Deuxième ramadan confiné : à Clermont-Ferrand, comment les musulmans s’adaptent

Fermeture des mosquées après 19 heures, 6 personnes à table : depuis mardi 13 avril les musulmans de Clermont-Ferrand vivent pour la seconde fois un ramadan en confinement et doivent s’adapter.

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Pour la seconde fois consécutive le ramadan, qui a démarré mardi 13 avril, se passe pendant le confinement. Un mois de jeûne réalisé dans une ambiance particulière comme l’a observé Samad Dounia, propriétaire de la boucherie Halal Dounia de Clermont-Ferrand, à quelques heures du premier repas du soir du ramadan: « Il n’y a plus l’esprit de fête habituel, ça se ressent quand je parle avec mes clients. Même si les gens continuent d’acheter et d’organiser de grands repas pour maintenir la tradition. »  Mais il reconnaît que les restrictions sont moins contraignantes que l’année dernière : « Cette année la prière est autorisée la journée dans les lieux de culte et les gens peuvent se voir et se balader. C’est surtout le couvre-feu qui sera contraignant pendant le ramadan. Les grands repas de famille le soir ce n’est pas pour tout de suite » explique-t-il avec amertume en désignant son fils avec qui il dînera ce soir.

Un repas en famille restreint

Comme l’an passé, les familles n’ont pas le droit de se rassembler à plus de 6  lors de l’« Iftar », le repas réalisé pour rompre le jeûne à la tombée de la nuit, le rappel Abdellah Assafiri, vice-président du Conseil Régional du Culte Musulman d’Auvergne (CRCM). Des restrictions qui, pour Samad Dounia, « diminuent les plaisirs du ramadan. » Il détaille : « D’habitude on fait des grands repas conviviaux où on invite les tantes, les oncles. Et on peut se retrouver à la mosquée. Ce soir nous seront seulement 5 à la maison. Mais l’importance c’est d’être ensemble » ajoute Samad Dounia. Yacine, 26 ans, venu acheter sa viande, n’a pas cette chance. Toute sa famille est en Algérie, et tous les soirs il rompra le jeûne seul : « D’habitude je rentre en Algérie pour passer le ramadan en famille, c’est l’occasion de se réunir, de faire la fête. Mais cette année c’était trop compliqué de voyager. Heureusement je suis occupé par mon travail, je les appellerai. » Une situation que comprend aussi Caroline 32 ans, qui est venue acheter du poulet halal pour préparer le repas de son mari pratiquant. Habituellement, ils passent le ramadan en Algérie avec la famille de son conjoint, alors pour la jeune femme pas question de se laisser abattre : « Même si nous ne serons que deux, je lui prépare quand même un bon poulet aux olives, des brochettes de viande marinées avec des kesras (galettes) et de la chorba frik (soupe). Il faut s’adapter avec le contexte, on ira voir sa famille plus tard ! »

Pas de prières après le couvre-feu dans les mosquées

Contrairement à l’an dernier, cette année les lieux de culte restent ouvert la journée de 6 heures à 19 heures, et peuvent accueillir, selon leur taille, jusqu’à 300 personnes en même temps, comme le permet la grande mosquée de Clermont-Ferrand. Même si Karim Djermani, secrétaire général de la grande mosquée de Clermont-Ferrand précise qu’en journée « les fidèles ne sont rarement plus de 20 à venir prier dans le strict respect des distanciations, car ils travaillent. » Une légère compensation pour les fidèles qui ne peuvent pas effectuer à la mosquée leurs deux traditionnelles prières du soir, en raison du couvre-feu. Karim Djermani, qui organise habituellement au sein de la grande mosquée de Clermont-Ferrand des « buffets collectifs » pour rompre le jeûne avant la prière, sait pourtant à quel point les prières du soir sont importantes. Il précise : « Ce sont des prières qui réunissent souvent des centaines de fidèles après le partage d’un bon repas au sein de la mosquée et qui consolident les liens. Elles permettent de se recueillir ensemble mais aussi de prier pour d’autres choses. D’habitude M. Bouradi, le recteur de la mosquée les lit devant 400 personnes, cette année il doit les lire seul dans la mosquée. » Un rituel qu’il est cependant essentiel de conserver selon lui même sans fidèles : « pour que la grande mosquée puisse rester habitée. » Sofiane, étudiant de 22 ans venu prier dans l’après-midi à la grande mosquée de Clermont-Ferrand, veut rester positif. Pour lui, pratiquer la prière chez lui, seul, comme lors du précédent confinement, est aussi l’occasion de se « recentrer sur soi-même et de faire le point. »  Il détaille : « En jeûnant on doit renoncer aux choses essentielles comme la nourriture ou l’eau et se recentrer sur les priorités. Etre seul m’aide beaucoup pour ça, même si le partage fait aussi partie intégrante du ramadan. » Un partage et un lien fragilisé, que la grande mosquée comme d’autres tente de pallier du mieux possible en respectant les mesures, explique Karim Djermani. A travers les échanges dans la journée au sein de la mosquée, et les vidéos en ligne le soir. Le site de la grande mosquée de Clermont-Ferrand diffusera des prières et cours virtuels pour « être unis par la pensée. »  Il sait à quel point la solidarité est cruciale pour tenir : « Nous avons perdu de nombreux fidèles à cause de ce virus, même si nous ne pouvons pas nous réunir et devons respecter les règles scrupuleusement, nous devons être soudés plus que jamais face à cette pandémie et à la vulnérabilité de l’être humain face à la maladie. »  

Solidarité pendant la crise

« Le ramadan est d’ordinaire une période de grande solidarité, mais avec la crise nous avons pris conscience du nombre de personnes en grande précarité et cette année plus que jamais les aides se multiplient. » explique Karim Djermani . Traditionnellement la grande mosquée propose« l’Iftar » (le repas pour casser le jeûne) aux plus démunis et invite les fidèles, mais cette année comme de nombreuses mosquées, elle fournit aussi des repas aux étudiants fragilisés par la crise. Otsmane Mimoune est l’un des bénévoles de la grande mosquée qui préparent les 200 paniers qui seront livrés ce soir. Il détaille : « Grâce aux dons des fidèles et bénévoles de la grande mosquée, des associations et supermarchés solidaires dans la région, et même des particuliers, chaque jour nous pouvons préparer des repas sur place avant de les livrer. » L’objectif pour ces bénévoles, répondre quotidiennement aux demandes des étudiants signalés sur la plateforme en ligne mis en place par l’association des Etudiants Musulmans de France. Et Karim Djermani tient à préciser que ces paniers-repas ne concernent pas seulement les étudiants musulmans, mais tous les étudiants dans le besoin.


Une fois prêts, les paniers sont ensuite livrés par des étudiants  bénévoles. Comme Boutayna Ikan, étudiante de 22 ans qui fait aussi le ramadan : « C’est important pour moi de m’investir mais pas seulement pendant le ramadan, tous les jours.  J’habite dans un logement du CROUS, et constate au quotidien la pauvreté de certains étudiants, c’est inimaginable. » Un soutien de taille, pour Melha, 22 ans originaire d’Algérie qui bénéficie de ces paniers-repas. Depuis un an elle a du mal à joindre les deux bouts et passe une fois de plus le ramadan loin de ses proches : « C’est formidable comme initiative ! Ce soir dans le panier il y a de la harira (soupe), des dattes, du poulet aux épices et même un dessert ! Je vais pouvoir casser le jeûne de manière royale. Même si généralement trois dattes et un verre d’eau suffisent. » Le ramadan s’achèvera le 13 mai prochain, si tous espèrent d’ici là qu’un assouplissement des mesures aura lieu, Abdellah Assafiri, vice-président du CRCM (Conseil Régional du Culte Musulman) d’Auvergne, recommande à tous les musulmans qui font le ramadan de respecter avec rigueur les mesures sanitaires la journée dans les mosquées et le soir en famille. « Nous avons eu beaucoup trop de décès il faut respecter les mesures afin d’avoir la chance un jour de pouvoir passer un ramadan comme nous l’avons connu. » conclut-il.

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