"Les soins palliatifs m'enseignent l'humilité tous les jours", témoigne Virginie Guastella, cheffe de service au CHU de Clermont-Ferrand

Plongée dans le quotidien du service de soins palliatifs au CHU de Clermont-Ferrand. Rencontre dans l'émission "Vous êtes formidables", avec Virginie Guastella, qui en assume la direction. Elle revendique une approche humaine et emphatique de l'accompagnement de ses patients si fragiles.

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Virginie Guastella est médecin. Depuis 9 ans, elle dirige le service de soins palliatifs de Clermont-Ferrand, basé à Cébazat (Puy-de-Dôme). Sa spécialité est un peu à part dans le monde médical. Elle ne consiste pas à guérir les patients, mais à leur donner l’opportunité de vivre, le mieux possible, jusqu’au bout de leur maladie.

Une pure auvergnate

Originaire de Beaumont (Puy-de-Dôme), les parents de Virginie n’évoluaient absolument pas dans la médecine. « Dans ma famille, il y a une de mes tantes qui est psychiatre. C’est vrai que je l’ai beaucoup vue travailler, quand j’étais petite. Elle allait à la fac de médecine. Et moi, comme j’adorais les bonbons, je voulais faire « fac de boulangerie ».

Finalement, c’est à Moulins (Allier) qu’elle a trouvé son orientation. « C’est là que j’ai fait mon premier semestre en internat. Et ce sont des rencontres. Notamment avec un médecin qui, peut-être, se reconnaîtra, qui est spécialisé en médecine de la douleur –l’algologie- », se souvient-elle. « Cela a été une révélation. J’étais dans un service où il y avait non seulement de la gestion de la douleur, mais également de patients en situation  palliative, donc atteints de maladies graves et évolutives. Avec ce médecin, on a combiné un peu ensemble pour voir comment mieux appréhender les symptômes de ces patients. Cela a été un déclic. »

Je voulais pouvoir donner aux autres. Et, pour le coup, dans cette discipline, je peux donner du sens à la vie

On peut vraiment parler de la naissance d’une vocation : « J’ai vraiment pris conscience qu’il était nécessaire que je puisse prendre le temps avec mes patients. Cette notion n’est, hélas, pas possible partout. Donc ce fut aussi une orientation vers l’hôpital public, avec cette volonté de prise en charge globale, et la nécessité de pouvoir être satisfait de ce que l’on fait. »

Pourquoi cette révélation et ce choix ? « En tant qu’individus, on est sur terre pas longtemps. J’avais cette volonté de rendre service à l’autre. J’avais, au départ, cette exigence très autocentrée de vouloir donner du sens. Je crois que c’est ma priorité, en allant bosser le matin. J’ai tout le temps envie d’y aller. D’ailleurs… Je passe beaucoup de temps au travail», sourit-elle. « Et puis je voulais pouvoir donner aux autres. Et, pour le coup, dans cette discipline, je peux donner du sens à la vie. Et plus précisément au temps de vie restant chez ces patients. »

On va davantage raisonner sur de la qualité de vie, plutôt que de la quantité

Même si ce mot fait presque automatiquement penser à la mort, entrer dans un centre de soins palliatifs n’est pas forcément toujours annonciateur d’une issue certaine. «  Je ne sais pas si beaucoup de gens ont des certitudes. Moi, je n’en ai pas. J’ai surtout comme certitude l’humilité. Cette discipline nous l’enseigne tous les jours. Je dis souvent à des patients ou leur famille que je ne suis pas devin. Cette certitude leur permet aussi d’avoir une réserve d’espoir. Quand on ne peut pas guérir d’une maladie, on a forcément un temps de vie raccourci par rapport aux autres. Donc on va davantage raisonner sur de la qualité de vie, plutôt que de la quantité. »

Et elle précise « On peut être palliatif d’une maladie pendant des années. Il ne faut pas confondre avec la fin de vie. Dans notre société, on associe trop souvent le mot palliatif avec les derniers instants. Donc on ne veut pas l’entendre… »

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"Vous êtes formidables" avec Alain Fauritte ©france tv

A Clermont-Ferrand, l’unité de soins palliatifs héberge 14 lits. « A l’échelle de la population, c’est insuffisant. Le dernier plan sorti à l’automne met en avant l’idée qu’il faudrait une telle unité par département, et c’est une bonne chose. Mais ce qui pose problème, c’est la démographie médicale. Au-delà de créer des unités, il faut une formation initiale et continue, pour le personnel et pour les médecins. Aujourd’hui, c’est un problème. »

Des patients particuliers

Dans ce service, les patients sont divers, de tous âges. A Clermont-Ferrand, il s’agit d’une population adulte. « Ce sont des patients avec des maladies graves, évolutives. Ils peuvent venir ponctuellement certains jours, pour équilibrer des traitements. Mais aussi pour des séjours terminaux. Parfois, il s’agit de séjours de répit, qui permettent de donner temporairement à leur entourage la possibilité de souffler. On a une grosse partie consacrée à l’oncologie, et les cancers, et aussi des maladies neurologiques dégénératives, comme la sclérose en plaque, la maladie de Charcot. Les gens concernés par ces maladies, extrêmement lourdes, ont gagné des années de vie, au fil du temps…», décrit la responsable de l’unité.

Quels que soient les services, on peut croiser des situations palliatives. Mais tous les cas ne se retrouvent pas forcément dans une unité telle que celle que dirige notre interlocutrice. « On peut en gérer certains dans des services lambda. Mais dès qu’une situation devient complexe, avec des symptômes rebelles, des douleurs réfractaires, des complications socio-familiales, on devient le lieu où il est bon d’héberger ces patients, afin de subvenir à tous leurs besoins. Permettre qu'ils soient le mieux possible jusqu’au bout. On fait aussi de la vraie médecine, accompagnée par tout cet environnement psychosocial. Ces patients sont fragiles, et il va aussi falloir aider leur entourage à survivre. »

L'humilité, l’empathie. Ce sont des choses très à la mode. Mais là, dans ces services, il en faut

Pour y travailler, les soignants sont soigneusement sélectionnés. « Je n’aime pas parler de recrutement. Mais c’est vrai qu’on a des entretiens avec ceux qui sont volontaires pour venir. Je dirais qu’il y a beaucoup de feeling. Ces gens ne sont pas forcément recrutés sur diplôme. Mais plutôt sur des qualités liées au contact : l’humilité, l’empathie. Ce sont des choses très à la mode. Mais là, dans ces services, il en faut », explique Virginie Guastella.

Reste à trouver la bonne attitude. « Quand j’enseigne aux étudiants, je leur dis souvent qu’on va leur enseigner "la bonne distance dans le soin". Mais ça… Ça me fait marrer. Moi, ça fait vingt ans que je pleure avec mes patients. On est des humains, en face d’autres êtres humains. Comment voulez-vous, à un certain moment, ne pas être atteint ? On a nos cultures, nos repères de vie, nos histoires. Encore récemment, une étudiante me confiait qu’elle était dans la projection. Il pourrait s’agir de notre maman, d’un autre proche… » Elle soupire. « On y met de l’attachement. On ne va pas recruter des gens sans attachement, bien au contraire. Les émotions, il en faut, dans cette société, moi je le dis ! »

Un bar à vins, pour pérenniser l'existant

En 2014, Virginie a lancé un appel aux viticulteurs pour alimenter un bar à vins au sein de son service. L’idée avait fait grand bruit dans les médias. « Cela m’a donné bien des sueurs. Comment peut-on défendre cela ? Surtout avec les idées bien préconçues autour de l’alcool. Moi, je n’appelle pas ça de l’alcool. C’est le vin, à travers cette notion de petit plaisir. Tout ce buzz a permis d’avoir des donateurs. C’est vrai que c’est important... cette possibilité, pour quelqu’un qui avait l’habitude de boire un petit verre de vin. Je dis qu’il faut pérenniser l’existant. »

"Vous êtes formidables" sur France3 Auvergne-Rhône-Alpes ©france tv

Elle n’a évidemment en tête que les spécificités de son service. « On ne va pas ouvrir un bar dans l’hôpital demain. Je pense qu’à partir du moment où les choses sont faites raisonnablement… » Et elle évoque d’autres exemples de « petits plaisirs » : la balnéo, les écrans plats de grande taille… Elle en profite pour lancer un appel « Je cherche des consoles de jeu ! On n'en trouve pas ! »

Un grand corps malade

Au passage, à travers la nécessité de ces dons, on constate -à nouveau- les limites de l’hôpital public. Un tel service a besoin de donateurs pour fonctionner pleinement. Virginie Guastella en est bien consciente : « C’est vrai que l’hôpital est un grand corps malade. On se bat pour avoir des moyens. Toute la journée, c’est cette complexité autour de l’argent. C’est vrai qu’avec ces dons, on fait des choses qu’on ne ferait pas… »

Voir ou Revoir l'intégralité de cette émission avec Virginie Guastella

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