Élections législatives 2024. "Il y avait l'ambition de reconquérir l'Élysée" : François Hollande rejoue le scénario de Valéry Giscard d'Estaing

François Hollande a annoncé, cette semaine, sa candidature aux éléctions législatives pour tenter de remporter la première circonscription de Corrèze. L'occasion de se replonger dans les archives des éléctions législatives partielles du Puy-de-Dôme en 1984 où un certain Valéry Giscard d'Estaing avait été élu député.

Le feuilleton politique de cette dernière semaine était riche en rebondissements. Mais l'une des plus grandes surprises fut celle de la candidature de François Hollande aux élections législatives anticipées. Sous la bannière du "Nouveau front populaire", l'ancien Président de la République souhaite reconquérir la première circonscription de la Corrèze, le 7 juillet prochain. Il y a tout juste 40 ans, en 1984, c'était un autre ancien chef d'Etat qui se présentait à ces élections, dans le Puy-de-Dôme : Valéry Giscard d'Estaing (VGE).

Un contexte différent

Sa défaite lors de la présidentielle en 1981, face au socialiste François Mitterrand, n'a pas freiné ses ambitions. À 55 ans, il affichait clairement son envie de revenir en politique. "Il était encore jeune pour le personnel politique de l’époque et puis il avait quand même été en tête du premier tour de la présidentielle donc il n'était pas désavoué politiquement", confie Mathias Bernard, professeur de politique contemporaine et président de l'Université Clermont Auvergne. Dans les semaines qui ont suivi l'élection présidentielle, VGE construit une stratégie de retour sur la scène politique. Une année plus tard, en 1982, il se présente aux élections départementales du Puy-de-Dôme et devient élu du canton de Chamalières, près de Clermont-Ferrand.

Il avait une vraie stratégie pour rentrer à nouveau dans le jeu politique mais en repartant de la base, donc conseiller général, puis député, puis la présidence de région en 1986. Il y a eu une volonté très rapidement, contrairement à François Hollande qui a attendu 7 ans pour revenir.

Mathias Bernard

Professeur de politique contemporaine à l'Université Clermont-Auvergne

Les législatives de septembre 1984, c'est une nouvelle étape pour lui, un mandat national cette fois-ci. Le contexte de la candidature de Valéry Giscard d'Estaing est un peu particulier. Ces élections ne sont pas nationales mais partielles, dans la seule troisième circonscription du Puy-de-Dôme. Elles s'expliquent par la démission de Claude Wolff qui a été élu député européen en juin 1984. "C'était la seule circonscription concernée et en plus de ça, un ancien Président de la République se présentait donc ça a été très médiatisé nationalement", raconte le politologue.

Fort de son ancrage local, Valéry Giscard d'Estaing a été élu dès le premier tour, avec 30 points de plus que son adversaire Michèle André du Parti socialiste : "Localement, son retour était attendu. À l'échelle nationale, je pense que c'était un petit peu différent puisque depuis 1981, la droite se restructurait autour de deux grandes figures Jacques Chirac, qui misait surtout sur l’alliance des partis de l’époque RPR et UDF, et Raymond Barre qui incarnait un positionnement plus gaullien, au-dessus des partis". Le retour de Giscard, en septembre 1984 sur la scène nationale, a bousculé la reconfiguration et le jeu politique de la droite.

Un souhait de revenir en politique

La candidature de François Hollande aux prochaines législatives arrive dans des contextes politiques et personnels différents. "Déjà Hollande n'a pas le même âge, il a 70 ans. Giscard en avait 58 lorsqu'il s'est présenté. Ce n'est pas tout à fait la même perspective. En 1984, il avait potentiellement 20 ou 25 ans de vie politique devant lui, ce n'est pas le cas de Hollande", compare Mathias Bernard. "Puis beaucoup pensaient qu'il ne reviendrait pas en politique après son départ en 2017. C'était un départ, qui n’est pas un échec, mais qui est lié à une non-candidature donc ça rendait le retour plus compliqué, ce qui explique sans doute le délai".

Pour le politologue, il y a cependant une grande similitude entre ces deux candidatures, le souhait d'un retour en politique. L'ancien Président socialiste l'explique par le contexte de la dissolution de l'Assemblée nationale et la montée de l'extrême droite en France. "Ça, c'est une justification mais les résultats des Européennes, puis cette dissolution contribue à fragiliser encore plus Emmanuel Macron et plus largement, le macronisme. Ça rebat donc les cartes pour la prochaine présidentielle, avec potentiellement un retour à une nouvelle forme de bipolarisation entre le RN et le Nouveau front populaire", explique-t-il. "Les chances de victoire de la gauche sont alors moins faibles qu'elles ne l'étaient il y a encore six mois ou un an". Mathias Bernard pense donc que la candidature de François Hollande s'inscrit dans cette perspective. En 1984, le retour progressif de Valéry Giscard d'Estaing semble annoncer également son envie de reconquérir l'Elysée. "Il avait 1988 en ligne de mire".

Il n'y a pas que la Corrèze ou le Puy-de-Dôme qui préoccupait les anciens présidents mais il y a bien l’ambition de reconquérir l'Élysée.

Mathias Bernard

Professeur de politique contemporaine à l'Université Clermont-Auvergne.

Cependant, le président de l'Université Clermont-Auvergne précise que l'élection de François Hollande en Corrèze sera une tâche plus difficile que celle de VGE dans le Puy-de-Dôme en 1984. "La circonscription de Clermont-Montagne était acquise à Giscard. C’était un territoire favorable à une droite modérée. Il prenait peu de risques en se représentant", avoue le politologue. "Pour gagner la première circonscription de Corrèze, c'est plus compliqué. Elle est tenue par un député Les Républicains donc ce n'est pas un ami politique qui lui cède sa circonscription". S’il reconquiert cette circonscription, l'ancien président socialiste "réinstallera un peu sa légitimité, qui avait été très écornée par la fin de son mandat présidentiel". "Le mandat parlementaire est un élément important de légitimité dans la culture française". Même si Emmanuel Macron était presque le seul avec le général De Gaulle à ne pas passer par la case parlementaire, le mandat de député d'un candidat à la présidence est un élément de légitimation fort.

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