Tous les ans, la Journée sans tabac a lieu la 31 mai, à l'initiative de l'Organisation mondiale de la santé. Une psychiatre et addictologue du CHU de Clermont-Ferrand rappelle la nécessité de cette journée pour sensibiliser le grand public aux dangers du tabac.
Ce lundi 31 mai marque la Journée mondiale sans tabac, à l’initiative de l’Organisation. Pour la première fois en France depuis 2014, le nombre de fumeurs ne baisse plus, selon les derniers chiffres de Santé Publique France, publiés mercredi 26 mai. Véronique Boute Makota, psychiatre et addictologue, est la responsable de l’unité d’addictologie de liaison du CHU de Clermont-Ferrand. Elle confirme ces données : « Comme pour la moyenne nationale, on a constaté jusqu’en 2020 une augmentation des demandes pour des tentatives d’arrêt, pour des consultations, des demandes de prescription de médicaments. Ces dernières années, certainement à cause des politiques de santé, de l’augmentation du prix du tabac, des campagnes mois sans tabac, on avait constaté cette augmentation assez nette, aussi bien dans nos locaux qu’au niveau régional et national. Il est certain que depuis un an, depuis le début de la pandémie, il y a eu une diminution de l’accès aux consultations. On a repris en distanciel mais ce n’est pas accessible à tous, notamment pour certaines classes d’âge. Depuis le premier déconfinement, on a senti une baisse du recours aux consultations d’aide à l’arrêt. Il y a eu aussi une baisse de la motivation : les personnes se sentent actuellement moins prêtes à l’arrêt et on espère que cela va revenir. C’est lié à des facteurs de stress ».
[#Tabac] Après une baisse du tabagisme de 1,9 million de fumeurs quotidiens en moins entre 2014 et 2019 en France métropolitaine, la prévalence se stabilise avec 25,5% de fumeurs quotidiens en 2020.
— SantépubliqueFrance (@SantePubliqueFr) May 27, 2021
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Le rôle du confinement
Selon le médecin, le confinement a joué un rôle dans le ralentissement de la baisse du nombre de fumeurs. Elle explique : « Les gens ont connu une baisse de motivation et ont eu moins de décisions d’arrêt ou de diminution de leur consommation. Ils se sont sentis moins prêts. Quand on leur fait verbaliser les choses, ils l’expriment comme une période plus difficile, liée à plus de stress, des changements d’habitude. Il y a eu plus d’isolement et de solitude pour certains. Tous ces effets du confinement et de la pandémie ont influé sur la baisse des demandes de tentatives d’arrêt. Pour ceux qui ont essayé, ils ont connu moins de réussite, avec plus de risques de rechute ».
Le tabagisme cause 75 000 morts par an en France
Pour Véronique Boute Makota, il est nécessaire de rappeler les dangers du tabagisme, notamment en pleine épidémie de COVID : « De temps en temps, on remet les choses à leur niveau en montrant qu’il y a davantage de morts du tabac que de morts du COVID. Les gens ont une conscience amoindrie de la mortalité du tabac par rapport à la pandémie. Il y a eu aussi une communication autour de la soi-disant protection du COVID en tant que fumeur, avec des études controversées. Je pense que cela a laissé penser aux personnes qu’elles prenaient moins de risques de fumer et cela a peut-être contribué à diminuer leur motivation à arrêter. Le tabagisme cause 75 000 morts par an en France. C’est l’équivalent d’un crash d’un Boeing par jour en France. C’est une donnée importante ».
Les plus précaires touchés
Les personnes précaires sont celles qui ont le plus de mal à décrocher du tabac. La psychiatre et addictologue souligne : « Depuis 2014, on observe une baisse importante du tabagisme, sauf chez les plus précaires. On a constaté des inégalités qui ont tendance à se réduire un peu ces 2 ou 3 dernières années. Il y a encore un écart entre le nombre de fumeurs dans les populations les plus aisées financièrement et ceux qui ont les revenus les plus bas. Cette population qui a un niveau socio-économique plus bas et un niveau d’études plus bas a encore un tabagisme plus important que les autres ». Au CHU de Clermont-Ferrand, les personnes qui ont recours aux services des médecins addictologues arrivent par plusieurs chemins : « Les personnes ont recours à la ligne « Tabac info service », aux applications. Par ce biais-là, elles ont un premier contact et on leur donne l’annuaire des consultations tabagiques. Elles peuvent venir par ce biais-là. Elles sont aussi orientées par les médecins traitant. En général, en consultation, on ne voit pas les premières tentatives. C’est quand elles ont échoué seules qu’elles sont amenées à prendre un rendez-vous avec un tabacologue. Il y a 2 fois plus d’arrêt quand les gens sont suivis pendant au moins un an ». Pour de nombreuses personnes qui veulent décrocher, la cigarette électronique peut être un moyen d’en finir avec le tabac. Véronique Boute Makota donne son point de vue sur la cigarette électronique : « Depuis 4 ou 5 ans, il y a une forte augmentation du recours à la cigarette électronique pour se sevrer. Ces 2 dernières années, on enregistre une petite baisse. C’est probablement lié à un effet de mode et par expérience, les gens se sont aperçus que ce n’était pas miraculeux. On a encore beaucoup de fumeurs qui viennent en consultation en ayant déjà fait une tentative avec la cigarette électronique, plus ou moins réussie. Ca peut être le cas quand la cigarette électronique a été associée à des médicaments. La cigarette électronique est beaucoup moins toxique que le tabac. Une étude anglaise a montré que c’est 300 fois moins toxique. Il y a une vraie réduction des risques à partir du moment où les gens n’utilisent que la cigarette électronique. S’ils continuent à fumer, en même temps que vapoter, il n’y a pas vraiment de réduction du risque. Une étude montre que les personnes qui utilisent les 2 viennent plus facilement au tabac que vers un sevrage complet ».
Il est important de marquer régulièrement des messages
La psychiatre et addictologue rappelle la nécessité de journées comme celles du 31 mai pour sensibiliser le grand public : « Il est important de marquer régulièrement des messages. On a 2 occasions par an : le mois sans tabac en novembre et la journée mondiale sans tabac .C’est lors de ces journées de sensibilisation que l’on peut aussi réaliser des consultations « flash » c’est-à-dire brèves qui permettent souvent au patient fumeur de repartir avec une ordonnance de substituts nicotiniques ou autre médicament d’aide à l’arrêt du tabac (souvent nécessaire pour aider le fumeur dépendant à décrocher). Il est en effet souvent plus efficace d’aller vers les fumeurs plutôt que d’attendre leur venue en consultation. C’est pour cela que ce genre de manifestations ou de journées de sensibilisation resteront toujours très importantes. »