Depuis un an, Johan et Bastien ont créé des pages Facebook et Instagram consacrées à deux anciens palaces de Royat, près de Clermont-Ferrand dans le Puy-de-Dôme. Ils y racontent les heures de gloire du Royat Palace et du Majestic Palace.
Depuis un peu plus d’un an, Johan Picot, a créé une page Facebook consacrée au Grand Hôtel – Majestic Palace de Royat, près de Clermont-Ferrand, dans le Puy-de-Dôme. Photos d’époque, archives, cartes postales, autant de documents qui fleurissent sur la page.
Lui qui est historien professionnel a commencé à s’intéresser cet hôtel puis s’est pris au jeu. Il raconte : « Je le fais à titre professionnel même si ça m’amuse. J’ai commencé en 2016 après être rentré de Bordeaux. Je suis revenu en Auvergne et on a acheté un appartement ici. Je me suis dit, en achetant un appartement dans un ancien hôtel, autant s’y intéresser. J’ai tiré la bobine juste pour le plaisir, acheté 2 cartes postales, des photos anciennes. De fil en aiguille, je suis tombé sur le voisinage et notamment le Saint-Mart. En discutant avec la patronne, elle connaissait la dernière descendante des propriétaires du Grand Hôtel Majestic. Elle m’a mis de mèche avec elle. Le but de mes recherches était de reconstituer le fil de l’histoire du palace, et très vite je me suis aperçu que l’histoire était plus intéressante qu’une simple histoire d’hôtel. Pour un historien professionnel comme moi, il y avait l’histoire locale qui rejoignait la grande Histoire. Le Grand Hôtel a rencontré l’histoire nationale et internationale à plusieurs reprises ».
Inauguré il y a 155 ans
Le lieu a été inauguré il y a 155 ans le 1er juin, après 4 ans de construction très laborieuse. Il a été construit entre 1861 et 1864. Il s’agissait d’un Grand hôtel, ce qui était un concept à l’époque. Johan Picot explique : « Cela correspond à des normes de classe de l’époque, le premier Grand Hôtel étant celui près de l’Opéra Garnier à Paris. C’est un concept neuf créé par Napoléon III. Les architectes, les fournisseurs du mobilier, des décors, sont ceux de Napoléon III. Dans toutes les villes d’eaux, il y a une sorte de trilogie obligatoire : le bâtiment thermal, le lieu de distraction comme le casino ou le théâtre et le Grand Hôtel. Désormais, on n’offre plus la pension, le lit et la nourriture, mais il faut créer des lieux de distraction qui correspondent à cette société qui a de l’argent à n’en savoir que faire. Dans les Grands hôtels, les rez-de-chaussée sont dédiés aux billards, il y a des fumoirs, des salons de lecture, des salons d’écriture. C’est ce qui devient le palace par la suite ».
Un âge d'or passé
Les belles heures de cet hôtel ont lieu surtout à la fin du XIXe siècle. Il est achevé en 1887, avec une 4e campagne de construction. De 1885 à 1914, c’est l’âge d’or, avec la Belle époque. La première guerre met fin à un tourisme mondain aristocrate et désormais laisse la place aux nouveaux riches, aux acteurs, aux artistes, aux puissances de l’industrie. Johan Picot souligne : « L’hôtel a connu différentes époques. Il opère son classement en palace juste avant la guerre de 1914. De 1915 à 1917, c’est un hôpital militaire français. En 1918 il devient un hôpital américain pour traiter notamment la grippe espagnole. En 1919, le palace rouvre, tout feu tout flamme, pendant 20 ans. En 1939, il est réquisitionné. Le gouvernement de Vichy avait pensé s’installer à Royat avant de partir à Vichy. Une partie de l’administration et plusieurs ministères sont installés ici. De 1940 à 1942, l’hôtel devient une administration française. Quand tout le monde part à Vichy, certains ministères restent à Royat. En 1943, l’hôtel est réquisitionné un temps par les Allemands. Au sortir de la guerre, comme le Lutétia à Paris, l’hôtel est choisi pour être le lieu de rapatriement des déportés des camps de concentration. Après cela, il n’y a pas eu de repreneur ».
Un livre en cours d'écriture
Au fil de ses recherches, l’historien s’est mis à travailler sur l’histoire de la villégiature thermale des hôtels de Royat, 70 au total et 130 villas. Il est en train d'écrire un livre sur ce sujet. Il indique : « Le premier but de cette page Facebook puis du compte Instagram était d’attirer les gens et d’obtenir des retours. Les gens sont venus à moi avec des souvenirs, des anecdotes, des objets, des photos. J’espère finir mon livre dès la fin de l’année. Je me sers aussi un peu de tout cela pour monter un dossier auprès de la DRAC et des Monuments historiques pour le faire inscrire en monument historique ».
Un lieu chargé d'histoire
Ce trentenaire s’est pris d’intérêt pour ce lieu chargé d’histoire : « Le Majestic a accueilli le gouvernement pendant la guerre. Pétain est venu à 3 reprises ici. Il s’y est fait prêter serment de fidélité par les conseillers d’Etat réunis en réunion plénière, la veille de se faire voter les pleins pouvoirs à Vichy. Il y a eu plein de célébrités qui sont venues : les frères Goncourt à l’ouverture, le roi d’Angleterre, des maharadjahs. C’est un des rares palaces construits par une famille, sur 30 ans, entièrement en fonds propres. Ici les propriétaires ont tout payé en cash, sans crédit, au fur et à mesure de ce qu’ils gagnaient et ils se sont entourés des plus grands architectes, primés lors des Expositions universelles ».
Pas de nostalgie
Cependant, il avoue ne pas être nostalgique de cet âge d’or : « Je ne suis pas nostalgique de cette période. J’aime l’époque sur laquelle je travaille mais je n’aimerais pas y vivre. Il y a des réalités auxquelles on ne peut pas échapper. Personne n’a envie d’être malade en 1902 ni de se faire arracher une dent en 1903 ».
Un travail inspirant
Le travail de Johan Picot a inspiré celui de Bastien. Lui aussi a créé des pages Facebook et Instagram, consacrées au Royat Palace.
Il raconte : « J’ai acheté un appartement au Royat Palace il y a 3 ans. Quand on se retrouve dans ce genre d’immeuble, on est tous attirés par le patrimoine. Dès le début, je me suis demandé où menaient les arches blanchies que l’on voyait dans le hall. Cela a éveillé ma curiosité. J’ai intégré le conseil syndical et cela m’a permis de découvrir certains éléments. Pour que le puzzle soit réuni, il fallait faire des recherches. Je m’y suis mis, d’abord en fouillant sur Internet, en me procurant des cartes postales sur des sites spécialisés, en trouvant des photos. J’ai commencé à découvrir la salle à manger, le restaurant, la salle de lecture et le billard. J’ai pu refaire les plans de l’hôtel. J’ai pu valoriser ces découvertes sur la page Facebook en m’inspirant de ce que Johan Picot avait fait. Au départ, cette page était destinée aux gens de l’immeuble, des gens comme moi qui pouvaient se demander ce qu’il se passait au-delà du hall ».
Une véritable enquête policière
Avec des archives dénichées sur des sites de l’armée américaine, sur des sites spécialisés, sur ebay, sur des magazines et des journaux, Bastien mène une véritable enquête policière. Il a ainsi pu reconstituer l’histoire des lieux. Il affirme : « L’âge d’or du Royat Palace est à la Belle époque, jusqu’à l’entre-deux guerre. Il est tardif, il prend sa base sur le Splendid hôtel de la fin du XIXe. En 1910 les frères Agid, des Autrichiens, font construire la partie haute du Royat Palace. Puis en 1915, il devient un hôpital militaire. Il y a ensuite de gros travaux dans les années 20. Après entre 1920 et 1940, ce sont des années fastes. Arrive la seconde guerre mondiale et le Royat Palace accueille des bureaux pour des services de l’Etat. Après, les coloniaux font vivre la station thermale. A la fin des années 50 et 60, la dernière clientèle disparaît. Le lieu est transformé en résidence ».
Une passion qui le tient en haleine
La page compte une centaine d’abonnés. Bastien estime que cette passion pour ce lieu peut l’habiter pour longtemps. Jamais rassasié, il conclut : « Je suis nostalgique de ce que le Royat Palace était. Quand on rentre dans ces parties communes aujourd’hui, c’est relativement triste par rapport à ce que l’on pouvait regarder à l’époque avec des yeux ébahis. Quand on était dans ce hall, on voyait toutes les grandes pièces et c’était magnifique. Je suis nostalgique de cette belle vue d’ensemble. Si on pouvait se transporter à la Belle époque, au Royat-Palace dans son état d’origine ce serait extraordinaire ».