Le tandem composé de Thierry Bolloré, adjoint et dauphin désigné de Carlos Ghosn, et Jean-Dominique Senard, patron de Michelin, devrait prendre les commandes de Renault jeudi 24 janvier, mettant fin à l'ère Ghosn ouverte en 2005.
Un conseil d'administration du constructeur automobile Renault est prévu jeudi 24 janvier, à partir de 10H00 au siège du constructeur à Boulogne-Billancourt, près de Paris. Renault a confirmé la tenue de cette réunion, mais n'a pas souhaité faire de commentaire sur la succession de son patron Carlos Ghosn, incarcéré depuis le 19 novembre au Japon où il a été mis en examen pour abus de confiance et malversations.
Une source proche du dossier a cependant indiqué à l'AFP que le poste de PDG de M. Ghosn serait bien scindé en deux fonctions: une direction générale exécutive d'un côté, la présidence du conseil d'administration de l'autre.
Selon cette source, M. Bolloré, qui était l'adjoint et le dauphin désigné de Carlos Ghosn depuis l'an dernier, devrait être nommé directeur général, après avoir assuré l'intérim de ce poste depuis fin novembre. Ce Breton de 55 ans, discret et jusqu'alors peu connu du grand public, est un fin connaisseur de l'Asie et du Japon. Il assurera la continuité au sein du groupe qu'il avait rejoint en 2012, en provenance de l'équipementier Faurecia.
Jean-Dominique Senard, 66 ans en mars et qui devait passer la main en mai comme patron de Michelin, deviendrait président du conseil d'administration de Renault. Cet homme à l'image de patron social semblait avoir les faveurs du gouvernement français, alors que l'État est premier actionnaire de Renault avec 15% du capital et près de 22% des droits de vote. Carlos Ghosn s'est une nouvelle fois vu refuser une libération sous caution mardi. Sa détention provisoire court désormais jusqu'au 10 mars et peut être encore prolongée plusieurs fois. Selon son avocat, il risque de rester incarcéré des mois jusqu'à la tenue de son procès.
Tensions franco-japonaises
Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire avait demandé mercredi dernier la convocation "dans les prochains jours" d'un conseil d'administration de Renault pour désigner un successeur à Carlos Ghosn, estimant que ce dernier étant empêché de diriger le groupe, il fallait désormais tourner la page.
L'affaire, mise au jour par une enquête interne de Nissan dont Renault détient 43% du capital, a fait apparaître des tensions au sein de l'alliance franco-japonaise, qui inclut aussi le constructeur Mitsubishi Motors, dont Nissan détient 34%.
Vénéré au Japon jusqu'à son arrestation, Carlos Ghosn, sauveur de Nissan au début des années 2000, était la clé de voute de Renault-Nissan-Mitsubishi, ensemble qu'il a forgé et porté au premier rang des constructeurs automobiles mondiaux, avec 10,6 millions de véhicules vendus en 2017.
La nouvelle direction de Renault aura pour mission délicate d'apaiser les ressentiments et de remettre sur les rails cette alliance cruciale pour chacun des partenaires. Mais pas question pour l'instant de toucher à sa structure fondée sur des participations croisées et dirigée par une société aux Pays-Bas, RNBV, dont la présidence revient de droit à un dirigeant de Renault.
Une entreprise en bonne santé financière
Les dirigeants japonais semblaient pousser pour un rééquilibrage du pouvoir au sein de l'Alliance. Ces dernières semaines, des responsables de Nissan ont régulièrement laissé filtrer dans la presse des révélations sur les agissements de leur ancien patron.
Les deux constructeurs japonais avaient déchu Carlos Ghosn de ses fonctions de président de leur conseil d'administration, quelques jours après le début du scandale, alors que Renault continuait d'invoquer la présomption d'innocence.
Après 14 ans de règne à la tête du groupe, Carlos Ghosn va cependant léguer une entreprise en bonne santé financière, dont il aura augmenté le volume des ventes mondiales de plus de 50% à près de 4 millions de véhicules (hors Nissan et Mitsubishi), en développant notamment le créneau du low-cost avec les marques Dacia et Lada.