TEMOIGNAGES. Aides-soignants face au coronavirus COVID 19 : « On parle de guerre et ce n’est pas pour rien »

Au CHU de Clermont-Ferrand, les aides-soignants aussi se préparent à faire face à l’afflux de patients lié au coronavirus COVID 19. Au contact direct des patients chaque jour, certains s'inquiètent des risques de contamination pour eux et leur famille.

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Au CHU de Clermont-Ferrand, les aides-soignants sont en première ligne face au coronavirus COVID 19, aux côtés des autres personnels hospitaliers. Bien souvent en contact physique direct avec les patients, ils sont d’autant plus exposés aux risques de contamination. « On a peur, on entend toute la journée parler de la vague qui va arriver, du tri entre les patients. On sait qu'il va y avoir un pic de l'épidémie, mais on ne connait pas son ampleur. Tout tombe au jour le jour, les informations, le matériel. On a l'impression qu'il y a toujours un décalage entre la réalité du terrain et la prise de décision », regrette Victoire*, aide-soignante en gastrologie.

"Heureusement, nous avons fini par recevoir des masques en début de semaine"

Un avis partagé par Laurent*, aide-soignant dans le service de stérilisation centrale : « Au début, un certain nombre de collègues ont pu avoir des masques dans les services les plus impactés : les urgences, la réanimation, les maladies infectieuses et tropicales. Nous, à la stérilisation centrale, on a été obligés de leur en donner, alors qu’on en avait aussi besoin pour stériliser le matériel. Heureusement, nous avons fini par recevoir des masques en début de semaine. » 

De nouveaux équipements depuis le 23 mars

Depuis le 23 mars, le CHU équipe donc l’intégralité du personnel en masques, et non plus uniquement les services à haute concentration virale, comme au début de la crise : « Tout le monde le porte, pas seulement les soignants mais tous le personnel du CHU. Les agents qui travaillent 7h30 ont 2 masques par jour, ceux qui travaillent 12 heures ont 3 masques et les agents en contact direct avec des patients COVID 19 ont un nombre de masques illimité, puisqu’ils en changent à chaque soin », explique Jean-François Tirefort, DRH au CHU de Clermont-Ferrand. A présent le CHU attend le pic de l’épidémie assez sereinement : « On a activé le dispositif de crise il y a 3 semaines, on a fait baisser l’activité opératoire et libéré des lits. La pression n’est pas trop importante. Nous ne sommes pas dans une région trop touchée, il n’y a pas de tension dans les services à ce jour. »

Une vie de famille perturbée

La situation familiale est également complexe à gérer pour les aides-soignants en première ligne : « Il y a un stress, une angoisse. Nous avons de la famille que l’on risque de contaminer. On est obligés de prendre des précautions avec eux, pour les protéger. Il y a aussi un lourd poids psychologique : on ramène notre angoisse du travail à la maison et ça impacte nos proches », explique Laurent. Victoire, quant à elle, a décidé de s’isoler complètement de sa famille durant le confinement : « J’ai eu des symptômes et heureusement le résultat des tests était négatif. Par mesure de précaution je n’approche plus mes parents, ni ma fille. J’ai fait le choix de ne pas être confinée avec eux. Je suis hébergée près du CHU, car je peux être mobilisée à tout moment. Dans tous les services, nous pouvons être rappelés. »

"On parle de guerre et ce n'est pas pour rien"

Plusieurs mesures liées au « plan blanc » perturbent la vie privées des aides-soignants : « Des lits ont été libérés dans tous les services, ce qui signifie qu’à tout moment nous pouvons accueillir des patients COVID 19. Les amplitudes horaires ont été modifiées, on peut être mobilisés n’importe quand dans n’importe quel service, comme des soldats. On parle de guerre et ce n’est pas pour rien », affirme Laurent.

Quel impact psychologique ?

Les aides-soignants s’interrogent également sur l’impact psychologique qu’aura sur eux cette crise : « C’est dur, très dur. On voit des collègues tomber malades. Dans d'autres régions, on a appris que des personnels soignants étaient morts. On ne comprend pas ce qu’ils attendent pour tous nous tester ? Qu’on soit tous malades ? Quelle est la valeur de notre vie ? On voit le nombre de cas augmenter de jour en jour. Pour l’instant, on fait ce qu’on peut avec le peu qu’on a », explique Victoire. 

Tester tous les soignants, pertinent ? 

Selon Jean-François Tirefort, le fait de ne pas tester tous les soignants découle de directives nationales : « Les soignants ne sont testés que s’ils présentent des symptômes. Ils doivent alors contacter la médecine du travail via une hotline, accessible 7j/7. Le médecin du travail objective la suspicion puis le soignant se dirige vers l’un de nos 3 centres de prélèvement. » Pour lui, tester chaque soignant en l’absence de symptômes n’est pas pertinent : « Il a été démontré qu’en l’absence de symptômes, la personne peut être en période d’incubation, elle serait donc rassurée par un résultat négatif mais pourrait être porteuse du virus. »

"On a besoin d'être soutenus"

Laurent, lui, est inquiet malgré tout : « On a besoin d’être soutenus. Il faut qu’on ait des temps de discussion et d’échange avec notre hiérarchie. On a le sentiment d’être seuls. Après l’épidémie, j’espère qu’on aura une prise en charge, un accompagnement psychologique. » Une hotline d'assistance psychologique est mise à disposition des soignants par le CHU. Pour les deux aides-soignants, un même message : « Aidez-nous, restez chez vous ».

* Les prénoms ont été modifiés
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