TEMOIGNAGES. Ces étudiants qui rêvent de retourner à la fac, fêter enfin leur bac et leurs 18 ans

L’épidémie de COVID 19 a aussi des conséquences sur la vie des étudiants. Avec des cours à distance et une vie sociale inexistante, ces jeunes ne vivent pas leur arrivée à la fac comme prévu. Deux jeunes étudiantes de Clermont-Ferrand nous racontent leurs difficultés et leurs frustrations.
 

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« Oui, c’est dur d’avoir 20 ans en 2020 » concèdait le 14 octobre le président de la République Emmanuel Macron lors d’une intervention télévisée. La crise du COVID 19 est venue jouer les trouble-fêtes et les étudiants sont aussi touchés. Même s’ils souffrent souvent de formes peu graves s’ils sont contaminés par le virus, c’est leur quotidien qui a été bouleversé. Un confinement au printemps, un bac obtenu en contrôle continu, un été sans fêtes, une rentrée hybride, mi présentielle mi distancielle, et un nouveau confinement.

Suivre les cours à distance

Cette année 2020 a vraiment un goût singulier. Manon Salva, 18 ans, qui vit à Ennezat près de Riom dans le Puy-de-Dôme, en a conscience. Cette étudiante en première année de licence d’info-com à Clermont-Ferrand a dû s’adapter aux nouvelles contraintes liées à l’épidémie. « Les cours sont très compliqués. C’est très dur à gérer mais après, on s’y fait, forcément. J’ai réellement vu très peu de profs, que ce soit en visio ou en vrai. J’ai beaucoup de cours au format PDF. J’ai eu du mal à trouver un rythme de travail » confie la jeune fille. Elle se console en se rattachant à la solidarité qui règne entre étudiants. Elle explique : « Mais avec les étudiants de ma classe, il y a une grande solidarité car on est tous dans la même galère. Ca crée des liens. C’est dur de ne pas pouvoir se voir. On fait avec. Dans ma promotion on a créé un endroit où on a mis tous nos cours. Certaines personnes ont mis les partiels de l’année dernière. C’est plutôt sympa ».

La vie étudiante me manque

Manon ajoute : « La vie étudiante me manque. On ne se connaît pas énormément avec les gens de ma promo. C’est dommage, on n’a pas pu beaucoup se voir. Je ne peux pas voir mes copains non plus ». L’étudiante se rattache à l’espoir de retourner prochainement à l’université : « J’espère retourner à la fac en février. Je pourrai retourner à une vie sociale. Ca sera plus simple au niveau des cours, pour échanger sur des pratiques, avec les profs. On peut trouver des alternatives en étant chez nous, pour travailler quand même. C’est compliqué d’être privé de notre vie sociale. Le président Macron l’avait dit à la télévision que c’était difficile d’avoir 20 ans en 2020. Je trouve que c’est vrai. Mais c’est une mauvaise période à passer, on s’adapte. Ca va vite finir. J’espère en février revenir à la fac. On n’a pas trop d’infos. Février c’est finalement dans pas longtemps ».

Des groupes de travail

Cet espoir de retrouver les bancs de la fac, Lorie Vincent, 18 ans également, le caresse aussi. Cette étudiante en première année de psychologie à Clermont-Ferrand se verrait bien en éducatrice spécialisée ou travailler dans les ressources humaines dans l’armée. Mais le chemin est encore long. « On est en distanciel. Ca se passe bien mais c’est compliqué pour l’organisation, c’est un rythme à prendre. Le contact humain avec les profs me manque. La vidéo c’est pas pareil. Les à-côtés, la vie étudiante me manquent beaucoup. J’ai un petit groupe de classe sur Snapchat. Ca permet de nous aider, de se soutenir. Ca fait du bien. On a aussi mis en place des groupes de travail sur Teams, pour s’appeler et faire des visios » raconte-t-elle. Lorie s’accroche, apprécie la présence de son père et de son frère une semaine sur deux. Elle ajoute : « Ma filière me permet de mieux vivre la situation. On reçoit des mails de soutien de la fac. Il y a des forums si on a besoin ».

Pas de fête pour le bac ni pour les 18 ans

Manon comme Lorie n’ont pu fêter l’obtention de leur bac ni leurs 18 ans. Manon raconte : « Je n’ai eu que quelques épreuves de bac à passer. Je l’ai eu sur le papier. Je ne l’ai pas fêté. Il n’y a jamais eu de remise de diplôme. Nous sommes juste allés chercher notre relevé de notes. On n’a pas eu l’occasion de le fêter. J’ai eu 18 ans le 30 août. Je n’ai pas pu le fêter non plus. Je voulais faire quelque chose de bien, avec tous mes copains de collège, de lycée et regrouper un peu tout le monde. Mais le problème est que ce n’était pas possible. J’ai participé à quelques soirées quand même mais de maximum 10 personnes ». La jeune étudiante se veut philosophe : « J’espère bien le fêter l’année prochaine. Ca serait dans l’idéal dans une salle des fêtes. J’inviterais environ une vingtaine de personnes. Je me sens frustrée. C’était notre année, entre guillemets. On était censés faire le bal de promo, la fête des terminales. Ca n’a pas pu se faire. Du coup c’est énervant mais après c’est pour la santé de tout le monde et ça compte davantage ».

Une frustration

Même sentiment de frustration pour Lorie qui a eu 18 ans le 10 mars, juste avant le premier confinement : « J’avais prévu de les fêter mais il y a eu le confinement. J’ai dû annuler. J’avais décidé d’inviter une vingtaine de personnes. J’avais prévu de louer une petite salle. C’était important pour moi de fêter mes 18 ans. C’est frustrant de ne pas le faire. On ne s’attendait pas à passer le bac en contrôle continu. On ne l’a pas fêté non plus. C’est une double frustration ». Toutes deux partagent le même rêve : « La première chose que je rêve de faire est de faire une fête avec mes amis, s’il n’y a plus de pandémie. Ces moments-là manquent énormément » indique Lorie. Manon affirme : « Je rêve de revoir tous mes copains pour une fête. J’aimerais vraiment ».

La détresse des étudiants

Laurent Gerbaud est le chef du pôle santé handicap étudiant à l’université et responsable du pôle de santé publique au CHU de Clermont-Ferrand. Il confirme les difficultés que rencontrent les étudiants : « Il y a une vraie détresse dans la population et parmi les étudiants. Quand ils ne sont pas dans leur famille, en état d’isolement, la situation est difficile ». Le 16 novembre dernier, il a signé une tribune dans le quotidien Le Monde afin d’alerter sur les services de santé destinés aux étudiants démunis face à la demande de jeunes fragilisés par la crise. Dans un rapport, un expert soulignait le manque de psychologues universitaires. Selon Laurent Gerbaud, cette tribune n’a pas été lettre morte. Il indique : « Suite à notre tribune dans le Monde, il y a eu des échanges et une écoute réelle avec le ministère. On essaie de débloquer des moyens pour renforcer les équipes du côté du CROUS avec des étudiants qui font du lien social, avec des équipes d’assistantes sociales. A l’université on a eu un renforcement des équipes d’assistantes sociales. On est en train d’essayer de recruter des psychologues mais ça ne se fait pas d’un claquement de doigts. On en est à un équivalent temps plein de psychologue pour 29 882 étudiants quand la moyenne dans les pays développés est de 1 pour 3 500 étudiants. Si demain on me donne 15 équivalents temps plein, je ne sais pas où mettre les psychologues, je ne sais pas où les mettre. Il y a le problème des locaux, de gestion des plannings ». Les médecins estiment que 75 % des épisodes psychiatriques apparaissent avant l’âge de 24 ans, les professionnels de santé affirment la nécessité d’investir dans la prévention et le soin de ces troubles.

Pour l'heure, Manon se concentre sur ses partiels et espère un retour à la vie "normale" le plus vite possible. Quant à Lorie, elle vient de décrocher son code de la route. Elle souhaite passer son permis de conduire en début d'année. Une autre occasion à fêter quand la situation sanitaire le permettra.
 
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