Avec la rentrée, les rythmes changent. Les enfants qui ont veillé un peu plus tard durant les vacances ont du mal à se coucher. Comment résoudre ces troubles du sommeil ? Et bien dormir toute l’année ? Les conseils du Pr Fantini, responsable du centre du sommeil au CHU de Clermont-Ferrand.
 

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Refus d’aller se coucher, difficultés à s’endormir, sommeil agité… En septembre, souvent, les enfants peinent à retrouver le chemin du lit. Avec les vacances, les comportements se sont un peu relâchés pour profiter de moments partagés en famille. L’heure du coucher s’est décalée. L’excitation ou l’appréhension de la rentrée travaille aussi un peu les esprits. Pourtant, dormir bien et suffisamment est primordial. Un déficit chronique de sommeil peut avoir des conséquences plus vastes qu’on ne le croit. Et il n’y a pas que les tout-petits qui sont concernés. Le dodo de nos ados doit aussi être préservé. Explications avec le Pr Maria Livia Fantini, neurologue, responsable du centre du sommeil au CHU de Clermont-Ferrand.


Comment gérer les troubles du sommeil chez les enfants à la rentrée ?

Pr M. L. Fantini : "Il est évident que pendant les vacances, il y a moins de contraintes donc on a tendance à se coucher plus tard et à se lever plus tard. En plus, le rythme naturel de la personne est synchronisé au rythme de 24 heures par la lumière et donc on a une tendance innée à se décaler, surtout les adolescents. Ca induit un décalage d’horaires, de rythme circadien. Pour se réveiller plus tôt, il faut se coucher plus tôt. Si on peut retarder l’endormissement, on ne peut pas avancer nos rythmes facilement. On conseille de le faire progressivement une semaine avant la rentrée. Si on est décalé de 2 heures par exemple, on se couche chaque soir un quart d’heure avant. Le processus doit être graduel, ce n’est pas la peine d’aller se coucher beaucoup plus tôt et de rester insomniaque. Au contraire, il faut éviter de rester au lit si on ne s’endort pas. Il faut y aller au bon moment quand on sent des frissons, des signaux de l’organisme, une baisse de vigilance, etc".

Et si on n’a pas anticipé la rentrée scolaire ?

Pr M. L. Fantini : "L’enfant sera un peu privé de sommeil le jour de la rentrée, ce qui n’est pas trop grave car il n’y a pas énormément de travail. Il faut profiter de la dette de sommeil accumulée le premier jour pour aller se coucher plus tôt le soir. A un moment donné, le système s’auto-règle et si on a une dette de sommeil, on a envie de dormir plus tôt. Si on n’a pas réussi à avancer le coucher quelques jours avant, à réveiller aussi l’enfant progressivement plus tôt, disons que tout rentre dans l’ordre au bout de la première semaine".

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Sommeil, mémoire et troubles du comportement

La durée et la qualité du sommeil influent-elles sur l’apprentissage ?

Pr M. L. Fantini : "Ca influe énormément sur l’apprentissage, c’est connu, parce qu’il y a différents types de sommeil. Chacun a ses fonctions. Par exemple le sommeil paradoxal, qui arrive majoritairement vers la fin de la nuit et qu’on perd quand on a un réveil plus précoce, a un impact sur la mémoire. On sait d’ailleurs que les troubles du sommeil, notamment l’apnée du sommeil chez l’enfant, des fois se révèlent par des déficits d’apprentissage, et non pas par une somnolence parce que l’enfant qui ne dort pas suffisamment bien la nuit n’est pas somnolent le jour. Au contraire, il est irritable, nerveux, il a des troubles du comportement, il n’arrive pas à rester en place, c'est tout à fait un signe. La chute de résultats scolaires peut être un des symptômes du manque de sommeil. C'est pour ça qu'il faut veiller à ce qu'il dorme assez, mais aussi à la qualité de son sommeil. S'il ronfle par exemple ou si on a la moindre suspicion qu'il ne respire pas bien et qu'il y a des chutes de résultats scolaires, il faut absolument consulter. J'ai déjà eu des enfants qui venaient chercher des bilans pour des troubles de l'apprentissage justement. C'était entièrement dû aux apnées, il n'y avait pas d'autres souci".

Est-ce que le déficit de sommeil peut avoir d’autres conséquences ?

Pr M. L. Fantini : "Les conséquences sont multiples. Des troubles de l'apprentissage, du comportement, mais aussi de la croissance. Quand on a des troubles de sommeil sévères, on assiste à une flexion de la croissance parce que pendant le sommeil, surtout au début de la nuit où on fait beaucoup de sommeil lent profond, on a la sécrétion de l'hormone de croissance. Elle est secrétée uniquement pendant le sommeil et dans ce type de sommeil. Si un enfant a un sommeil profond perturbé, il produit moins d'hormone de croissance. Chez l'adolescent par contre qui est déjà développé, il y a aussi des soucis de gestion des émotions. La dette de sommeil est très associée à des symptômes dépressifs ou à des troubles du comportement, voire à l’abus de substances. Et même, il existe un lien entre la dette de sommeil et la tendance suicidaire".

Des liens entre sommeil, suicide et obésité 

"Avant la tentative de suicide, l'adolescent souvent ne dort pas ou dort très mal, il a une privation sévère de sommeil. En fait la dette de sommeil agit sur le contrôle non seulement des émotions, mais aussi sur l'impulsivité. Ca rend plus impulsif. C’est pour cela qu’il y a beaucoup de prévention qui se fait dans le domaine psychiatrique notamment sur la qualité, la durée de sommeil. Une autre conséquence est en lien avec l'obésité, et dès le plus jeune âge. Ca diminue la sensation de satiété. L'hormone de satiété est beaucoup moins produite et on a davantage faim. L’enfant cherche - l'adulte aussi - des nourritures plus caloriques, des choses sucrées pour compenser ce besoin. Dans la prise en charge d'enfants obèses aujourd'hui le sommeil est systématiquement évalué pour les aider et soigner un facteur favorisant".

On l’a dit, il faut être attentif aux horaires de coucher et aux signaux de son corps. Y a-t-il d’autres moyens d’optimiser son sommeil toute l'année ?

Pr M. L. Fantini : "Il y a de bonnes habitudes évidemment, se coucher à la même heure, l'environnement doit être calme et propice. Chez les plus petits, il y a des rituels à mettre en place avant le coucher, ils doivent être toujours les mêmes, ne pas durer très longtemps mais être apaisants comme le doudou, une histoire, etc. Il est très important d'éviter les écrans normalement 2 heures avant l'endormissement et de privilégier des activités calmes comme la lecture ou la musique. Il vaut mieux aussi éviter les activités sportives quelques heures avant le coucher, pour les ados disons jusqu'à 20 heures, pour les enfants, avant. Eviter bien sûr les boissons stimulantes, tout ça c'est assez classique. Après, il y a tous les soucis d'organisation familiale. On sait aujourd'hui que les enfants se couchent de plus en plus tard par rapport aux précédentes décennies. Il y a des statistiques là-dessus, c'est lié au fait que les parents rentrent plus tard, à la durée des déplacements, au fait qu’on veut passer un peu de temps avec l'enfant. Il faut protéger absolument ces horaires de sommeil, ça semble évident, mais en pratique c'est souvent difficile".


Et en cas de cauchemar, comment gérer au mieux ?

Pr M. L. Fantini : "Si l'enfant est complètement réveillé par un cauchemar, il faut le consoler, il est réveillé, donc capable de le raconter. Il peut être rassuré et se recoucher. En cas de terreur nocturne où l'enfant est inconsolable, il est angoissé, il se réveille en criant et en pleurant, il est encore en partie en sommeil, pas complètement réveillé. Dans ce cas-là, il ne faut pas se laisser impressionner, il faut le rassurer, le faire se recoucher, il oubliera tout, c'est un phénomène fréquent à partir de 4 ans jusqu'à 8 ans et ça disparaît dans la presque totalité des cas après 12 ans. C'est quelque chose qui ne perturbe pas vraiment la continuité de son sommeil alors que les cauchemars sont souvent associés à l'angoisse, mais souvent c'est très passager. Il y a notamment l'anxiété du noir qui fait partie d'une période d’évolution de l'enfant et c'est normal"

Y a-t-il de plus en plus d'enfants qui accusent un déficit de sommeil ?

Pr M. L. Fantini : "C'est un vrai problème de santé publique, on est en train de se rendre compte que la majorité des adolescents et une partie des enfants sont en privation chronique de sommeil. Selon les chiffres de la fondation nationale américaine du sommeil, 75% d'enfants et d'adolescents sont privés de sommeil. Actuellement, il y a des mouvements d'opinion qui essaient de faire décaler l'horaire de début de classe au collège et au lycée, qui commence à 7 h 30 souvent. Ils ont vu qu'un retard d'une demi-heure à une heure pourrait engendrer un grand bénéfice".

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En France, 40% des ados de 15 ans sont privés de sommeil

"En France, une enquête HBSC a été menée en 2010 auprès de 9 251 élèves âgés de 11 à 15 ans. A 11 ans, 16 % d'enfants sont privés de sommeil et à 15 ans, 40% des ados sont privés de sommeil. A partir de 11 ans jusqu'à 15 ans, les adolescents perdent en moyenne 20 à 30 minutes de sommeil quotidien par an la veille des journées de classe. Et les jeunes de 15 ans dorment en moyenne 1 h 30 de moins que les enfants de 11 ans. 24,6% d'entre eux - soit près d’1 jeune sur 4 - présentent un sommeil de courte durée (moins de 7 heures par nuit). Sauf qu'en fait, ils ont absolument besoin de sommeil, c'est ça qui est quand même important. Après bien sûr, il y a les courts dormeurs et les longs dormeurs, mais en moyenne, entre 14 et 17 ans, on a encore besoin de 8 à 10 heures de sommeil (9 à 11 heures de sommeil pour les 6/13 ans)".

Face au sommeil, la guerre des écrans

Comment expliquer ce manque de sommeil chez les adolescents ?

Pr M. L. Fantini : "Ils ont naturellement tendance à se décaler, à vouloir se coucher plus tard. En plus, l'utilisation des écrans en soirée va bloquer la mélatonine qui est l'hormone du noir. Elle commence à être produite vers 20 heures et c’est elle qui nous donne le signal pour aller nous coucher. Cette mélatonine est très sensible à la lumière, donc évidemment les lumières bleues des écrans vont l'inhiber. Ca entretient, ça aggrave ce décalage de rythme. Tout conspire en fait contre leur sommeil. D'une part, une tendance individuelle et d’autre part des habitudes sociales, les changements de mode de vie. Au collège aussi, on commence plus tôt qu'en primaire, alors que les adolescents sont plus décalés, plus en retard de phase par rapport aux enfants. Or, je le disais, le besoin de sommeil est encore là, ce qui fait que les adolescents sont les plus pénalisés. D'ailleurs, lors de la journée du sommeil en France l'année dernière, les initiatives étaient centrées sur cette problématique. On veut sensibiliser les ados et les familles à ce risque".
 
Quelque données et chiffres-dés sur le sommeil
Un cycle de sommeil dure environ 90 minutes. Une nuit se compose de 4 à 6 cycles de sommeil.
Fonctions du sommeil :
sommeil paradoxal : mémoire et régulation des émotions ; sommeil lent : récupération métabolique, cardio-vasculaire, sécrétion hormonale, immunocompétence.
Le nombre conseillé d'heures de sommeil varie selon les tranches âges :
14 à 17 heures pour un nouveau-né (0/3 mois) ; 12 à 15 heures pour un bébé (4/11 mois) ; 11 à 14 heures à l'âge de 1 ou 2 ans ; 10 à 13 heures les 3/5 ans ; 9 à 11 heures pour les 6/13 ans ; 8 à 10 h pour les 14/17 ans ; 7 à 9 heures pour un adulte (18/64 ans) ; 7 à 8 heures pour les personnes âgées de plus de 65 ans. (Source : National Sleep Fondation).

Et sur les ados connectés ?
Selon une enquête du Réseau Morphée menée auprès de 776 collégiens et publiée en 2015 : 33,5% des ados passent plus d'1 heure sur une console, une tablette ou un ordinateur après le dîner, dont 14,7% plus de 2 heures. 15,3% envoient des SMS en cours de nuit, 11 % se connectent sur les réseaux sociaux, 6,1% se réveillent pour jouer sur internet. 73,9% profitent d'un éveil spontané pour ces activités, 10,6% programment un réveil en cours de nuit.
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