L’adoption de la loi immigration ne finit pas de diviser. Les présidents d’une vingtaine d’universités ont dénoncé « des mesures indignes ». Parmi les signataires, le président de l’Université Clermont Auvergne, qui ne cache pas son inquiétude.
« Des mesures indignes de notre pays ». Mardi 19 décembre, les présidents d’une vingtaine d’universités publiques se sont insurgés contre la loi immigration adoptée à l’Assemblée nationale. Dans un communiqué, ils écrivent : « Ces mesures indignes de notre pays mettent ce soir gravement en danger la stratégie d’attractivité de l’enseignement supérieur et de la recherche française, et nuisent à l’ambition de faire de notre pays un acteur majeur de la diplomatie scientifique et culturelle internationale ». Mathias Bernard, président de l’Université Clermont Auvergne (UCA), est l’un des signataires de ce texte. Il explique : « Cette version de la loi immigration comprend un certain nombre de dispositions qui vont freiner l’accueil d’étudiants internationaux dans les universités. C’est un énorme coup de frein voire un tarissement potentiel des étudiants qui pourraient être accueillis dans nos établissements. C’est paradoxal par rapport à une dynamique d’internationalisation de nos établissements. Cibler les étudiants et la mobilité étudiante dans une lutte contre l’immigration illégale c’est se tromper complètement de cible et c’est contre-productif pour le rayonnement de l’université et de la France ».
Deux problèmes majeurs selon le président de l'UCA
Cette année, l’Université Clermont Auvergne compte entre 4 et 5 000 étudiants étrangers, sur un total de 35 000 étudiants. Contrairement aux idées reçues, la plus grande part de ces étudiants internationaux ne sont pas en licence, mais dans un cursus de recherche. Parmi les dispositions de la loi, Mathias Bernard voit deux problèmes majeurs : « Il y a l’impossibilité d’exonérer les étudiants internationaux des droits différenciés, qui sont 20 fois supérieurs à ce que paient les étudiants nationaux. On est sur des montants qui avoisinent les 4 000 euros. Cela peut être très difficile pour les trois quarts des étudiants qu’on accueille. Autre disposition qui nous inquiète, la mise en place d’une caution. Ce serait un frein à la mobilité internationale. Ces dispositions nous inquiètent par rapport à l’activité internationale de nos établissements ».
L'avenir de la recherche française en question
Le président de l’UCA redoute un affaiblissement de la recherche française par de telles mesures : « Quand on accueille des étudiants d’universités étrangères, c’est aussi dans une logique de partenariat avec des universités, avec des développements au niveau de la recherche. La moitié de nos doctorants sont des étudiants étrangers. Ils travaillent pour la recherche française ». Dans le communiqué des présidents d’universités, il est question d’ « ouverture », d’ « accueil », d’ « universalisme » et de l’ « Esprit des Lumières ». Le président de l’UCA s’en explique : « C’est le principe-même de l’université. Le rôle premier est de produire et de diffuser les connaissances. Cette production ne connaît pas forcément de frontières. Toutes les grandes découvertes scientifiques sont le produit de coopérations internationales. Les universités ont été motrices dans la construction européenne, avec le programme ERASMUS. La dimension internationale d’ouverture intellectuelle et pluriculturelle est un élément fort des missions de l’université ».
Mathias Bernard s’inquiète du rayonnement de l’enseignement supérieur français, notamment dans le domaine de la francophonie : « Je suis inquiet pour les universités mais plus largement pour le rayonnement de notre pays si cette loi est vraiment appliquée. Si la loi est appliquée et promulguée telle quelle, cela peut avoir des conséquences inquiétantes pour l’université et le rayonnement de la France ».
Dans une tribune publiée par Le Parisien, les dirigeants de trois grandes écoles de commerce, HEC Paris, l’Essec et l’ESCP, dénoncent aussi des mesures « qui menacent gravement notre compétitivité internationale » et « anéantiraient l’objectif gouvernemental de doubler le nombre d’étudiants internationaux d’ici à 2027 ».