Emmanuel Macron s’est exprimé mercredi 22 mars sur sa réforme des retraites. Il n’a pas du tout convaincu les leaders syndicaux dans le Puy-de-Dôme. Ils appellent à une mobilisation encore plus forte dès jeudi 23 mars.
C’était une intervention très attendue. Mercredi 22 mars, le président de la République Emmanuel Macron s’est adressé aux Français à 13 heures. Malgré la colère dans la rue, il a maintenu que la réforme des retraites était « nécessaire » et devrait s’appliquer « d’ici la fin de l’année ». Dans le Puy-de-Dôme, les leaders syndicaux ne semblent pas du tout avoir été convaincus. C’est le cas de Frédéric Bochard, secrétaire départemental FO : « Le président ne me convainc pas depuis le début. Cet homme-là est dans le déni, dans le mensonge. Il est le représentant de l’oligarchie en France. Je n’ai pas été convaincu par son discours ». Le président de la République assume son impopularité, mais dans « l’intérêt général ». Un argument qui fait bondir Frédéric Bochard : « Dans la bouche de Macron, l’intérêt général est quelque chose pour justifier une manière despotique de gouverner. L’intérêt général n’est pas du tout là. L’intérêt général est que les gens puissent partir à la retraite non pas à 64 ans mais à 62 ans voire moins. Notre position, à FO, c’est 60 ans ».
Macron n’entendra que la grève et la colère
Frédéric Bochard, FO
Pour lui, la lutte doit continuer : « Je constate que depuis jeudi dernier avec l’annonce du 49.3 et le rejet de la motion de censure, des manifestations se déroulent, des blocages se font. La grève se développe, en particulier dans les raffineries, dans les ports, chez les éboueurs. Il y a plein d’endroits où se tiennent des réunions, des assemblées générales. Depuis le 19 janvier, la lutte a commencé et ne pourra cesser que par le retrait de la loi Macron-Borne-Dussopt ». Le secrétaire départemental FO ne mâche pas ses mots quand Emmanuel Macron souhaite « réengager » le dialogue avec les partenaires sociaux sur les conditions de travail : « Macron est un faux-cul. Il n’y a pas d’autre mot. S’il avait voulu que l’on discute de la pénibilité, des carrières longues ou de la situation des femmes, il n’aurait pas mis en place son projet. Il aurait fait en sorte que les partenaires sociaux se réunissent et discutent. Nous ne sommes pas à la botte de Macron. Nous discuterons librement des problèmes auxquels nous sommes confrontés. Ce n’est pas lui qui décide. Cette manière de faire est purement détestable ». Le président de la République a regretté que les syndicats n’aient pas fait de « proposition de compromis » sur le texte. Frédéric Bochard lui répond : « Pour proposer un compromis, il faut qu’il y ait une véritable négociation. Or, il n’y a pas eu de négociation. On nous a imposé un projet de réforme qui stipulait au départ 65 ans. Il n’y avait rien à discuter là-dedans. Les 8 organisations syndicales sont vent debout contre son projet. Le mot d’ordre est l’abandon, l’abrogation, le retrait de la réforme sur les retraites et généralisation de la grève. ».
On a l’impression qu’il reste sourd et aveugle à ce qu’il se passe dans le pays
Valérie Guillaume, CFDT
Valérie Guillaume, secrétaire générale adjointe CFDT Auvergne-Rhône-Alpes, a aussi été attentive aux déclarations du président de la République : « Il ne m’a pas du tout convaincue. Je ne suis pas sûre du tout qu’il ait pu calmer la colère de la rue à ce stade. Cela risque de se voir demain dans le cadre des mobilisations encadrées. On n’a jamais été opposés à la nécessité d’une réforme. Mais ce n’était ni le moment, ni de cette façon. On tient à la retraite par répartition. Il y a peut-être des choses à revoir. Il me semble qu’il y avait d’autres priorités dans le pays pour le monde du travail ». Au sujet du compromis impossible qu’Emmanuel Macron a regretté, Valérie Guillaume s’emporte : « On trouve que c’est un peu fort de café. On n’a pas cessé de clamer haut et fort que l’on souhaitait pouvoir présenter correctement nos projets et qu’on puisse discuter, avoir un vrai dialogue social. Cela a été balayé d’un revers de manche. C’est un peu facile maintenant de dire que c’est la faute des organisations syndicales. Nous avons pris nos responsabilités. A lui de prendre les siennes ». Concernant une main tendue aux syndicats au sujet des conditions de travail, la secrétaire générale adjointe CFDT Auvergne-Rhône-Alpes indique : « Je pense qu’on verra en temps et en heure. Je ne suis pas sûre qu’on va pouvoir se mettre dès ce soir autour d’une table. Il y a des demandes fortes sur la remise à plat totale de cette réforme pour pouvoir engager des discussions plus profondes. Avant de parler de réforme des retraites, il faut pouvoir parler du travail dans sa globalité ». Le secrétaire générale de la CFDT, Laurent Berger, a taxé les propos du chef de l’Etat de « déni et de mensonge ». Valérie Guillaume partage cet avis : « Je suis d’accord avec les déclarations de Laurent Berger. On l’a constaté ces derniers temps. On le voit encore aujourd’hui, lorsqu’il dit que personne n’a voulu négocié. C’est le contraire qui a été fait. Toutes les organisations syndicales ont demandé à être reçues. On n’a pas eu cette possibilité de rendez-vous depuis janvier ». Elle insiste : « Il y a une mobilisation prévue demain. On fait en sorte en intersyndicale d’être fortement mobilisés, pas seulement dans la rue mais aussi en entreprise. On souhaite le retrait de la réforme. C’est notre objectif ».
Je pense que cela continue d’attiser la colère et de mettre le feu au pays
Ghislain Dugourd, CGT
Après les déclarations du président de la République, Ghislain Dugourd, secrétaire départemental UD CGT du Puy-de-Dôme, est plus déterminé que jamais : « Ils nous a convaincu de continuer la mobilisation : c’est une certitude. On voit bien sas volonté de rester droit dans ses bottes et de maintenir sa réforme coûte que coûte. Dans son discours, il divise les Français, lorsqu’il aborde la question du RSA en parlant d’une France qui travaille et d’une France qui ne travaille pas. C’est particulièrement choquant ». Le secrétaire général de la CGT, Philippe Martinez, a déclaré « C’est lunaire, cette interview ». Ghislain Dugourd s’aligne sur ces déclarations : « Je partage complètement cet avis. Quand il affirme que la réforme a été travaillée avec les organisations syndicales, c’est faux. Les propositions de l’ensemble des organisations syndicales n’ont pas été entendues. Derrière, il veut lancer les assises du travail et relancer le dialogue social : il a oublié qu’il y a à peine dix jours, nos fédérations l’ont interpellé par un courrier en lui demandant de le rencontrer en urgence et qu’il a répondu par la négative. A un moment donné, au-delà de ce qu’il a exprimé, c’est du foutage de gueule ».
Il rejette en bloc l’argument de l’ « intérêt général » défendu par le chef de l’Etat : « Si vraiment il écoutait l’intérêt général, il écouterait les plus de 70 % de la population qui sont contre ce projet de réforme. Il écouterait les 95 % des actifs qui refusent de travailler deux ans de plus. C’est ça la réalité ». Ghislain Dugourd n’entend pas baisser les bras : « Je ne pense que son intervention va calmer la colère de la rue, au contraire. Il faudra que le gouvernement en porte les responsabilités. Avant de parler de bordélisation du pays ou de désordre lié à la contestation, il faut chercher le responsable du désordre. On pense que c’est Macron et son gouvernement. La lutte continue. On va faire en sorte de faire que demain soit une puissante journée de grève et de mobilisation. On se pose déjà la question de la reconduction. On sait que ce n’est pas sur une journée que les choses risquent de changer ».
Son intervention a été un massacre
Véronica Olteanu, FedEA
Du côté de la Fédération des Etudiants d’Auvergne, l’entretien d’Emmanuel Macron a du mal à passer. Selon sa présidente, Véronica Olteanu : « Je trouve dommage que, vu le nombre de personnes dans la rue, avec la voix du peuple qui est contre cette réforme, le président dise que c’est la voix des élus qui prime. Avec le 49.3, ils ont voulu faire taire cette voix. Ce qui se profile depuis deux mois est dramatique. Au niveau de l’intersyndicale, aucun rendez-vous n’a jamais été accepté de la part du cabinet du président. Dire que l’intersyndicale n’a pas proposé de compromis est faux. Elle n’a jamais été reçue. Le président pouvait dire qu’il était ouvert à des discussions mais là, il continue de s’entêter. Personne ne veut de cette réforme ». Elle aussi appelle à la mobilisation dès jeudi 23 mars : « Je pense que la lutte va continuer dès demain. Par le passé, des projets passés en 49.3 n’ont jamais été appliqués. On attend de savoir ce que va décider le Conseil constitutionnel ».
Jeudi 23 mars, à Clermont-Ferrand, l’intersyndicale appelle à une manifestation dès 10 heures, place du 1er mai.