Le déconfinement du 11 mai annoncé mardi 28 avril par le Premier Ministre exclut les cafés, hôtels et restaurants. L'annonce d'une date de réouverture "début juin" aura lieu fin mai. A défaut de nouvelles mesures d'urgence, les établissements du Puy-de-Dôme craignent des faillites en cascade.
Ils y croyaient sans trop y croire, à une réouverture plus rapide de leurs établissements!. Mais les bars, hôteliers-restaurateurs et discothèques restent fermés. Ils devront attendre fin mai, l'annonce d'une réouverture prévue "début juin". Un temps évoquée par le secrétaire d'Etat au tourisme Jean-Baptiste Lemoyne, la date du 15 juin, devrait marquer la fin d'une longue attente pour les cafés restaurants et hôtels plongés dans une crise sans précédent. Des professionnels sans visibilité sur leur avenir qui s'attendent à des faillites en cascade.
Des hôteliers-restaurateurs dans l'angoisse
Au bord de la rivière du Lot, dans le petit village médiéval de Vieillevie, à la frontière entre le Cantal et l'Aveyron, dans une zone très touristique, la famille Bruel gère l'Hôtel Restaurant de la Terrasse depuis cinq générations. Désormais, la Sarl voit son avenir plus qu'incertain. " Nous avons 150 ans cette année, nos ancêtres ont certainement vécu d'autres crises mais pas comme ça " se désole Sophie Bruel-Louis.La réouverture saisonnière de l'établissement est restée en suspens pour cause de confinement. Elle ne s'attendait pas à l'annonce d'une date de reprise d'activité pour tout de suite, mais plutôt sur la date du 15 juin, comme le laisse entendre, le syndicat des cafetiers-hôteliers-restaurateurs, l'Umih. "Maintenant ce qu'on attend, c'est d'ouvrir dans les meilleurs conditions . C'est important d'avoir les préconisations sanitaires nécessaires pour protéger nos salariés et nos clients". Sur les mois mars, avril et mai, la perte de chiffre d'affaires est estimée à 100 000 euros. Manque de trésorerie, manque de visibilité, avec au bout le même dilemme." Notre survie est en jeu. En même temps, si on arrive à rouvrir on n'est pas à l'abri d'une très mauvaise saison. Les gens vont peut être avoir peur de revenir dans nos établissements " craint-elle. Pour ne rien arranger l'établissement ne peut pas prétendre au fonds de solidarité de l'Etat. "Ma mère est la gérante mais comme elle est retraitée, nous ne sommes pas éligibles". Pour percevoir cette aide de 1 500 euros, le gérant ne doit pas exercer une activité extérieure, ni percevoir une pension de veilliesse supérieure à 800 euros. "Mais les saisonniers qui ont deux emplois, ça arrive !" se désole Sophie Bruel qui espère accéder aux prêts d'investissements prévus dans le Fonds spécifique créé par la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Mais surtout , elle attend " au moins une prise en charge partielle des assurances sur les pertes d'exploitation ça soulagerait ! " s'exclame t-elle.
A Salers, l'un plus beaux villages du Cantal, Marion et Antoine Bancarel , propriétaires de l'Hôtel Restaurant le Bailliage, ont la même réaction dépitée. " On s'y attendait. Sur le mois de juin tout était déjà annulé, les gens avaient pris leurs précautions, c'est malheureusement une continuité. Personne ne sait ou on va " déplore la co-gérante. Avec son mari, elle a repris l'affaire familiale au plus mauvais moment. "On a créée la société, le 1er février. Mais il fallait avoir commencé l'activité avant le 1er février. A 24 heures près, on a droit à rien ! " se désole t-elle en ironisant sur "les fonctionnaires robots" qui ont traité son dossier. Les gérants ont dû se contenter pour le moment d'une aide de l'association locale des Logis de France. "On aurait droit aussi aux aides de la Région, en tant qu'emprunteurs et c'est tout " se désole Marion Bancarel. Alors que la perte de chiffre d'affaires, elle, est estimée à 435 000 euros !. Forcément, avec un gros emprunt sur le dos et sans trésorerie, l'avenir reste incertain." On espère limiter la casse. On a quand même 14 salariés l'été ! On aimerait que les réservations reprennent et qu'on sache la masse salariale qu'il nous faudra aussi". Autre inconnue : Les touristes pourront ils se déplacer librement ? "Si c'est à l'échelle du département, on ne travaillera pas . Les groupes de touristes étrangers, qui viennent tous les ans, ça va être difficile à rattraper à une plus petite échelle géographique" estime t-elle.
A Besse Saint-Anastaise, au pied de la station de ski de Super Besse , dans le Massif du Sancy au coeur des Volcans d'Auvergne, Bruno Vesval craint toujours le pire pour son Hôtel Restaurant 3 étoiles. Il lâche fatigué : " On sait pas trop ou on va ...on est dans le stress permanent, on a peur d'être en redressement , de perdre notre emploi, nos salariés.." Il estime déjà sa perte de chiffre d'affaires a 150 000 euros. "Même si j'ouvre en juin, la clientèle ne sera pas au rendez vous. Les hôtels des villes peuvent compter avec une clientèle d'affaire, des commerciaux , mais nous en zone rurale , nous avons une clientèle de plus de 60 ans. La seule grande ville proche c'est Clermont-Ferrand. Avec une restriction de déplacement à 100 kilomètres, comme ça a été annoncé, les touristes locaux ne vont pas aller bien loin " regrette t-il. La perspective d'une reprise d'activité, ça lui semble encore loin et compliqué. "Le côté sanitaire, nous ne gêne pas, ce que je crains, c'est l'espacement des clients d'un mètre, ce qui va réduire les recettes avec plus de difficultés financières à la fin". L'hôtelier restaurateur a obtenu un report de ses loyers, une aide de 1 500 euros de l'Etat et une aide de la Région est en cours d'examen. Mais pas de quoi le tirer d'affaire."Les banques ne prêtent pas aux petites entreprises et côté assurance, pour le risque de perte d'exploitation, c'est inexistant!". Bruno Vesnal n'a pas hésité à rejoindre le mouvement des commerçants "mis à nu" par les assurances.
Des faillites en cascade d'ici septembre
"On ne va pas nous annoncer fin mai, qu'on va ouvrir le 2 juin ? " s' interroge la Présidente de l'UMIH 63 (Union des Métiers et des Industries de l' Hôtellerie ) du Puy-de-Dôme. "Je pense que ça sera au plus tôt le 15 juin et c'est comme ça qu'il faut qu'on se prépare. A notre grand désespoir ! " déplore Martine Courbon "Ça fera trois mois sans chiffre d'affaires. L'impact est dramatique, brutal. On va laisser 20% des cafés, restaurants et bars du Puy-de-Dôme sur la route " souligne t-elle sur un ton alarmiste.
Le secteur hôtellerie restauration dans le Puy de Dôme :
-520 bars cafés
-940 restaurants
-750 restaurants rapides
-305 hôtels dont 165 hôtels classés
Pour avoir une idée plus précise des attentes des entreprises frappées par la crise du Covid-19, la CCI et la CPME du Puy-de-Dôme ont collecté 689 réponses spontanées dont 120 du secteur hôtellerie restauration. Il en ressort que la demande la plus forte porte "sur les reports d'échéances ou l'étalement des créances mais aussi sur l'aide au traitement des conflits. Des attentes caractéristiques des TPE moins armées pour ce genre de problèmes". Plus qu'ailleurs, ces entreprises demandent des exonérations totales des charges, contrairement à d'autres secteurs, la reprise pour elles sera plus lointaine.
Le cas du Puy-de-Dôme n'est pas isolé. Dans l'Allier, 95% des entreprises ont moins de 10 salariés , 47% n'ont pas de salariés. Des TPE particulièrement exposées." D'après nos études, on pense que malheureusement d'ici septembre nous aurons à peu près 30% d'entreprises qui seront obligées de fermer, c'est le minimum" avance Jean-Michel Chavarochette, Président de l'UMIH de l'Allier. "Si on ouvre le 15 juin, il y a déjà une grosse partie de la saison qui est perdue , ces entreprises n'auront pas suffisamment de chiffre d'affaires pour tenir le coup" s'alarme le restaurateur. De plus on sait pas, si la clientèle va revenir ! L'absence de visibilité pousse de plus en plus de professionnels à rester fermés plutôt qu'à rouvrir ne sachant pas si le client sera au rendez-vous mais avec les mêmes coûts fixes: "Si demain, on met des barrières sanitaires, une table sur deux , des distances ... l'entreprise n'est pas rentable. Après, il faut qu'on licencie du personnel..."
L UMIH demande un plan d'urgence
"80% des cafés hôtels restaurants ont contracté un prêt garanti par l'Etat, c'est vrai. Ils ont bénéficié de reports de charges, tout ça existe et va nous aider mais à un moment donné il va falloir payer". Alors le premier syndicat de la profession, en appelle à des engagements plus forts de la part des collectivités locales. "Il faut pour la France bien sûr mais aussi pour le Département et la Région, un plan d'urgence pour l'économie locale". Sur les impôts locaux et autres taxes, "comme la taxe sur l'enlèvement des poubelles, la taxe sur les terrasses" souligne Martine Courbon. "Il faut que le Président de la Métropole prenne conscience qu'il va falloir revoir tout ça " tranche la Présidente. L'UMIH 63 a déjà tenté d'obtenir de la municipalité de Clermont-Ferrand, le report du versement de la taxe de séjour, payée par les clients et reversée par les hébergeurs à la ville, mais sans succès. Le syndicat se fait aussi le porte-parole des 11 hôtels restés ouverts pendant la période de confinement."Et qui ont payé des taxes ! " avance la Présidente. Sur la question des loyers "on propose de créer un Fonds de médiation qui pourrait être piloté par la Métropole pour mettre autour de la table les propriétaires pour les cas complexes" plaide t-elle.Enfin, elle espère désormais que les assurances lâchent du lest sur la prise en charge des pertes d'exploitation. "Je pense qu'on va quand même arriver à sortir un peu l'épingle du jeu, mais ce n'est pas pour tout de suite. En attendant il faudra trouver des finances pour payer tout ce qu'il faut payer !"Sur les réseaux sociaux, elle s'indigne de ne pas avoir été invitée à une réunion en visioconférence avec les acteurs économiques et touristiques. Dans ce document sont détaillées les propositions du syndicat "pour la relance touristique" sur la Métropole de Clermont-Ferrand. Depuis sa publication, le syndicat a bien reçu une invitation à se joindre à cette réunion.
" On peut saluer le travail qui est fait par le Gouvernement qui prend en compte nos difficultés dans nos secteurs d'activité, l'hôtellerie-restauration. Mais le compte n'y pas, parce que nous n'avons pas de lisibilité" renchérit Thierry Perbet restaurateur traiteur à Aurillac (Cantal), Président départemental de l'UMIH 15 . "Sur l'accompagnement des entreprises " poursuit ce membre du bureau national de l'Umih restauration, "on ne sait pas s'il va se terminer le 1er juin ou le 31 juin et ça nous inquiète" confie Thierry Perbet. "Sur les droits de terrasse" poursuit-il, des sommes ont déjà été avancées, alors que nous n'avons aucune recette. Nous demandons leur remboursement mais aussi la prise en charge des loyers sur les mois fermés." La revendication est la même sur l'accompagnement avec le chômage partiel au delà de la date de réouverture prévue. "Parce que nous ne pourrons pas garder toute notre masse salariale si la capacité des restaurants est divisée par deux" . Mais la priorité pour Thierry Perbet c'est " l'accompagnement des entreprises en difficulté. Malheureusement quand des entreprises ont des bilans négatifs, ils n'ont pas le droit aux dispositifs d'aides mis en place" assure t- il. Saluant au passage "le gros effort de fait par la Région avec le Fond d'urgence spécifique" qui permet aux entreprises, de moins de 10 salariés, de toucher jusqu'à 5 000 euros d'aides.
Quel tourisme développer après le confinement ?
2 milliards d'euros ! c'est le chiffre astronomique des pertes estimées par le filière tourisme de la Région Auvergne-Rhône-Alpes sur la période de confinement, entre le 15 mars et le 11 mai prochain. Un chiffre avancé par le Comité du Tourisme Régional sur la base de la fréquentation touristique constatée l'an dernier sur la même période. Avec une reprise fixée au 15 juin , la perte atteindrait les 2,5 milliards d'euros ! Pour les 4 départements d'Auvergne, ou la filière tourisme représente 19 000 emplois, ce manque à gagner s'élève à 234,5 millions d'euros. Dans ce contexte, le directeur général d'Auvergne-Rhône-Alpes Tourisme, définit deux types de situations.. "Aujourd'hui bon nombre d'acteurs , les plus fragiles notamment se posent la question, s'ils seront en capacité de rouvrir cet été ou s'il seront en capacité de poursuivre leur activité " commente Lionel Flasseur. Dans ce cadre, le premier enjeu, c'est de redémarrer l'activité pour assurer la survie des acteurs, des emplois et des territoires associés. "On ne souhaite pas faire comme si de rien était, cette crise est révélatrice d'un certain nombre de maux de la société et d'aspirations sociétales qui vont devenir des revendications" analyse le directeur général de l'association chargée de la promotion et de la coordination des actions. "C'est pour cela qu'on parle d'accélérer la transition vers un tourisme bienveillant . C'est notre vision" souligne Lionel Flasseur. Une vision développée depuis déjà 1 an et demi. Sur le site internet d'Auvergne-Rhône Alpes Tourisme, une vidéo et un manifeste définissent les axes de développement de ce "tourisme bienveillant."Un tourisme davantage tourné sur la clientèle locale, en s'appuyant sur la Région et le marché domestique français. " 27% de nos touristes sont déjà les habitants de la Région elle-même" souligne le directeur général d'Auvergne-Rhône-Alpes tourisme. Pour la relance du marché international, qui pèse pour 20% dans la fréquentation touristique régionale, il faudra attendre la réouverture des frontières et la reprise normal des transports aériens et terrestres.
Recours aux mesures d'accompagnement des entreprises dans le Puy-de-Dôme
- Report des échéances sociales au fiscales : 87%
- Etalement des créances : 72%
- Mesure de chômage partiel : 67%