Premier Espagnol à gagner le Tour de France, Federico Bahamontes est mort mardi 8 août, à l’âge de 95 ans. Jean-Marc Millanvoye, auteur puydômois, évoque le parcours du champion. Notamment sa montée mythique du puy de Dôme en 1959.
C’est une légende du cyclisme qui vient de disparaître : à l’âge de 95 ans, Federico Bahamontes, s’est éteint. Né le 9 juillet 1928, à Val de Santo Domingo (province de Tolède), il rejoint plupart de ses rivaux, amis ou ennemis, d’hier : Ocaña, Bobet, Anquetil, Rivière, Gaul, Poulidor.
Jean-Marc Millanvoye, passionné de cyclisme est l'auteur du livre « Il était une fois Anquetil », aux éditions de La Martinière. Ce Puydômois est un fou de la petite reine. Il se souvient : « Les enfants que nous étions à l’époque, nous l’aimions bien, Bahamontes. Il nous faisait rêver comme les autres. Les journalistes le surnommaient « l’Aigle de Tolède ». C’était un très grand grimpeur. Je retiens surtout les duels avec Charly Gaul, le Luxembourgeois, « l’Ange de la montagne ». Ils étaient au-dessus du lot et se distinguaient dans la montagne pour gagner des étapes, gagner le Tour de France. Gaul le remporte en 1958 et Bahamontes en 1959 ».
Un style bien à lui
L’auteur évoque le style particulier de « l’Aigle de Tolède » : « Son style n’était pas très esthétique. Il se déhanchait beaucoup. Il se battait avec sa machine. Il avait une puissance incroyable. Quand il démarrait, il était extrêmement efficace. En montagne, c’est ce qu’il faut ». Jean-Marc insiste, ému : « Quand il a gagné en 1959, on était contents mais tristes aussi car il avait profité de la conduite lamentable de l’équipe de France, qui normalement aurait dû tout emporter. Mais il y avait des rivalités : entre Anquetil, Rivière, Bobet sur la fin de sa carrière. Ils se sont tellement battus entre eux qu’ils étaient mal classés au général. Ils étaient ravis de voir Bahamontes gagner. Il y avait Henri Anglade, un coureur régional qui aurait pu gagner le Tour. On a souvent dit qu’ils ont favorisé Bahamontes. Mais la victoire était très méritée. C’était un très grand coureur. Par la suite, en 1963 et en 1964, il finira 2e et 3e. Il a été sacré 6 fois meilleur grimpeur ».
J’avais 10 ans en 1959. A l’époque, on vivait le Tour de France grâce à la radio. On fantasmait les images
Jean-Marc Millanvoye, auteur
Le passionné souligne que dans les années 50, suivre la Grande Boucle était bien différent d’aujourd’hui : « On passait nos après-midis avec la radio et on retrouvait le lendemain nos champions en photo, dans nos magazines : « Miroir sprint » ou « Miroir des sports ». On n’avait pas la télé ! En 1959, la télévision a retransmis cette étape du puy de Dôme ». Encore tout bouleversé, Jean-Marc se rappelle : « En 1959, je ne suis pas très loin de Clermont-Ferrand. J’habite à l’époque à Moulins. Il y a des téléviseurs mais pas dans tous les foyers. On se regroupe pour voir les films, les feuilletons et le catch. Exceptionnellement, ce jour de juillet, on apprend que l’étape du puy de Dôme est retransmise à la télé. On ne va pas en perdre une seconde. C’est la première fois que je vois le Tour de France comme cela, à la télé. Cette course est fantastique. Dans le contre-la-montre, Bahamontes rejoint Rivière et le dépasse. Il prend le maillot jaune dans les deux jours suivants et gagner à Paris ».
Le souvenir de 1964
L’année 1964 est aussi décisive. L’Histoire a tendance à oublier Bahamontes cette année-là : « En 1964, on retient le duel Poulidor-Anquetil dans cette étape du puy de Dôme. Le Tour se joue là ; on est à 3 ou 4 jours de l’arrivée à Paris. La bagarre est terrible. Mais on oublie souvent que Jimenez a gagné l’étape, devant Bahamontes, devant Poulidor, puis l’Italien Adorni et Anquetil ».
Bahamontes rejoint au Panthéon d’autres très grands coureurs : « Toute la génération des années 50 est marquante : Coppi, Kubler, Anquetil, Geminiani. Sans casque, sans oreillette, cela faisait la beauté des sportifs qui se surpassaient sur la route. Les efforts étaient terribles. Les images superbes. Bahamontes a sa statue à Tolède. Il a été reconnu au Hall of Fame des grands champions. C’est un champion légendaire, sympathique. Il ne voulait pas faire le Tour de France 1960 et il a abandonné le deuxième jour. Il y a des photos où on le voit prendre le train pour l’Espagne, tout seul sur le quai, avec sa petite valise ». Aujourd’hui, le monde du cyclisme pleure son champion. Jean-Marc, lui, veut avant tout se souvenir des belles émotions procurées par « l’Aigle de Tolède ».