Séduisante, Tebelle, Topmodel, Supergirl : les éleveurs ont le sens de l’humour quand il s’agit de baptiser leurs vaches. Au Sommet de l’élevage de Clermont-Ferrand, on trouve une ribambelle de noms drôles. Un choix qui va souvent aussi de pair avec le caractère de l’animal. On vous explique comment les agriculteurs font pour donner des noms à leurs champions.
Ringostarr, Tarantino, Rihanna, Picasso, Tarzan, Nefertiti…on croise des célébrités au Sommet de l’élevage de Clermont-Ferrand. En effet, ces patronymes de stars sont les noms de vaches choisis par les éleveurs. Pour baptiser une bête, une seule règle : chaque année, comme pour les chiens et les chats, l’année de naissance détermine la première lettre du nom. Cette année voit ainsi fleurir des Uranus, des Ulysse. L’an prochain, ce sera au tour des prénoms commençant par un V. Mickaël Martineau, éleveur de limousines en Mayenne depuis 1992, explique : « Je les baptise et je déclare leur naissance maximum 7 jours après. C’est obligatoire sinon on peut être disqualifié. On fait cela par Internet auprès de l’établissement départemental de l’élevage. On ne doit pas excéder 10 lettres pour le passeport ».
"Ce taureau s’appelle Nobel : c’est un beau spécimen, et il gagne beaucoup de prix !"
Pour lui, l’attribution du nom de la vache est une étape essentielle : « J’essaie de faire en sorte que le nom du veau rappelle le nom de la mère. Infusion a une fille qui s’appelle Nectarine. Elle a à son tour eu un veau et je l’ai nommé Oranger. Quand je vends le reproducteur, je me rappelle de la lignée. J’ai eu une vache qui s’appelait Vitesse et j’ai baptisé sa fille Eclair, et son fils Nuage ». Il insiste : « Le but du choix est souvent de rigoler, surtout quand on a des mâles. On essaie de donner un beau nom. Ce taureau s’appelle Nobel : c’est un beau spécimen, et il gagne beaucoup de prix ! J’ai 70 vaches. Elles ont toutes un prénom. Celles qui sont dressées, je les appelle par leur prénom et elles répondent. Une vache a des yeux, un nez et des oreilles. Il ne leur manque que la parole parfois ».
Un choix parfois assisté par ordinateur
Julien Condezou, éleveur de limousines en Corrèze, est beaucoup moins poétique, bien plus pragmatique : « A la naissance chaque année, on doit suivre la lettre de l’année et après on a un logiciel qui nous sort des noms. Je fais au hasard. Mes vaches présentes au Sommet de l’élevage, Sophie et Salopette, ont deux ans. Le nom ne compte pas tant que ça. Avant, c’était important, dans les étables, il y avait une ardoise avec le nom de la vache. Je n’appelle plus mes vaches par leur prénom, dans le pré. J’en ai 150 donc c’est compliqué à retenir ». Pour le nom de baptême, un nom commun ou un nom propre font l’affaire. On croise ainsi au Sommet Toyota, Ugo Boss, Sangria.
Des noms pour une lignée
Clément Gubien est éleveur de ferrandaises, dans la Loire. Il s’insurge contre ceux qui nomment leurs bêtes par ordinateur : « On ne fait pas ça par ordinateur, notre logiciel c’est la tête ! Le choix du nom est très important et il fait partie de la vache. J’appelle mes bêtes dans le pré par leur prénom. Actuellement j’ai Galante, Souveraine, Marquise ». Il est très attaché au choix du nom : « Pour baptiser mes vaches, je communique beaucoup avec mes voisins et essaye de trouver une origine, de perpétuer une lignée. Par exemple, j’ai une vache qui s’appelait Italienne, sa fille se nomme Napoli et sa petite-fille Sicilienne. J’essaie de garder la tradition. J’ai une vache qui s’appelle Loire, son fils c’est Riva et son petit-fils c’est Usson-en-Forez, car ce sont des noms de communes du département. Le caractère colle parfois au nom. Galante porte bien son nom car elle est vraiment élégante et elle sort du lot ».
"Il y a aussi Shakira, qui pète le feu !"
Lionel Duffayet, éleveur de salers à Saint-Cernin, dans le Cantal, pense aussi que le nom est un présage : « J’essaie de faire l’effort de trouver le plus beau nom possible. Au Sommet, j’ai Obélix. Il porte bien son nom. Il s’appelle comme ça car il est tombé dedans quand il était petit. Son nom était une évidence. Il avait un gros gabarit. Ici il a été champion de sa race, il pèse 1 330 kg. A la ferme, j’ai 140 vaches et je les connais toutes par leur nom. La plus âgée s’appelle Gentiane, la plus jeune Unique. Le caractère et le visu de l’animal ont leur importance. Parfois on essaie de trouver un nom qui rime avec la mère de l’animal. Tulipe a une fille qui s’appelle Unique. Il y a aussi Shakira, qui pète le feu ! J’ai connu une Mireille, en référence à Mireille Mathieu ». Quentin Miquel, éleveur d’Aubrac dans l’Aveyron, partage cet avis. "Je prends du temps pour choisir le nom de mes vaches. Récemment, j’ai eu Superbe car elle était magnifique. Le caractère joue aussi", lâche-t-il en riant. Dans les allées du Sommet de l’élevage, on peut ainsi tomber sur un Heureuse, qui semble satisfaite de son sort, ou une Rêveuse, paisible dans la paille.
Se creuser la tête pour trouver le bon nom
Mais trouver un nom n’est pas chose aisée. Jérémie Mestas, futur éleveur de charolaises, originaire des Combrailles, dans le Puy-de-Dôme, confie : « En général, on donne un joli nom aux belles vaches. Des années plus tard, on se rappelle des lignées. Panache est le petit de Ganache. On a aussi eu Fleur, Niagara, Nefertiti, Gitane. Les éleveurs savent souvent s’amuser en choisissant les noms. Mais ce n’est pas facile car parfois il y a 400 vêlages, et il faut trouver 400 noms différents ». Les Romains disaient « Nomen est omen », un nom est un présage. Même pour les vaches, le nom semble déterminer le caractère de l'animal.