Pourquoi cet agriculteur du Puy-de-Dôme participera à la manifestation "d'envergure" prévue jeudi, à Clermont-Ferrand

Plus de 500 tracteurs sont annoncés par la FNSEA, syndicat agricole majoritaire, place de Jaude à Clermont-Ferrand, jeudi 25 mars. Parmi ces agriculteurs en colère, Rémi James, 26 ans, nous explique pourquoi il participera à cette manifestation. Une manifestation"d'envergure", promet le syndicat.

Une nouvelle manifestation est prévue place de Jaude à Clermont-Ferrand le 25 mars, à l’appel de la FNSEA et des Jeunes Agriculteurs. Environ 500 tracteurs sont annoncés pour ce rassemblement. En effet, depuis quelques semaines, les manifestations se multiplient : beaucoup d’agriculteurs sont dans des situations financières difficiles et pointent du doigt la PAC (Politique Agricole Commune). « On a vraiment l’impression que l’Etat ne veut plus d’éleveurs en France. Moi, c’est mon métier et j’ai envie de l’exercer jusqu’à ma retraite », explique Rémi James. Ce jeune éleveur de bovins de 26 est installé dans le Puy-de-Dôme depuis 5 ans. Il nous explique pourquoi il ira manifester à Clermont-Ferrand.

Une année blanche en termes de revenus

Il a repris la ferme familiale, près de Saint-Gervais-d’Auvergne et explique avoir des difficultés pour obtenir des prix rémunérateurs : « Le coût de production pour une vache à viande est de 4,90 euros. Mes bêtes, on me les achète environ 1 euro de moins, entre 3,90 et 4 euros. C’est très compliqué. Cette année, j’ai utilisé le peu d’économies que j’avais pour remettre dans la ferme », raconte Rémi James. Cette année, l’agriculteur n’est pas parvenu à se sortir un salaire. « Je n’ai eu aucun revenu sur l’exploitation. Si on n’a pas un conjoint ou quelqu’un pour nous nourrir, ça devient très compliqué. C’est catastrophique, je fais entre 80 et 100 heures par semaine et je n’arrive même pas à vivre dignement de mon métier », regrette Rémi James.

Grande mobilisation du 25 Mars Soyez présents !!! #nosagriculteursontdelavaleur #desprixpasdesmercis #unepacdeshommes

Publiée par Fnsea Puy de Dôme sur Lundi 22 mars 2021

"Tous mes ancêtres ont travaillé pour faire prospérer la ferme, je ne veux pas être la génération qui la perdra"

Les aléas climatiques sont aussi un poids pour son exploitation : « En 5 ans, j’ai connu 3 ans de sécheresse d’affilée. Ça fait du manque de stock, ça fait de l’achat d’alimentation pour les animaux », raconte Rémi. Il est très inquiet : « Je suis obligé d’aller manifester. Une exploitation, ce n’est pas une vanne qu’on peut fermer comme ça. Même si on sait qu’on perd des sous, on est obligé de continuer à nourrir nos bêtes. D’ici 2 ou 3 ans, si rien n’est fait, si l’orientation politique de la PAC reste inchangée, énormément d’exploitations fermeront en France. Tous mes ancêtres ont travaillé pour faire prospérer la ferme, je ne veux pas être la génération qui la perdra », ajoute Rémi James. En GAEC avec son oncle, ils possèdent à eux deux une centaine de vaches charolaises et un poulailler en volailles de chair.

"On n’avait pas anticipé cette perte brutale de 200 euros"

Sur le prix de vente de ses broutards, ces veaux vendus à l’âge de 8 ou 9 mois, Rémi explique avoir perdu environ 200 euros par tête de bétail. « Mon oncle est de 1952. Quand il s’est installé, dans les années 70, il les vendait au même prix qu’on les vend aujourd’hui, alors que les charges ont été multipliées par 2 ou par 3. » Ce manque à gagner le pénalise sur ses investissements : « J’ai monté un bâtiment pour pouvoir faire vêler mes vaches comme il faut. Il fait 90 mètres par 27, c’est un beau bâtiment. On avait fait des estimations pour pouvoir le payer, alors qu’on vendait les broutards 1 000 euros, ça passait. On n’avait pas anticipé cette perte brutale de 200 euros. On va peiner à payer les annuités », s’inquiète Rémi James.

"Pour gagner moins, on travaille beaucoup plus"

Pour compenser ce manque de rémunération, Rémi travaille avec de plus en plus d’acharnement : « On s’est mis à faire de la vente directe depuis un mois pour essayer de valoriser un peu plus nos animaux et de vendre au-dessus du coût de production. Pour gagner moins, on travaille beaucoup plus. La vente directe, c’est beaucoup de temps en plus, c’est un travail que je me force à me rajouter pour m’en sortir. J’essaye de compenser ce qu’on perd sur les broutards, mais même si la vente directe marche très bien, ça ne compensera pas complétement le manque à gagner. Si en plus, derrière, on nous baisse de moitié les aides à la vache allaitante, comme ce qui est prévu dans la nouvelle PAC, je ne sais plus quoi faire ».

"En agricole, maintenant, on ne voit pas beaucoup de domaines où les gars s’en sortent "

Alors, Rémi et beaucoup d’autres tirent la sonnette d’alarme : « En agricole, maintenant, on ne voit pas beaucoup de domaines où les gars s’en sortent. C’est quand même malheureux de se lever tous les matins en se disant qu’on va perdre de l’argent. On a travaillé comme des chiens pour agrandir le cheptel, pour faire vivre l’exploitation et faire du bon boulot. Une fois qu’on a fait tous les investissements on se rend compte que ce n’est plus rentable alors oui, forcément, ça pèse sur le moral tous les jours. Quand on rajoute à ça l’agribashing, tous les contrôles sanitaires et de la DDT (Direction départementale des territoires NDLR), c’est un stress permanent. C’est triste mais ce n’est pas étonnant qu’il y ait autant de suicides. Quand le gars bosse, qu’il tient son exploitation de sa famille, il ne veut pas avoir la honte d’être celui qui a fait couler la société ». Au volant de son tracteur, il se rendra jeudi 25 mars à Clermont-Ferrand pour manifester et espère faire entendre ses revendications et enfin parvenir à s’en sortir.

" On est la variable d’ajustement "

Richard Randanne, représentant syndical de la FNSEA et éleveurs d'ovins du côté de Vernines, confirme le ras-le-bol de la profession : « Depuis 2015, on manifeste pour que soit prise en compte la problématique de la rémunération dans le milieu agricole. Au mois de février, les dernières négociations commerciales ont été très dures. Les prix n’ont pas été satisfaisants pour les agriculteurs. Il y a toujours une pression des prix bas. On est la variable d’ajustement. Chacun prend sa marge de fonctionnement et les agriculteurs, on leur achète le moins cher possible ».

"On a plus besoin de voisins que d’hectares"

Pour les éleveurs bovins, la filière viande du Puy-de-Dôme est dans une situation très difficile. L’attractivité n’est plus là pour les jeunes : selon Richard Randanne, 3200 agriculteurs seront à remplacer dans les 10 prochaines années dans le Puy-de-Dôme et la relève risque bien de ne pas être au rendez-vous. « On a plus besoin de voisins que d’hectares. On veut une PAC qui encourage le plus d’agriculteurs possible à s’installer. Il faut qu’on soit nombreux dans chaque production. » Il souhaiterait également que la politique agricole, axée sur l’enjeu environnemental, donne les moyens aux agriculteurs de réaliser une transition vers l’écologie tout en compensant le manque de rémunération par les prix.

"On demande à l’Etat de prendre ses responsabilités pour contraindre nos opérateurs commerciaux, la grande distribution ou les transformateurs, à prendre en compte nos coûts de production."

« On demande de modifier la loi Egalim pour avoir des prix agricoles qui sont fixés selon nos coûts de production, pas plus. On demande aussi de prendre en compte la variabilité de ces coûts de production d’une année sur l’autre. On demande à l’Etat de prendre ses responsabilités pour contraindre nos opérateurs commerciaux, la grande distribution ou les transformateurs, à prendre en compte nos coûts de production dans la construction du prix », explique Richard Randanne. Jeudi, une manifestation « d’envergure » est prévue : 500 tracteurs et 2 500 agriculteurs de tout le département ont prévu de se déplacer pour une démonstration de force.

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