Mitterrand, Chirac, Sarkozy...qui est arrivé en tête des suffrages lors des élections présidentielles à Clermont-Ferrand et dans le Puy-de-Dôme ? Petit voyage dans le temps électoral.
Le premier tour de l’élection présidentielle approche à grand pas. Peut-on tirer des enseignements des précédents scrutins à Clermont-Ferrand et dans le Puy-de-Dôme ? Mathias Bernard, professeur d’histoire contemporaine et président de l’université Clermont Auvergne, a analysé comment on a voté ces dernières années. Il explique : « Globalement, sur les 25 dernières années, à Clermont-Ferrand, il y a un vote traditionnel à gauche. Il se vérifie à tous les scrutins, même depuis 1981, où les résultats obtenus par les candidats de gauche sont toujours supérieurs à la moyenne nationale. A Clermont-Ferrand, ils sont même supérieurs au Puy-de-Dôme ». Mathias Bernard poursuit : « En 1988, à Clermont-Ferrand, François Mitterrand fait un score sensiblement supérieur au reste du pays. Mais il était aussi dominant dans le reste du pays. Au second tour, il est assez largement en tête ».
"Clermont-Ferrand est un bastion de la gauche"
Selon le professeur d’histoire contemporaine, la capitale auvergnate est marquée par un profond ancrage à gauche : « Clermont-Ferrand est un bastion de la gauche. Cela ne s’est jamais démenti sauf en 2017. Même dans des scrutins qui n’étaient pas favorables à la gauche, la gauche l’avait toujours emporté. En 1995, Lionel Jospin est battu au second tour, mais il est majoritaire à Clermont-Ferrand, avec 51 % des suffrages. En 2002, à Clermont-Ferrand, au premier tour, c’est Lionel Jospin qui est en tête, alors qu’au niveau national, il est troisième et il est éliminé. En 2007, alors que Ségolène Royal est battue au niveau national, elle fait plus de 57 % à Clermont-Ferrand au second tour. Il y a là une vraie particularité de Clermont-Ferrand, qui confirme ce que l’on constate au niveau local. La mairie est tenue par les socialistes depuis la Libération ».
Le tournant des années 2000
En revanche, dans le département du Puy-de-Dôme, on a pu constater une réelle évolution : « On a une situation qui est assez équilibrée jusque dans les années 1990. En 1995, au second tour, Lionel Jospin fait un petit peu mieux qu’au niveau national. C’est Jacques Chirac qui l’emporte dans le Puy-de-Dôme, avec 51 %. En 2002, au premier tour, Jacques Chirac est en tête. Lionel Jospin fait le même score qu’au niveau national, avec environ 17 %. On voit une évolution vers la gauche au cours des années 2000. En 2007, Ségolène Royal obtient 54 % au second tour alors qu’elle ne fait que 47 % au plan national. En 2012, Hollande obtient 60 % et fait bien plus que les 51 % effectués à l’échelle nationale. Il y a un renforcement de cet ancrage à gauche dans le Puy-de-Dôme, peut-être porté par Clermont-Ferrand. C’est un phénomène plutôt récent, sur les 20 dernières années ».
Le faible score du Front national
Autre caractéristique notable, le score réalisé par le Front National puis le Rassemblement national à Clermont-Ferrand et dans le Puy-de-Dôme : « Une particularité est commune à Clermont-Ferrand et au Puy-de-Dôme, c’est le faible score du Front national. C’est même encore plus marqué à Clermont-Ferrand que dans le reste du département. Jean-Marie Le Pen fait des scores plus faibles qu’à l’échelle nationale. En 2002, il était présent au second tour. A Clermont-Ferrand, au premier tour, il fait un peu plus de 11 % et 13 % dans le département. Il est loin de son résultat national. C’était vrai tant que c’était Jean-Marie Le Pen. A partir de 2012, dans le département, ce parti fait un score plus important. En 2012 et en 2017, Clermont-Ferrand reste une terre encore assez hostile à Marine Le Pen. Mais dans la partie rurale du département, Marine Le Pen fait 15,5 % en 2012. En 2017, elle fait 17,7 %. Le Front national mariniste a récupéré une partie de son retard dans le département ».
La particularité du scrutin de 2017
Mais le scrutin de 2017 a totalement rebattu les cartes. Mathias Bernard indique : « En 2017, à Clermont-Ferrand et dans le Puy-de-Dôme, comme partout en France, on constate au premier tour le très faible score du candidat socialiste. Benoît Hamon fait mieux qu’à l’échelle nationale mais à Clermont-Ferrand, il fait moins de 10 %. Pour une place forte du Parti socialiste, c’est très faible par rapport aux 38 % réalisés par François Hollande en 2012. Il y a donc un effondrement du Parti socialiste dont a principalement bénéficié Emmanuel Macron pour les deux tiers et Jean-Luc Mélenchon pour le reste. C’est ce que l’on constate à Clermont-Ferrand, mais aussi sur le département, même si les données sont moins spectaculaires. Le duo Macron-Mélenchon est en tête et Marine Le Pen n’est que troisième ».
Pour qui va voter l'électorat de gauche en 2022 ?
La question est de savoir si on peut se projeter en 2022 à la lecture des précédents scrutins. Mathias Bernard avance prudemment : « On l’a vu en 2017, il peut y avoir des éléments de recomposition politique. Depuis 2017, il y a aussi eu des évolutions qui ont pu être constatées dans les scrutins intermédiaires. Il y a eu une consolidation du poids du Parti socialiste dans la ville de Clermont-Ferrand. La ville a aussi résisté à la vague de droite lors des élections départementales de 2021. Comment cet électorat de Clermont-Ferrand, qui reste majoritairement à gauche, va-t-il se comporter en 2022 ? C’est une inconnue. On sait, en gros, que l’électorat de gauche pèse à 60 % à Clermont-Ferrand mais on ne sait pas comment il va se répartir au premier tour. On peut se demander si les électeurs de gauche qui ont voté Macron en 2017 vont continuer à voter pour lui en 2022. Ce n’est pas certain. La deuxième évolution depuis 2017 est que l’on a constaté un retour de balancier vers la droite dans le reste du département. On l’a vu avec la bascule du Conseil départemental en 2021 et avec les très bons scores des maires de droite et de centre-droit aux municipales de 2020, à Issoire, Riom. L’interrogation est de savoir si cette droitisation relative du département va se confirmer. Est-ce que Valérie Pécresse va en profiter ou cet électorat du centre-droit va plutôt aller vers Emmanuel Macron ? ». La réponse à cette question sera bientôt connue. Le premier tour de l’élection présidentielle a lieu le 10 avril.