Rencontre insolite avec un guide emblématique de Lyon. Jean-Luc Chavent mèle son amour du patrimoine, avec quelques anecdotes plus ou moins véridiques, et pas mal d'humour. Ce lyonnais d'origine est passé livrer quelques anecdotes sur le plateau de "Vous êtes formidables", sur France 3
Il porte, sans doute, la moustache le plus célèbre de Lyon. Il en est, en tout cas, indéniablement un grand spécialiste. Guide-conférencier, conteur de rue, écrivain, Jean-Luc Chavent a en effet passé sa vie à mieux la faire connaître. La ville dont il est originaire, pas la moustache.
Une image de lyonnais qui s'améliore
« Je suis lyonnais de souche, pur porc », ajoute-t-il, en prenant la défense de ses concitoyens, auxquels on accole, parfois, une image de froideur. « C’est vrai que les gens ne communiquent pas… C’est une sorte d’avantage, par rapport aux parisiens qui, dans leur métro, n’ont pas le choix. »
Mais il estime que cette image s’améliore. « Dans les années 30, un livre intitulé « Calixte ou introduction à la vie lyonnaise » offrait la description parfaite de l’ancien lyonnais. C’était une caricature. Aujourd’hui, avec le TGV, on a beaucoup de gens qui viennent de Paris, donc ça s’atténue, tout de même…», corrige-t-il un regard rieur.
De l'architecture à la passion de guide
Pas de guide dans la famille. « Mon père était charpentier-menuisier. Et ma mère au foyer. Mon père était une sorte de négrier. Il m’embauchait de force pour faire la charpente, parce que je me suis fait virer de l’école… Guide, c’est venu bien après », plaisante-t-il à nouveau.
Jean-Luc était-il donc un cancre ? Il balaye l’hypothèse. « Je n’ai jamais trouvé aucun prof qui m’intéressait. Sauf mon prof de français, que je revois toujours. » Il a tout de même rejoint les Beaux-Arts et l’école d’architecture en cours du soir. « Je voulais faire un métier qui me plaisait. Du coup, j’ai pu entrer chez un architecte, puis un autre. Pendant quinze ans, j’ai donc fait de l’architecture. Et puis la crise est arrivée. Je suis suis senti comme le dernier des Canuts. L’informatique, ce n’était pas pour moi. C’est là que je me suis dit : je vais faire visiter Lyon, en faisant rigoler les gens. »
Il est donc devenu guide lyonnais. « Il faut s’intéresser. Lyon m’intéresse, donc j’ai appris facilement. » Une ville qu’il n’a jamais envisagé de quitter. « J’en ai visité pas mal. Mais, à Lyon, j’ai la chance d’avoir un jardin, et puis ce sont mes chats qui en voulaient un. Mon métier est ici. Je n’ai donc pas de raison d’aller chercher plus loin. »
Entre vieux murs et nouvelles tours
Il a tout de même quelques attaches éloignées. « Mon fils n’a rien trouvé de plus malin que d’aller habiter à Bali. On va le voir de temps en temps et, du coup, j’ai découvert Singapour et Hong-Kong. Deux villes complètement folles. A Singapour, il y a une architecture extraordinaire. » Au point qu’il aurait aimé y faire son métier. « Sans doute, même si il n’y a pas d’anecdotes, car ce n’est pas une ville très ancienne. Mais l’architecte des Monuments historiques Didier Repellin, un lyonnais, a réussi à y faire conserver tout un ancien quartier chinois, à côté des buildings. C’est étonnant. »
Une cohabitation entre l’ancien et le moderne que l’on ne retrouve pas à Lyon, selon notre guide. « On n’y arrive pas. A Vaise, par exemple, il existait des petites maisons extraordinaires qui ont sauté pour construire des immeubles. On a fait quelques efforts, mais on ne conserve que ce qui est officiellement beau. Mais pas les petites constructions, les petites échoppes… »
Edouard Herriot avait une culture énorme mais il marchait sur le patrimoine. Pareil pour Pradel
Il évoque tout de même le sauvetage du Vieux-Lyon. « Dans les années 60, Régis et Annie Neyret se sont battus comme des diables, et heureusement, contre les différents maires et notamment Edouard Herriot. Cet élu avait une culture énorme mais il marchait sur le patrimoine. Pareil pour Pradel. Mais on a pu conserver une grande partie du Vieux-Lyon. »
A ses yeux, Lyon présente surtout un grand intérêt grâce à ses vestiges issus de multiples époques. « Il y a des vestiges romains, de la Renaissance, du 18ème siècle, du 19ème et même du 20ème. Tout cela est mélangé. Par exemple, le Vieux-Lyon, c’est le 16ème... Fourvière, c’est romain, et Part-Dieu ou Confluence, c’est contemporain. »
A Confluence, on a gardé des Habitations Bon Marché (HBM) des années 30. Ca prend de la gueule et ça revient au goût du jour
Il lui arrive de faire le guide dans l’Est de la ville, sur demande. « Je propose des visites de la Part-Dieu, mais c’est essentiellement urbanistique et architectural. Donc cela n’attire pas tout le monde. Même si c’est tout de même un quartier très intéressant. » Il en évoque certains aspects. « La tour Part-Dieu, que l’on appelle le crayon, c’est exactement la tour rose du Vieux-Lyon, mais en plus haut. Les lyonnais ont décidé que c’était très moche... Mais c’est juste une autre vie, un autre style. Prenez aussi le cas du quartier Confluence. On y a gardé des Habitations Bon Marché (HBM) des années 30. On a simplement relooké leur façade avec un peu de peinture, et ça prend de la gueule et ça revient au goût du jour. Tout comme les gratte-ciel de Villeurbanne, d’ailleurs.»
A Lyon, on dit qu’on déboule dans une rue, on aboule ses pécuniaux…
Parallèlement, notre guide lyonnais est également admiratif de l’architecture de… Hong-Kong,! « On y trouve des petites ruelles, des petites impasses, juste à côté des gratte-ciel, avec plein de tuyaux et des rats énormes et des passages… » Il y a donc déniché des traboules, comme à Lyon. « A Lyon, on dit qu’on déboule dans une rue, on aboule ses pécuniaux… Trabouler, c’est traverser un groupe d’immeubles. C’est une rue couverte. Je pense qu’on a beaucoup exagéré leur supposée importance pendant la guerre. En fait, ça servait surtout au marché noir. On a raconté pas mal de choses là-dessus, mais moi je me méfie… »
Mystères en sous-sol
C’est également un défenseur du patrimoine souterrain de la capitale des Gaules. « Lyon est à 170 mètres d’altitude, Fourvière à 300 mètres… et pas loin de la ville, le Mont Verdun est à 600 mètres. L’eau arrive de ce sommet, passe par Fourvière et redescend vers la ville. Comme les sous-sols lyonnais sont en argile, l’eau stagne et, parfois, des glissements de terrain se sont produits. Mais il reste toujours un plan d’eau important sous la Basilique de Fourvière. Mais cela ne se visite pas. »
Il aimerait aussi que les tunnels souterrains lyonnais, des galeries mystérieuses qui ont été creusées sous la ville, à priori durant l’Antiquité, que l’on surnomme les « arêtes de poisson » en raison de leur forme, soient davantage ouverts aux visites. « J’y suis allé il y a de nombreuses années. Aucun maire ne veut prendre le risque de faire visiter ça. C’est complètement fou. Ça vaut bien les sous-sols de Paris, qui sont d’anciennes carrières. A Lyon, on a un patrimoine souterrain extraordinaire. Il suffirait d’une bonne volonté et pas forcément de beaucoup d’argent pour les rendre visitables. Les raisons de sécurité évoquées sont, à mon avis, un bon prétexte. Il y a autant de danger à emprunter l’autoroute» plaisante-t-il.
Au fil de ses visites, Jean-Luc s’amuse avec d’autres mystères lyonnais de ce genre. « Par exemple, il y a une tête de Christ dans le lac du parc de la Tête d’Or qu’on a jamais retrouvée. En réalité, on ne sait pas s’il elle a jamais existé ! Il y a des tas d’histoires que l’on aménage… Dans le Vieux-Lyon, il existe une vieille cave très secrète : la cave du clou. On dit qu’il s’y déroule des messes noires. Mais comme c’est fermé, personne ne peut entrer pour vérifier… »
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