Emblème de la nouvelle scène rock française dans les années 70 avec son groupe Starshooter, l'artiste Kent aime varier les plaisirs. Auteur-compositeur-interprète, il a également publié des romans, et des bandes dessinées. Il revient bientôt avec un nouvel album et évoque son parcours dans "Vous êtes formidables" sur France 3
Cet auteur-compositeur-interprète lyonnais a signé pas moins de 23 albums, dont quatre à la tête de son groupe, les Startshooter. Mais Kent est aussi un auteur de romans, et illustrateur de bande-dessinée. Il a même aussi été un peu acteur, notamment dans le film « un samedi sur la terre », de Diane Bertrand. Une carrière cinématographique qu’il aurait aimé développer davantage. « Ca me plaisait. J’ai aussi fait des courts-métrages. En tant qu’auteur-compositeur-interprète, je me présente sur scène, je chante mes mots. Ce sont mes musiques, mon nom et ma gueule. Mais au cinéma, j’étais quelqu’un d’autre. On me disait comment m’habiller. C’était formidable ! », reconnait-il.
De son vrai nom Hervé Despesse, né le 31 mars 1957, son parcours a débuté à Lyon, et plus précisément sur les pentes de la Croix-Rousse. « La nuance est importante. C’est un quartier à part. Quand j’étais môme, j’y voyais des vieux –c’est-à-dire de mon âge aujourd’hui- qui parlaient « de descendre en ville », pour aller dans le 1er arrondissement » se souvient-il. « Récemment j’ai revu un copain qui habite la Croix-Rousse, qui, lui aussi m’a dit : ça fait des années que je ne suis pas descendu en ville ! » Cette sorte de tradition, perpétuée, l’amuse beaucoup.
Une enfance à Montluel
C'est un fils d'ouvriers. Et c’est à Montluel, près de Lyon, qu’il a été élevé par sa grand-mère. « Mes parents bossaient 6 jours sur 7. Ils partaient tôt le matin et rentraient tard le soir. Donc je connais ce village par cœur, et j’y vais souvent en pèlerinage. Il a été préservé parce que son centre est historique, avec quelques monuments du 13ème siècle. Il y a aussi une belle ballade pour aller jusqu’au cimetière, basé sur une colline avec une belle Madone. Cela m’émeut à chaque fois », commente-t-il.
Il restera bon élève jusqu’au collège, « où ça commence un peu à grincer, quoi » précise-t-il. « C’est là que j’ai découvert le rock’n roll. » Mais pas uniquement. Il se passionne aussi, très tôt, pour la bande-dessinée. « Chaque jeudi, ma grand-mère m’achetait le Journal de Mickey. Je le lisais de bout en bout. Et ensuite, je reproduisais des Mickey sur le peu de papier qu’on avait, c’est-à-dire celui qui emballait les biftecks du boucher. » Ses premières vraies planches seront publiées plus tard, en 1976, dans la revue « Métal hurlant ».
Les cheveux teints en vert
Quant à la musique, c’est en compagnie de trois camarades de collège qu’il va commencer à s'y intéresser. Avec une coupe de cheveux… inattendue. « J’ai annoncé à ma mère que, pour mes 16 ans, j’allais me faire teindre les cheveux en vert, elle ne m’a même pas cru. J’avais prêté ma tête à un coiffeur qui faisait des expériences sur mon crâne. On était en pleine époque glam-rock, celle de David Bowie, notamment. Mais le soir, je suis effectivement rentré avec cette couleur » se souvient-il. « Vue l’ambiance familiale, je n’ai passé qu’une seule journée comme ça. Mais j’avais un prof d’allemand, très strict, qui a pensé que je portais une perruque et m’a demandé de l’ôter. J’ai eu beau lui répondre que c’était mes vrais cheveux, il est venu vers moi et a tout de même essayé de me les arracher. Tout le monde était hilare. »
Téléphone venait de signer, et nous en même temps, dans la même maison de disques. On était à la fois concurrents et amis, en fait
Son premier nom de scène sera Kent Hutchinson, à la guitare et au chant (Un nom qui rappelle étrangement celui du personnage joué par David Soul, qui s’appelait Ken Hutchinson, dans la série policière Starsky et Hutch, NDLR) Il partagera cette scène avec Jello (guitare), Mickey Snack (basse) et Phil Pressing (batterie).
Ensemble, ils ont fondé Starshooter, un groupe punk rock français qui a compté au point de concurrencer le succès de Téléphone. « Il y a eu une éclosion, à ce moment-là, de groupes en France. Une explosion dont on a fait partie. Téléphone venait de signer, et nous en même temps, dans la même maison de disques. On était à la fois concurrents et amis, en fait. On se tirait la bourre. »
Le groupe a vraiment pris conscience de son potentiel lors de la fête du lycée Saint-Exupéry, en 1975. « A l’époque, on ne jouait que des reprises, de groupes comme Status Quo, Roxy Music, Au bonheur des dames… On a fait danser tout le lycée. Et, en sortant de scène, on a envisagé différemment notre avenir », se rappelle-t-il.
Rue Mercière, terreau du rock
Un avenir qui est passé par une rue mythique de Lyon. Aujourd’hui bordée de restaurants, la rue Mercière fut autrefois un repère pour la scène rock. « C’était le terreau de la jeune scène lyonnaise. Au milieu des années 70, il y avait un magasin de musique qui s’appelait « la grange musique », où on venait admirer des guitares que l’on n’arrivait pas à se payer. Mais on les essayait », s’amuse-t-il. « Et juste en face, s’est monté un disquaire indépendant qui s’appelait « Music land », tenu par deux frères. Ils allaient chercher en Angleterre des disques introuvables. On n’avait pas d’argent mais on allait chez eux les écouter sur leurs platines. Tous les gens qui faisaient de la musique se focalisaient autour de ces lieux. »
A 25 ans, j’étais un has-been. C’est vachement bien parce qu’après, on sait ce que c’est
Débutée en 1977, l’aventure Starshooter a duré environ cinq ans, et produit 4 albums. « On a 17 ans et on se dit qu’on arrêtera à 25 ans parce qu’on sera vieux. Et ça s’est passé comme ça. » Kent considère tout simplement que la vie fonctionne par cycles. « Moi je m’use au bout d’un cycle. Ou peut-être que le cycle m’use. Je ne sais pas. Quand quelque chose m’enthousiasme, je vais à fond dedans. Et, au bout d’un moment, quand j’en ai fait le tour, je passe à autre chose. »
Il reviendra tout de même à la musique quelques années plus tard, mais seul. « Ce qui a été dur, ce n’était pas d’être seul, mais surtout de se faire accepter sans le groupe. J’étais un ex-quelque chose, durant mes années de galère. On me demandait de refaire du Starshooter, sur scène ou sur disque. A 25 ans, j’étais un has-been. C’est vachement bien parce qu’après, on sait ce que c’est. C’est intéressant de le vivre jeune. »
Du rock à la chanson
Le succès revient avec le titre « A nos amours » et « J’aime un pays », en 1990. La page Rock est tournée. Le style de Kent a changé. « C’était de la chanson, tout simplement. J’avais fait le tour du rock. Quand je vois trop les ficelles, ça m’agace. A partir de ma génération, quand on naît français, on est bicéphale. Avec d’un côté la culture rock internationale, et de l’autre celle de la chanson française. Je suis passé de l’un à l’autre. Et maintenant, les deux s’accommodent » résume l’artiste.
Juste quelqu'un de bien
Il trouve une nouvelle forme de reconnaissance en travaillant pour d’autres, et notamment la chanteuse Enzo Enzo. Lorsque cette dernière a reçu, en 1994, une Victoire de la Musique pour la chanson « Juste quelqu’un de bien », elle a appelé Kent sur scène. « C’était un moment fort parce que c’était la première fois qu’une artiste demande, en recevant un prix, à l’auteur-compositeur de venir le partager avec elle. Les organisateurs ont même du en fabriquer une pour moi en catastrophe. Aujourd’hui, elle me sert même de presse-papier», sourit-il. « Je ne remercierai jamais assez Enzo Enzo d’avoir fait ça. Honnêtement, si j’avais chanté cette chanson moi-même, elle n’aurait pas eu ce succès. »
Première partie de David Bowie à Gerland
La carrière de Kent a également été marquée par un concert de David Bowie, dont il a assuré la première partie, au stade de Gerland, à Lyon. « Le téléphone a sonné un samedi matin. Un des organisateurs du concert de Bowie, que je connaissais, me demande si cela me tenterait d’en faire la première partie, le lendemain. J’ai répondu « Oui, bien sûr ». Et j’ai raccroché, pensant à une blague. Finalement ils m’ont rappelé. Ce n’était pas une plaisanterie. Ça te réveille tout de suite. J’ai accepté immédiatement, bien sûr. J’ai rassemblé mes musiciens. Cela m’a permis d’approcher Bowie que j’aimais beaucoup. Et puis de faire, tout de même, ce stade de 35 000 personnes, ce qui était assez incroyable. »
Une anecdote, moins connue, lui revient. « Quelques années auparavant, avec les Starshooter, on nous avait proposé de faire la première partie de Rolling Stones, et j’ai refusé. J’étais à bout de nerfs et je devais partir faire un voyage au Cameroun. Un aller sans retour programmé. Je fuyais ce métier. Mon manager m’a appelé au moment de partir prendre l’avion, pour un concert prévu 15 jours plus tard. J’en avais pas envie, je voulais faire un break. C’est finalement « Jean-Marie et les redoutables » qui nous ont remplacé au pied levé !», s’esclaffe-t-il.
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