Le son compressé est aujourd'hui omniprésent mais il pourrait être néfaste pour l'audition. Des chercheurs de la faculté de médecine de Clermont-Ferrand ont mis en évidence chez le cochon d'Inde que ce son provoque une longue fatigue.
Il s’est imposé partout. En voiture, au supermarché, à la maison, au travail. Le son compressé s’échappe de toutes les enceintes, que ce soit à la radio, à la télévision, dans les discothèques ou au travers des ordinateurs. « L’homme est exposé à des sons compressés depuis quelques années », indique Paul Avan, chercheur en biophysique neurosensorielle à la faculté de médecine de Clermont-Ferrand dans le Puy-de-Dôme. « Non seulement à cause de la musique que l’on écoute avec des moyens très puissants mais également avec l’avènement des visio-conférences favorisées par le confinement. L’utilisation de la compression est omniprésente. »
L'absence du silence
Un son compressé est un traitement audio qui sert à niveler les sons forts et les sons faibles. Et qui supprime les silences naturels. Ce que nos oreilles pourraient ne pas apprécier, à en croire une étude menée sur des cochons d'Inde par une équipe de chercheurs de l’INSERM et de la faculté de médecine de Clermont-Ferrand. « Quand on est exposé à de la musique normale, on récupère extrêmement vite, en 24-48 heures », explique Paul Avan. « Alors que les animaux exposés à de la musique surcompressée disposent d’à peine 50 % de leur force initiale. Donc la fatigue dure au moins une semaine. » Pour les chercheurs clermontois, c’est inquiétant car le temps de cette fatigue, les animaux sont moins à même de résister aux agressions auditives du quotidien.
Pour mettre cela en évidence, des groupes de cochons d'Inde ont été exposés à quatre heures de musique. Ils ont écouté en boucle le titre I miss you de la chanteuse américaine Adele. Soit l'enregistrement original, soit sa version très compressée. Et cette musique traitée sollicite en continue les oreilles. « Il n’y a jamais de repos sur un intervalle de 5 min », continue le docteur Paul Avan. « Pratiquement aucun silence dans aucune bande de fréquence, ce qui veut dire qu’on est à fond tout le temps. »
Quel effet sur l'audition ?
Les chercheurs tentent désormais de savoir si cette exposition pourrait être à l'origine de troubles durables. Et notamment chez l’homme. Mais pour le moment, ils se concentrent sur les cochons d’Inde qui ont une audition proche de celle humaine. « Au niveau des tissus, nous allons évaluer à l’aide de marqueurs spécifiques si les cellules de l’organe de l’audition de l’oreille interne sont connectées ou déconnectées des neurones », détaille Pierrick Bordiga, chercheur en biophysique neurosensorielle à la faculté de médecine de Clermont-Ferrand. « Dans le cas où nous observerions une déconnexion, il a déjà été montré que les neurones dégénèrent et qu’on a des pertes auditives permanentes à la suite de ce type d’exposition. »
Pour ces chercheurs, il est grand temps de prendre conscience des éventuels inconvénients du son compressé. Car il est possible de s’en passer. « Il existe des moyens de traiter le son qui sont respectueux des pauses naturelles que le son comporte habituellement », conclut le docteur Paul Avan.