A l'heure où les stations de ski préparent les prochaines vacances scolaires, sur les pistes du Mont-Dore (Puy-de-Dôme), certains chanceux s'offrent, en milieu de semaine, un cocktail de neige et de soleil. Pas de cohue aux remontées mécaniques, des grands boulevards devant eux. Le temps d'une journée, tous les avantages sans les inconvénients du paradis blanc hors saison.

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En temps normal, sur les pistes, les classes de neige font vivre les stations de ski durant ce mois de janvier à cheval entre deux périodes de vacances. Pas cette année. Entre reports et annulations en raison de la situation sanitaire, l'école de ski français du Mont-Dore (Puy-de-Dôme) tourne, malgré elle, au ralenti. Pas d'écoliers, pas de collégiens. Comme si la nature avait horreur du vide, les accros de la glisse, eux, ne loupent pas cette occasion trop belle de goûter, sans partage, au festin.

Nicolas, « croc-blanc »

A peine s'est-il garé sur le parking du téléphérique du Sancy que Nicolas fonce vers la télécabine. D'un geste de la main, il salue de loin une connaissance. Sans plus, Nicolas n'a pas le temps. Au pas de charge, on dirait qu'il a un train à prendre : « Quand j'ai vu les conditions météo, je n'ai pas hésité, j'ai sauté dans ma voiture ». Durant l'ascension et le défilé des crêtes de basalte, le quinquagénaire a les yeux d'un enfant devant un paquet cadeau. « J'habite à Crocq, en Creuse, à 1h15 de route d'ici et il m'arrive même de venir ici deux fois par semaine » raconte ce professeur de maths. « En fait, pour pouvoir vivre des journées exceptionnelles comme celle-ci, chaque année à la rentrée, je me débrouille pour avoir une journée de libre par semaine dans mon emploi du temps professionnel. Je concentre tous mes cours sur 4 jours et le cinquième jour c'est ski l'hiver, rando ou VTT au printemps. Des activités pleine nature quoi ! » explique-t-il avec un sourire malin.

Bref, comme tout bon cartésien, il a bien calculé son coup. Arrivé au sommet du téléphérique, il plonge son regard dans les pentes abruptes hors pistes, son jardin. « Le domaine des pistes n'est pas très grand ici, en revanche celui du hors-piste est immense et beaucoup nous l'envient. Une fois j'ai rencontré là des Argentins, ils en avaient entendu parler et venaient exprès pour s'y frotter. Ils faisaient un tour d'Europe des spots de freeride ». Aujourd'hui, il n'y aura pas de pas de côté, la neige y est insuffisante, le vent en a balayé un sacré paquet. « D'habitude, je pars dans le Val d'Enfer, sur des pentes inclinées à 55 degrés. Qu'elles s'appellent la Y, la Redon, la Collangette * ou le Pas de l'âne, seuls les initiés peuvent s'y aventurer, c'est du ski de montagne engagé qui nécessitent une connaissance du milieu. Il faut aussi se renseigner auprès du Peloton de Gendarmerie de Montagne ou des pisteurs pour savoir si ce n'est pas avalancheux ». Nicolas est l'un des 60 membres que compte le club freeride du Mont-Dore mais aujourd'hui il restera sur les pistes pour travailler sa technique, et il ne sera pas trop dérangé.

« Je suis sur les rotules. »

Alain Audigier, directeur de l'ESF du Mont-Dore

Au pire, il aurait slalomé entre les apprentis skieurs en file indienne derrière leur moniteur. Mais encore faut-il qu'il y ait des élèves. « On les attend mais ils ne viennent pas ! » regrette amèrement Alain Audigier, directeur de l'Ecole de Ski Français du Mont-Dore. « Sur les recommandations du gouvernement, les académies annulent les classes de neige les unes après les autres. Certes je ne suis pas médecin, mais j'avoue ne pas bien comprendre la logique. On dit non à des groupes de 10 au grand air pour contenir 30 élèves dans une classe ! Pour vous rendre compte, sur ces deux premières semaines de janvier, on devait accueillir 12 classes de neige, seules 4 ont pu venir. Cela représente 800 heures de cours et 32.000 euros de chiffre d'affaires en moins. Sans compter que ces enfants qui ne viennent pas sont des clients perdus pour demain. D'autant que pour une station comme le Mont-Dore, l'ESF compte pour 80 à 90% des forfaits vendus en janvier. L'école fait donc vivre la station. Franchement, j'ai pris la direction de cette école il y a deux ans, et depuis deux ans, tout est très compliqué, et là je suis maintenant sur les rotules ».

« Casse-croûte et sieste au soleil »

Fatigué, du haut de ses 75 ans ? Sur ses skis de randonnée, Christian Dauzat lui n'en a pas l'air, ni l'allure. Ce solide longiligne au regard d'aigle connaît le massif comme sa poche. Il a dirigé pendant longtemps le Club Alpin Français au Mont-Dore. Au pied du téléski du Ferrand Nord, il « peaute » pour rejoindre le versant sud-est, côté Super-Besse. Parmi ses faits d'armes dont il est le plus fier : « Avoir fait monter le Mont-Blanc à des handicapés mentaux. On devrait plus souvent penser à eux et les faire sortir, leur faire prendre l'air dans des décors pareils ».

Face à lui, du blanc immaculé, une pente déserte, le soleil et le silence. « Moi je viens surtout hors vacances. Quand il n'y a ni les patinettes, les snowblade et les snowscoot. Et je vous dis qu'il vaut mieux ne pas se trouver là. J'ai un copain, moniteur de ski, qui s'est fait rentrer dedans ici par un type qui ne maîtrisait pas son snowboard. Résultat : fracture du péroné, il était content tiens ! » ironise-t-il. « Non, non, moi, aujourd'hui, je bascule à Super-Besse et je reviens. A mi-chemin, casse-crôute, pain, fromage, dattes, pain d'épices et peut-être même derrière une sieste au soleil ! Une fois je me suis endormi au sommet du Sancy, quand je me suis réveillé, j'avais la tête couleur aubergine, tout le monde s'est foutu de ma gueule » se marre-t-il avant de conclure. « Avec tout ce qui nous arrive, et ce qu'on entend, il faut bouger sinon... ».

* Denis Collangette, premier guide auvergnat, précurseur de l'alpinisme en Auvergne dans les années 1970

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