En France métropolitaine, environ 1 préfet sur 4 à la tête d'un département est une femme. En Auvergne, c'est l'inverse : 3 préfets sur 4 sont des préfètes. A l'occasion de la journée des droits de la femme, rencontre avec Anne-Gaëlle Baudouin-Clerc, qui a pris ses fonctions dans le Puy-de-Dôme.

Clermont-Ferrand. 8h30, mardi 5 mars dans une petite salle de la préfecture du Puy-de-Dôme. C’est une journée marathon qui commence pour la préfète du Puy-de-Dôme, Anne-Gaëlle Baudouin-Clerc. L’objet de la réunion : « l’éloignement des personnes en situation irrégulière ». Autour de la table, la secrétaire générale, le directeur de cabinet et la directrice de la réglementation.
« Le département, comme beaucoup d’autres, est confronté à une augmentation de la pression migratoire. On essaie de travailler sur l’accueil, l’intégration, et la reconduite à la frontière. Il s’agit de caler l’organisation du travail entre les différents services concernés. C’est toute une chaîne d’intervention avec la question du respect des droits de chacun, la police, la gendarmerie… », expose avec des mots choisis la préfète. Le sujet est délicat. La réunion restera confidentielle. Premier rendez-vous d’une journée qui ne fait que commencer…
 


Anne-Gaëlle Baudouin-Clerc a pris ses fonctions dans le Puy-de-Dôme le 10 décembre 2018. Un calendrier rattrapé par le mouvement des gilets jaunes dans le département. Et notamment par les violences du 23/02 à Clermont-Ferrand, en marge du 15e samedi de manifestation.
Des événements qui se sont imposés dans un agenda déjà bien chargé. Connaître, prendre le pouls du territoire, rencontrer les différents acteurs dans le département figurent aussi parmi les incontournables liés à son arrivée.

10h 30, devant le hangar d’une exploitation à Saint-Jean-en Val, près d’Issoire dans le Puy-de-Dôme. Un petit groupe d’une quarantaine de personnes attend la préfète. Première rencontre officielle, au sortir des élections dans les chambres d’agriculture. La FNSEA (Fédération Nationale des Syndicats d'Exploitants Agricoles) et les JA (Jeunes Agriculteurs) ont repris la main dans le Puy-de-Dôme. Et ils entendent bien s’affirmer comme l’interlocuteur « majoritaire ».
 

Anne-Gaëlle Baudouin-Clerc prend le temps de saluer chacun. « C'est très rare de faire le tour de tout le monde. C’est un signe de proximité », observe un représentant syndical qui glisse également : « elle a du peps, la préfète ». FNSEA et JA connaissent l’enjeu : « c’est le relais de l’état qui s’appuie sur le service de la DDT (ndlr, direction départementale des territoires). Mais l’arbitre, ça reste le préfet », explique David Chauve, le président de la FNSEA 63. « On aimerait avoir des relations saines, de bonnes relations », affirme encore Baptiste Arnaud, président des JA du Puy-de-Dôme.
 

Un premier contact qui demande à être vérifié", selon la FNSEA

S'ensuivent 3 heures d'échange ininterrompu, notamment avec les responsables de chaque section. L'accueil se veut bienveillant, mais le ton est parfois ferme pour exposer les préoccupations et les attentes des filières de production. Races allaitantes, ovins, volailles, grandes cultures, gestion de la ressource en eau, usage des produits phytosanitaires, rémunérations, renouvellement des générations ou "agri-bashing" (pour qualifier le climat de défiance vis à vis de la profession)… La liste des sujets est longue.
Sans faire de promesses, Anne-Gaëlle Baudouin-Clerc souligne l’importance du compromis, de la concertation.
« Il y a de l’écoute. Le corps préfectoral est en train de changer », observe un participant. « Quelqu’un de relativement ouvert (...), d'assez à l'aise sur le terrain. Un premier contact qui demande à être vérifié », estime pour sa part David Chauve, de la FNSEA 63.
 

De l'agriculture à l'insertion


L’heure a tourné… A peine le temps de croquer un sandwich debout dans le hangar agricole et c’est le retour en préfecture à Clermont-Ferrand, où se tient un CDIAE, un conseil départemental de l’insertion par l’activité économique, qui s’inscrit dans la politique de lutte contre les exclusions.
 

Représentants de la DIRECCTE, de Pôle Emploi, des collectivités territoriales, des réseaux de l’IAE (Insertion par l'Activité Economique) ou encore du monde de l’entreprise siègent au sein de cette « instance de pilotage et de consultation ». Bilan d’activité et audition de porteurs de projets vont rythmer cette réunion assez technique… Et que la préfète devra quitter un peu avant la fin pour honorer un rendez-vous à Pôle Emploi. Au programme : visite des locaux et rencontre avec les conseillers de l’agence de Clermont Nord. Stratégie d’organisation et de suivi des demandeurs d’emploi, adéquation entre l’offre et la demande, taux de satisfaction figurent parmi les discussions.
 

Malgré le rythme très soutenu qu’exige la fonction, Anne-Gaëlle Baudouin-Clerc explique apprécier l’exercice. « J’ai choisi le corps préfectoral pour être sur le terrain. Je n’ai pas grandi avec l’idée que j’allais devenir préfète. C’est quelque chose que j’ai découvert à l’ENA. On fait tous un stage en préfecture. C’est là que j’ai découvert le métier », raconte la préfète du Puy-de-Dôme.
Pour l'anecdote, à l’ENA (Ecole Nationale d'Administration), Anne-Gaëlle Baudouin-Clerc était dans la même promotion (« Marc Bloch ») que le Premier Ministre Edouard Philippe. Son parcours dans la haute administration l’a conduite en Basse-Normandie, à Paris, dans le Nord-Pas-de-Calais ou encore dans les Pyrénées-Orientales. En 2012, elle est « conseillère administration territoriale » au cabinet du ministre de l’Intérieur, sous Manuel Valls, puis Bernard Cazeneuve. En 2014, elle devient préfète des Hautes-Pyrénées puis, deux ans plus tard, de la Dordogne.

Un métier qui vous met dans une grande intensité 

« C’est un métier qui vous met dans une grande intensité, j’essaie vraiment de vivre avec le territoire. Il faut être à la croisée des acteurs économiques, politiques, culturels, éducatifs… C’est une diversité de monde, d’interlocuteurs. Dans une société très cloisonnée, c’est une chance d’avoir un métier qui nous permet d’être au contact avec autant de milieux différents », estime Anne-Gaëlle Baudouin-Clerc.
 

3 hommes pour 1 femme préfète de département


Dans la vie privée, la préfète du Puy-de-Dôme est aussi mère de famille. Elle a des jumeaux âgés de 12 ans et une fillette de 8 ans. « L’avantage que j’ai, c’est d’habiter sur mon lieu de travail. Le soir, j’essaie de m’échapper pour partager un moment avec les enfants. Le fait d’être un peu nomade, ça soude les liens ». Une femme préfète avec des enfants en bas âge ? « Jusqu’à présent, j’appartenais à une espèce un peu rare. Mais c’est une réalité et on a aussi à être à l’image de la société dans laquelle on vit », observe la représentante de l’Etat dans le département.

A 47 ans, Anne-Gaëlle Baudouin-Clerc participe à la féminisation du corps préfectoral. Depuis la nomination de la première femme préfète en France – Yvette Chassagne en 1981 dans le Loir-et-Cher – les choses ont évolué. D’après nos calculs (les chiffres variant au fil des nominations), dans les 96 départements de France métropolitaine on recense 26 femmes préfètes, soit 27 % des effectifs. Et en Auvergne, actuellement, 3 préfets sur 4 sont des femmes.
 

Ne pas se mettre de barrière

« Quand j’ai commencé, j’étais agacée qu’on me renvoie à cette question-là. Mais j’ai évolué avec ça. Il me paraît important de montrer à d’autres jeunes femmes de ne pas se mettre de barrière. Beaucoup sont dans l’autolimitation par rapport à leurs ambitions », confie Anne-Gaëlle Baudouin-Clerc. « Ca m’a plutôt servi d’être une femme, ça donne de la visibilité (…) Le regard malgré tout n’est pas tout à fait le même. Je l’ai expérimenté », admet-elle sobrement.

Incarner l’Etat, la fonction exige de la réserve. Alors, quelle marge de manœuvre ? « J’ai un cadre, je représente, j’applique, mais je donne aussi ma petite couleur ». Une présence qui s’appuie notamment sur un recours accru aux réseaux sociaux, avec un compte Facebook, Twitter et depuis peu Instagram. « Ca participe de ma mission générale, ça donne à voir l’Etat, ça facilite la gestion de crise et ça permet d’avoir un retour des gens en général, ça donne un lien de proximité qui est plus grand » estime la préfète.

A l’issue de la visite à Pôle Emploi, les aiguilles de l’horloge frôlent 19 heures. La journée de la préfète n’est pas terminée. Elle est encore attendue pour un – ultime ? - entretien en préfecture. « Vous êtes préfet tout le temps, c’est un système de permanence. Ca ne s’arrête jamais », glisse avec un sourire Anne-Gaëlle Baudouin-Clerc.
 
Questions-réponses sur les droits des femmes
Les préfets sont responsables de la mise en oeuvre des politiques publiques. Quelle va être votre action en matière de droits des femmes ?

Anne-Gaëlle Baudouin-Clerc : "L’égalité femmes-hommes est une priorité. Le président de la République en a fait une priorité du quinquennat. Ca veut dire pour nous, au plan local, beaucoup de choses très concrètes un peu dans tous les domaines, en matière d’éducation, d’orientation, d’accès aux métiers encore réservés aux hommes. Dans un territoire qui est confronté à des difficultés de recrutement - beaucoup de chefs d'entreprise me disent ça - il ne faut pas se priver des compétences des femmes. Donc, c’est l’égalité femmes-hommes dans l’entreprise, dans le recrutement, dans la promotion, dans l’égalité salariale. C’est aussi lutter contre les violences faites aux femmes, une priorité évidemment essentielle. Comme je suis en charge des questions de sécurité, j’y suis particulièrement attentive avec les services de police, de gendarmerie, pour trouver des réponses, faire en sorte que les femmes soient bien prises en charge. On a de ce point de vue-là des progrès à faire dans le Puy-de-Dôme, en particulier pour que les femmes victimes de violences soient hébergées, prises en charge. Aujourd’hui le nombre de places disponibles est insuffisant, il faut qu’on fasse des efforts en particulier la-dessus".

Selon vous, est-ce que le plus dur est fait en France ou est-ce qu'il y a encore du chemin à parcourir ? Un peu ? Beaucoup ?

"Pour que nous construisions une société inclusive, c'est-à-dire une société qui fasse sa place aux femmes et à tous ceux qui peuvent être victimes de discriminations aussi liés à l’origine, à l’adresse, à l’orientation sexuelle, au handicap, c’est toute cette ambition-là que l’on a à construire et j’ai le sentiment que des efforts, oui, restent à faire pour les femmes bien sûr, mais aussi plus largement. Et c’est encore une fois toute la société qui en est bénéficiaire".


 
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