ça va être une possibilité de cluster. On va être très attentifs dans les prochains jours. Et encore plus après le 11 mai, avec toujours un décalage d’une semaine ou deux.
Quelles sont les capacités hospitalières en Auvergne ? On sait que c’est un critère pour décider d’un classement en zone verte ou rouge selon les départements.
Olivier Lesens : Normalement on devrait être dans une zone verte car nos capacités hospitalières sont restées importantes, notamment en réanimation. Là où nous sommes gênés, c’est pour reprendre une activité normale, non COVID 19, tout en gardant une capacité COVID 19 importante. C’est là toute la complexité du problème actuel.
Le retour des enfants à l’école vient-il s’ajouter à la complexité ?
Olivier Lesens : Possiblement. Après, ce sont les très jeunes enfants qui vont reprendre, et on peut espérer qu’ils ne sont pas trop porteurs. En tout cas, on sait qu’ils ne font pas d’infection grave. Je ne suis pas certain qu’ils soient de grands propagateurs de COVID 19 mais on va voir. On arrive dans une zone avec des inconnues. Je ne peux pas faire de pronostic là-dessus. Mais c’est un mouvement de population, et donc ça va forcément jouer.
Jusqu’au 11 mai, la consigne est-elle de ne pas se relâcher ?
Olivier Lesens : Il faut vraiment essayer de ne pas se relâcher. Il y a manifestement beaucoup d’entreprises qui ont repris, mais il faut garder les mesures barrière, éviter les regroupements de personnes, conserver les distances. Ces mesures barrière vont nous prémunir. Ce ne sont pas seulement des mesures pour 10 jours, ça va être pendant des mois et des mois. Culturellement, il faudra garder ces mesures barrière, ne pas se serrer les mains, ne plus se faire la bise. Ces attitudes risquent de changer durablement.