Dans les mémoires et les annales de Météo France, janvier 1985 reste le mois le plus froid du dernier demi-siècle. Il y a 40 ans, les berges de la Garonne à Toulouse s'étaient transformées en banquise. Le gel avait duré pendant deux bonnes semaines. Pascal Boureau, prévisionniste désormais à la retraite, s'en souvient très bien.
Janvier 1985 ? "Il avait fait très, très froid", nous rétorque immédiatement Pascal Boureau. Le prévisionniste travaillait alors à la station du centre départemental de Météo-France à Blagnac. L'épisode de froid glacial a démarré le 2 janvier. Et là où il va s'avérer particulièrement marquant, c'est sur sa durée : près de trois semaines sans dégel.
"On s'est approché du record absolu de février 1956"
Le plus grand froid enregistré à Toulouse date toujours du 15 février 1956 avec un record absolu de -19,2°C. Mais l'épisode du mois de janvier 1985 n'en est pas très loin. Les températures passent en dessous de zéro, le deuxième jour de l'année. Et la dégringolade sera quasi constante durant les trois semaines suivantes. Le mercredi 16 janvier 1985 : il fait ainsi -18,6°C à Toulouse-Blagnac.
"La Garonne était gelée de part et d'autre du Pont Neuf. Je m'en souviens très bien car j'avais été faire des photos là-bas. Le canal du Midi aussi était gelé", nous raconte Pascal Boureau. Tout a commencé par une descente d'air froid arctique, plein nord, avec un temps perturbé et des chutes de neige pendant une journée entière quasiment. "On avait une bonne petite couche avec 10 à 15 centimètres de neige par endroit, se remémore l'ancien prévisionniste météo. Et derrière, on a eu un anticyclone qui s'était établi depuis les pays scandinaves jusqu'au golfe de Gascogne avec cette fois-ci un flux de nord-est."
On a eu de l'air d'Europe centrale, qu'on appelle en jargon météorologique, le Moscou-Paris. De l'air froid qui déboulait de la Russie jusque sur l'Europe occidentale, y compris la région de Toulouse.
Pascal Boureau, retraité de Météo Franceà Toulouse
"Le blocage anticyclonique" va perdurer plus de quinze jours, faisant prendre la glace et vivre l'enfer aux habitants de la région.
Albi, au nord du Canada
Toute la France grelotte en ce mois de janvier 1985. Dans le département du Tarn également où la vague de froid atteint son paroxysme dans la matinée du 16 janvier avec -20.4°C. Selon Tarn Météo, quarante ans plus tard, il s'agit encore à ce jour de la température la plus basse enregistrée dans le département.
Les sols se retrouvent gelés sur des dizaines de centimètres de profondeur. Les compteurs d'eau et les canalisations gèlent. "On faisait fondre la neige pour se laver. On avait de la glace sur le carrelage de l'appartement. On se réchauffait au-dessus d'une boîte en fer remplie d'alcool à brûler qu'on faisait chauffer", se souvient une internaute.
Le froid crée la zizanie dans les transports et sur les routes. "Le gazole gelait dans les réservoirs des voitures diesel. Il fallait les remorquer jusqu'à un garage pour les faire dégeler", témoigne un autre habitant du Tarn. C'est également un désastre pour la faune et la flore : les flamants roses meurent par centaines en Camargue. Et le redoux laissera place aux inondations.
Le réchauffement climatique exclut-il la possibilité de revivre une telle météo polaire ? "Ce qui n'est pas exclu, c'est d'avoir un coup de froid qui peut arriver à tout moment au cœur de l'hiver, nous répond Pascal Boureau. Un coup de froid brutal avec des températures négatives, c'est toujours possible. Avec le changement climatique, il fait globalement plus chaud, on peut avoir des températures qui passent sous les normales, mais pas très longtemps." Une vague de froid oui, mais sur une durée aussi longue, c'est donc peu probable compte tenu de l'évolution globale du climat.