Pâques est la fête du chocolat par excellence : œufs, poules, cloches en chocolat, tout est prétexte à savourer ces douceurs. Et si en plus d’être délicieux, le chocolat était bon pour notre cerveau ? Un spécialiste nous répond.
Pâques arrive à l’horizon. Les cloches sont parties à Rome et ramèneront comme chaque année, dimanche, des chocolats. Un moment attendu par tous les gourmands. Le chocolat et l’une des douceurs les plus appréciées, pour son goût bien sûr, mais selon la science, cela pourrait être également lié à ses effets sur le cerveau. Le professeur Georges Brousse enseigne la psychiatrie et l’addictologie à Clermont-Ferrand, il est également chef du service d’addictologie. Pour parler des effets du chocolat sur notre cerveau, il lui apparaît une distinction entre les formes de chocolat.” Le chocolat dont on peut dire qu'il a un certain nombre de propriétés est celui qui est très riche en cacao. C'est le chocolat noir qui aurait des propriétés qui ont été étudiées." Selon le professeur Brousse, ces propriétés intéressent les chercheurs depuis une trentaine d'années et il comptabilise environ 7 000 articles scientifiques sur le chocolat. S’ils se sont autant penchés sur la question, c’est grâce aux retours d’expérience de consommateurs constatant des effets bénéfiques associés au chocolat : “Cela intéresse les gens car ils ressentent du bien-être lors de la prise de chocolat”, indique le professeur.
Des bienfaits décrits par les consommateurs
Les scientifiques se sont d’abord basés sur ces retours d’expérience : “Ce qui est décrit par la plupart des gens, c'est que ça améliore le moral. À l'approche des fêtes de Pâques, l'idée de manger du chocolat nous réjouit. Il y a un côté ‘bon pour le moral’. Le deuxième élément qui est assez décrit est l'aspect énergétique. Ça améliore les performances cognitives. Des gens ont l'impression d'être plus vigilants et d’avoir un peu plus d'énergie. Des étudiants qui travaillent, par exemple, vont manger du chocolat pour mieux réviser, pour mieux se concentrer. Il y a un effet décrit sur la mémoire et l’attention. Il y a également un effet apaisant, antistress, qui a été décrit”, explique Georges Brousse. Face à ces constats, des études sont menées : “On s'est intéressé à 2 choses, d'une part, observer l'effet du chocolat chez les gens, ceux qui en prennent versus ceux qui n'en prennent pas, en fonction des quantités prises. D'autre part, regarder en fonction des composés chimiques du chocolat, comment le cerveau pouvait réagir.”
Un précurseur de la sérotonine
Les scientifiques se sont donc en premier lieu penchés sur la composition chimique du chocolat, et une première molécule a attiré leur attention : “C’est une plante qui a de nombreux composés. Un des premiers qui a pu retenir l’attention par rapport au moral, c'est que le chocolat contient une grande quantité d’un acide aminé qu'on appelle le tryptophane. C'est un précurseur de la sérotonine. En psychiatrie, on connaît bien la sérotonine puisqu’il s’agit d’un neuromédiateur qui est particulièrement impliqué dans des phénomènes de dépression et dans des phénomènes de mémoire. D'ailleurs, une part très importante d'antidépresseurs est sérotoninergique, donc augmente la sérotonine. On peut donc expliquer l'amélioration du moral, liée à la prise de chocolat, par la consommation de tryptophane, précurseur de la sérotonine. Les zones humorales sur lesquelles cela agit sont appelées les aires limbiques, des zones au centre du cerveau qui régulent le moral”, décrit le professeur Brousse.
Une amélioration des facultés intellectuelles ?
Après ce tryptophane, les scientifiques retrouvent une forme de psychostimulant proches de la caféine et de la théine, la théobromine. “C'est un composé psychostimulant qui va stimuler certaines zones préfrontales, qui sont à l'origine des phénomènes de concentration, de vigilance, d'attention”, indique l’addictologue. Mais la substance phare qui serait à l’origine de l’amélioration des capacités cognitives, ce sont les flavonoïdes, “des molécules qu'on appelle aussi polyphénols”. Il détaille : “Ce sont des substances qui ont des noyaux carbone, hydrogène, et des structures qu'on appelle phénoliques. Les flavonoïdes ont un effet sur la mémoire, sur la concentration. Le mécanisme d'action des flavonoïdes serait plutôt un mécanisme antioxydant et également un mécanisme d'hyperoxygénation du cerveau qui favorise probablement la dilatation des vaisseaux sanguins et l'oxygénation du cerveau, donc l'amélioration des phénomènes de mémoire, de concentration.”
Des effets sur le cerveau et sur le corps
Mais cette amélioration de la concentration n’est pas, selon le professeur Brousse, la seule vertu avérée de ces molécules : “Les flavonoïdes ne sont pas retrouvés que dans le chocolat, mais aussi dans d'autres aliments, des fruits, des légumes. On en retrouve dans la nature, dans le millepertuis notamment. Il y a eu des études, en dehors du cerveau, sur les flavonoïdes, sur les effets de réduction de mortalité et de risque de cancer liés à la prise de chocolat. Elles montreraient une certaine tendance à la diminution du risque de cancer liée au chocolat et à la réduction de la mortalité cardiovasculaire. Avec tout ça, il faut être quand même relativement prudent”, nuance-t-il.
Le chocolat donne-t-il des migraines ?
C’est aussi en raison de ces flavonoïdes que le chocolat a, un temps, été soupçonné d’être vecteur de migraines : “Au sujet de cette dilatation des vaisseaux du cerveau, un certain nombre de rapports sur les effets du chocolat ont questionné la possibilité d'une augmentation de migraines sous chocolat. La migraine peut être une hypervascularisation du cerveau et pourrait être un effet secondaire négatif du chocolat. En fait, les études qui se sont intéressées à la question de la migraine chez les mangeurs de chocolat n'ont pas retrouvé d'éléments mettant en évidence une augmentation des cas de migraine. Les études concluent qu’éviter le chocolat n'est pas une recommandation que les médecins devraient donner”, affirme cependant le professeur.
Le chocolat, un antistress naturel
Le chocolat pourrait aussi, grâce à sa composition, avoir d’autres vertus apaisantes : “Dans le chocolat, il y a aussi des substances de type anandamide qui, dans une certaine mesure, se fixent sur nos récepteurs que l'on appelle les récepteurs cannabinoïdes. Ce ne sont pas des récepteurs faits pour le cannabis, mais des récepteurs qu'on a découvert dans le cerveau sur lesquels on sait que se fixe le cannabis. Certains composés du chocolat se fixent sur ces récepteurs qui sont dans notre cerveau. On peut supposer que ça contribue à l'effet antistress du chocolat que les consommateurs décrivent”, explique Georges Brousse. Il se pourrait également que la consommation de chocolat fasse augmenter notre sécrétion d'endorphines. “Ce sont nos hormones de bien-être, celles qu'on secrète quand on a fourni un effort physique par exemple. La sécrétion d'endorphines fait partie de notre bien-être et le chocolat la favoriserait.”
La saveur et le contexte du chocolat à l'étude
Alors, une question se pose : toutes ces molécules ont-elles un effet sur le cerveau, ou alors, le chocolat n’est-il source de bien-être que parce que nous apprécions le goût et les moments associés ? Le professeur Brousse a également étudié cette question : “Même s'il y a tous ces composés, les effets ne sont pas très objectivés. Certaines études ont tendance à démontrer les effets cognitifs, les effets sur la mémoire, les effets d'amélioration du moral, mais un certain nombre d'auteurs se sont intéressés à une idée toute bête. C'est la saveur de la substance et le contexte dans lequel on la consomme. Pâques, Noël, l'enfance... Ces études se penchent sur ce qu'est le chocolat et ce qu'il représente. Il est associé à l'agréabilité de la saveur et des moments où on le consomme. Ce ne sont plus les molécules dans le chocolat qui seraient à l'origine du bien-être mais c'est la mémoire du contexte qui améliore nos capacités, nos performances. C'est un effet de contexte, c'est un effet de mémorisation, comme la Madeleine de Proust si vous voulez.”
Le cerveau entraîné à aimer le chocolat
Mais alors, impossible d’expliquer que ces bienfaits ne soient associés qu’au chocolat noir, et pas à d'autres douceurs. Selon le professeur Brousse, cette explication du contexte n’est pas satisfaisante : “Si c'était simplement ça, il n'y aurait pas de distinction entre les chocolats mélangés et le chocolat noir, présentant le plus de composés et associé le plus à ces effets-là. Si c’est plus vrai pour le chocolat que pour d'autres aliments, c'est que probablement, il y a l'effet double. Il y a probablement l'effet des substances décrites précédemment qui est associé à des éléments de contexte. Cette association est toujours vraie dans la nature. C'est vrai pour des médicaments, c'est vrai aussi pour les drogues. Ce n'est pas simplement le produit qui fait l'effet, c'est le produit dans un contexte chez un individu donné.”
Selon lui, le chocolat s'inscrit très bien dans cette dynamique. “Il y a des composés dans le chocolat qui, dans un contexte, font qu'il donne des effets plutôt positifs. C'est parce que le chocolat a ces composés-là qu'il est agréable et parce qu'il est pris dans certains moments que notre cerveau en retient les effets. Il s'en souvient, donnant un effet d'augmentation et un effet de recours à cette substance. Notre cerveau s'entraîne. Il a un apprentissage d'agréabilité, de plaisir lié à la consommation de cette substance. Il le fait pour les drogues, il le fait d'une façon générale. L'effet ressenti qui soulage, qui donne du plaisir, le cerveau le mémorise, l’associe au produit. Ensuite il focalise son attention dessus et, en quelque sorte, il augmente l'effet produit.”
Le chocolat, addictif ?
Dans le cadre des addictions, cet apprentissage est problématique car les substances perdent progressivement leur effet et créent une envie irrépressible de les prendre, ainsi que des conditions d'aliénation. Heureusement, pour le chocolat il y a très peu d'addiction, rassure le professeur Brousse : “On n'a pas de phénomènes dits ‘addictifs’ au chocolat, décrits en tant que tels, qui ressortent de façon très flagrante de la littérature scientifique.” Pas de risque d’addiction à consommer du chocolat, même s’il faut raison garder, avertit le professeur Brousse. “Toute la question est liée aussi à la modération de la prise. De toute façon, ce n'est pas 'plus on mange de chocolat, plus on est performant’. Il y a un effet plateau. Attention surtout aux sucres associés ! Plus on en mange, plus on a des risques liés aux effets métaboliques et aux effets sur les hormones de la régulation des glycémies. C’est une prise de risque de trop manger de chocolat.”
Nous rend-il plus intelligents ?
Si l’on en consomme avec modération, le chocolat peut donc nous rendre plus détendu, plus concentré, plus heureux, plus attentif... Et plus intelligent ? Certains, selon le professeur Brousse, se sont également penchés sur la question : “Il y a un autre élément qui est assez amusant, c'est que le très sérieux New England Journal en 2012, avait fait une étude pour savoir s'il y avait un rapport entre la consommation de chocolat et le nombre de prix Nobel dans un pays. Ils avaient même interrogé des prix Nobel sur leur rapport au chocolat et leur avaient demandé de raconter chacun la façon dont ils consommaient du chocolat et dont ils pensaient que ça pouvait les aider à avoir des performances intellectuelles.” Cette étude était évidemment humoristique et, selon le spécialiste, “il n’en sort pas grand-chose, si ce n'est que les prix Nobel, comme presque tout le monde, aiment le chocolat !”
Si vous aimez le chocolat, suivez Carinne Teyssandier dans les coulisses d'une fabrique de chocolat. Avant de pénétrer le coeur de la fabrique de chocolat, il faut d'abord fouler les terres du cacaoyer. Pour cela rendez-vous à la Cité du Chocolat pour une visite immersive et ludique, pendant laquelle Carinne entreprend un voyage gourmand de la fève de cacao à la tablette...
Carinne et la chocolaterie à retrouver dans l'émission Nos terres gourmandes diffusée chaque samedi sur France 3 Auvergne-Rhône-Alpes et à tout moment sur france.tv.