"On ne pouvait pas le mettre au rebut" : l’improbable destin d’Oscar, un squelette humain oublié dans le placard d'un lycée

Que faire d’un squelette humain mis au placard après avoir servi d’objet d’études pendant de longues années ? C’est la question que s’est posée un intendant d’un lycée de Clermont-Ferrand. Non sans mal, il a réussi à lui redonner un peu de dignité. Voici le récit d’un parcours semé d’embûches.

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Pendant des années, des générations de lycéens de la cité scolaire Jeanne-d’Arc de Clermont-Ferrand ont étudié l’anatomie grâce à Oscar, un squelette humain. Mais en 2001, un squelette en PVC l’a remplacé et Oscar a été mis au placard. Ce dernier n’a plus fait parler de lui, jusqu’à ce que des laborantines s’inquiètent de son sort. Hamid Ettahfi, adjoint gestionnaire et agent comptable de la cité scolaire Jeanne d’Arc, raconte : « Lors du pot de départ à la retraite d’un collègue, les laborantines de SVT sont venues me voir en me disant qu’elles avaient un squelette dans un placard depuis quelques années et dont elles ne se servaient plus : elles souhaitaient savoir ce qu’il faudrait faire pour le mettre au rebut. Ce mot de rebut a fait un déclic dans ma tête. Je leur ai dit qu’on ne pouvait pas le mettre au rebut. Cela me posait un problème juridique et éthique ».

L'histoire d'un "cold case"

Un double problème qui embarrasse bien l’intendant. Il se tourne alors vers le rectorat : « J’ai posé la question au service juridique du rectorat de Clermont-Ferrand. Sur le ton de l’humour, je leur ai dit que j’avais un cold case à leur soumettre. Je leur ai demandé s’il y avait une réglementation particulière pour « se débarrasser » de ce type d’objet. Le rectorat a répondu qu’il y avait un article juridique du Code de la santé : il prévoit qu’il faut incinérer ces restes et donc prendre contact avec un crématorium. La facture serait à la charge de l’établissement ». Hamid Ettahfi est immédiatement ému par le sort d’Oscar. Il cherche alors d’où il vient mais ne trouve aucune trace : « On ne sait pas si c’est quelqu’un qui a fait don de son corps au début du XXe siècle. Le squelette est suffisamment abîmé pour qu’on dise qu’il date. Dans l’inventaire, on n’a pas retrouvé sa trace. On ne sait pas d’où il vient ».

"Il fallait trouver une sortie plus honorable que la mise au rebut classique"

Hamid Ettahfi ne ménage pas ses efforts pour trouver une fin digne au squelette humain. Il indique : « Je voulais éviter de mettre Oscar au rebut. Je traite les rebuts avec une procédure particulière quand on sort des biens de l’inventaire, mais je considérais que c’était un bien particulier et qu’on ne pouvait pas le traiter par ce biais-là. Il fallait trouver une sortie plus honorable que la mise au rebut classique. Cela me posait un souci éthique. Il s’agissait d’un être humain. On a essayé de lui trouver une fin plus honorable ». Hamid Ettahfi engage alors des démarches : « On est rentrés en contact avec un service de pompes funèbres. Ils ont souri au début et ensuite se sont pris d’affection pour ce squelette. Ils se sont renseignés auprès de la mairie, de la préfecture. Au départ, on nous disait qu’il fallait un cercueil pour l’enterrer, qu’il fallait que les pompes funèbres se déplacent. J’imaginais mal la voiture des pompes funèbres arriver dans le lycée. Le proviseur commençait à s’inquiéter. Il y avait aussi un coût à supporter pour l’établissement. On se demandait combien cette histoire allait nous coûter : cela pouvait monter jusqu'à 2 000 euros. Au final, les pompes funèbres nous ont dit qu’elles allaient nous envoyer un reliquaire pour qu’on y dépose les restes d’Oscar. Il serait ensuite incinéré et ses cendres reposeraient dans le jardin des souvenirs du lycée. La facture était entre 900 et 1 000 euros ».

Une place dans un musée

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Après la parution dans la presse régionale d’un article racontant le parcours d’Oscar, la cité scolaire reçoit de nombreux coups de téléphone : « On a reçu des appels farfelus. Une agricultrice voulait récupérer le squelette pour chez elle. On a répondu par la négative. Récemment un infirmier anesthésiste de Tulle nous a appelés. Dans son hôpital, il y a un musée avec des restes anatomiques mais pas de squelette entier. Ils nous ont demandé l’autorisation de récupérer notre squelette. On a trouvé cette solution adaptée au squelette et à nous, car financièrement, la facture s’allégeait. L’hôpital de Tulle nous a envoyé un courrier officiel. On devrait bientôt fixer une date pour qu’ils viennent le récupérer. Oscar terminerait sa vie dans ce musée. Il ne sera pas incinéré. C’est une fin très heureuse. On va lui donner une troisième vie ». Cet Oscar est un cas unique en son genre. Hamid Ettahfi souligne : « Quand on a interrogé le rectorat, on nous a dit qu’ils n’avaient jamais été confrontés à ce cas de figure. Les pompes funèbres aussi. C’est d’ailleurs cela qui les a amusé. Je pense que la plupart des collègues ne se posent pas la question : soit les squelettes restent dans un placard, soit ils sont mis au rebut sans que personne ne le sache. On a aussi trouvé un squelette humain au collège mais il sert encore, donc on va le garder ». L’intendant peut s’enorgueillir d’avoir redonné sa dignité à Oscar : « Avec le temps, ce squelette humain avait tellement servi qu’on avait complètement oublié le caractère humain, on l’avait chosifié. Avec cette histoire, on lui rend un peu de son humanité et de sa dignité ». Une véritable « happy end » pour ce brave Oscar pour qui l’heure de la retraite n’a pas encore sonné.

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