C’est un petit geste qui peut faire une grande différence pour la biodiversité : en hiver, certains installent dans leur jardin une mangeoire pour les oiseaux. Cependant, pour ne pas les mettre en danger, certains gestes sont à éviter.
Pour certains, c’est devenu une tradition hivernale : nourrir les oiseaux en installant des mangeoires dans son jardin. Pour que ce geste pour la biodiversité ne devienne pas dangereux pour les oiseaux, Adrien Corsi, soigneur à la LPO Auvergne (Ligue de Protection des Oiseaux), nous explique quelles sont les erreurs à ne pas commettre, et pourquoi certaines pratiques sont à proscrire.
Surtout pas de pain
L'erreur la plus commune est le pain. “Ce sont les restes, les déchets qu'on jette dehors. Le pain est très peu nutritif, donc il n’a pas vraiment d'intérêt. On va remplir l'oiseau sans lui apporter vraiment d'éléments intéressants pour combattre le froid”, explique Adrien Corsi. Mais ce n’est pas le seul inconvénient du pain : “Le pain, souvent, contient du sel en bonne quantité donc s’ils en mangent tous les jours, ça va toucher les reins. Nous, mammifères, on élimine le sel dans les urines. Sauf que les oiseaux ne vont pas éliminer l'excès de sodium dans les urines. Eux, quand ils font une fiente, il y a tout mélangé : la matière fécale et les urines. Ils vont absolument tout garder. Au bout d'un moment, pour les individus les plus faibles qui ont déjà des soucis de santé, les reins peuvent ne plus fonctionner. L'oiseau ne va pas forcément mourir instantanément, mais on va accélérer son vieillissement. C'est comme une personne âgée qui a des problèmes de reins, il faut faire attention à son taux de sucre. Là, c'est encore plus rapide et encore plus grave”, alerte Adrien Corsi.
Eviter la mie
Le soigneur ajoute que la mie peut engendrer des occlusions : “Ce qui est encore plus dangereux, c’est la mie de pain. Si l'oiseau va picorer pas mal de mie, il se remplit l'estomac avec. S’il va boire derrière, avec l'eau, ça peut gonfler et il peut vraiment avoir l'estomac qui se tend énormément. Rarement jusqu'à la déchirure, mais il y a quand même un risque. Dans les cas les moins graves, l'oiseau n’est pas bien du tout, comme nous, quand on a fait un repas trop lourd. Dans la nature, quand un oiseau est apathique, ses chances de survie sont plus faibles s'il doit fuir face à un prédateur. Il peut y avoir aussi des cas plus graves, des cas d'occlusion. La mie va se coller aux parois de l'estomac ou des intestins et ça ne pourra plus du tout être évacué.”
Proscrire le sel et les produits laitiers
Il faut également éviter tout ce qui contient du sel : "Il arrive que des gens donnent un peu de viande cuisinée où il y avait déjà du sel, des choses comme ça”, indique Adrien Corsi. Il recommande aussi de ne pas donner d’aliments qui contiennent des produits laitiers : “Des fois, les gens donnent les restes de croûte de fromage, ou un peu de beurre pour apporter un peu de gras. C’est le lactose qui est très dangereux. Même si après cuisson, le plus gros du lactose est quand même un peu parti, il en reste suffisamment pour créer des troubles intestinaux avec parfois des diarrhées. Les oiseaux, à aucun moment de leur vie, ne consomment de lait, donc ils n’ont aucune enzyme pour digérer les produits laitiers. Pour les oiseaux, c'est vraiment très dangereux puisque s'il a une diarrhée, qu'il est dehors, qu'il n'est pas bien et qu'il y a un prédateur, lui n’a pas la chance d'aller se mettre sous la couette et de se tenir tranquille.” Il faut donc limiter tout ce qui peut affaiblir l'animal.
Réserver les insectes à d'autres périodes
Il faut limiter l'apport en protéines animales et notamment éviter les insectes, explique le spécialiste : “Autant en automne, on peut en donner, autant en hiver, les insectes, il faut éviter. En automne, ils peuvent en trouver encore, cachés sous les écorces ou sous les feuilles, mais l'hiver, comme ils sont tous cachés en hibernation, leur métabolisme ne comprend pas qu'il y ait autant de protéines. Sur certaines espèces, ça peut induire des changements de comportement ou corporels qui font que le corps de l'oiseau est un petit peu perdu."
Attention aux graisses
Le dernier élément qui, lui, n’est pas dangereux au niveau alimentaire, mais dangereux au point de vue du plumage, ce sont les graisses : “On peut donner des choses un petit peu grasses, un peu de margarine par exemple. Selon comment on le met en place, si l’oiseau s'en met sur le plumage, le plumage gras ne va plus du tout être étanche et les courants d’air vont passer beaucoup plus facilement à travers le plumage. Quand on voit les oiseaux un peu gonflés et un peu gros, c’est parce qu’ils gonflent leur plumage pour bloquer une couche d'air et donc se protéger du froid. Sauf que si le plumage est trop gras, les plumes ne vont pas pouvoir se soulever comme il faut et vont être collées, l'air va passer entre les plumes et l'oiseau va prendre froid”, prévient Adrien Corsi. Selon lui, cela peut être fatal. Les choses grasses ne doivent être accessibles que via le bec. “Le mieux, c'est de prendre un petit bout de bois dans lequel on fait des trous, et on applique la margarine dedans, de manière à ce que l'oiseau puisse aller la chercher uniquement avec son bec".
Bien placer sa mangeoire
L’endroit où est placée la nourriture a également son importance : “Quand on installe une mangeoire, elle doit être bien dégagée visuellement de manière à ce que, si nos amis les chats ou d'autres prédateurs viennent, les oiseaux aient une bonne vision à 360° sur leur environnement. Ils se sentent plus rassurés et ils pourront fuir beaucoup plus facilement. Si jamais on met les mangeoires proches de cachettes, type buisson, ou vers des angles morts, forcément, les prédateurs pourront utiliser ça et il y aura un peu plus de casse”, précise le soigneur. Il faut aussi faire attention et choisir un lieu qui ne soit pas trop exposé aux courants d'air.
Privilégier les graines
Mais alors, que faire ? “Ce qui est bon pour eux, c'est principalement les aliments non transformés. Les graines de tournesol conviennent au plus grand nombre, c’est assez gras puisqu'il y a pas mal de lipides. Cela permet de faire quelques réserves pour l'hiver. Après, on peut aussi donner des fruits secs comme les noix ou les noisettes. Vous avez aussi tout ce qui est fruits de saison, par exemple si vous avez mangé une pomme et qu’il reste le trognon ou qu’une pomme est un peu abimée, vous pouvez la donner sans problème.” Certains oiseaux, notamment les merles, sont également friands de baies sauvages.