Dans l’attente de la prochaine annonce du gouvernement le 22 juin au sujet d’une potentielle réouverture des discothèques, les gérants de clubs de Clermont-Ferrand s’inquiètent. Retour sur le témoignage de trois gérants clermontois, à bout de souffle.
« Le gouvernement parle des restaurants, des cinémas, des bars, mais des boites de nuit jamais ! On est les oubliés de ce déconfinement et j’ai peur d’assister à l’effondrement de la profession » se désole, Hugo Kasperski, gérant de la discothèque L’Usine de Clermont-Ferrand, avenue Jean Mermoz (salle en location). Comme tous les gérants de discothèques qui ont dû fermer en mars, il attend avec impatience l’annonce du gouvernement le 22 juin prochain pour connaitre la date de réouverture de son établissement car il ne voit pas « le bout du tunnel ». A l’arrêt total depuis trois mois, il a perdu 50 % de son chiffre d’affaire annuel et a dû renoncer aux évènements prévus pour célébrer la fin de l’année scolaire. Pour lui cette crise sanitaire reflète un flagrant manque d’intérêt de la part du gouvernement pour les discothèques « qui font pourtant aussi partie de la culture en France ». Pour Serge Malvau, gérant de la discothèque Le Them’s, située rue de Serbie à Clermont Ferrand, l’avenir de la profession n’est pas condamné mais repose sur une reprise de l’activité dans les semaines qui vont suivre le déconfinement « surtout pour les petits établissements particulièrement fragilisés économiquement ». Une reprise dont la date est repoussée selon lui à cause d’une grande difficulté à appliquer le même protocole sanitaire que pour l’hôtellerie : « Le syndicat de l’UMIH (Union des métiers et des industries de l’hôtellerie) négocie un cahier de charges sanitaires à appliquer pour les discothèques, mais nous devrions avoir un syndicat spécifique pour ça. Nous ne pouvons pas appliquer les mêmes mesures que les restaurants ou les bars, le but d’une boite de nuit c’est justement d’être confiné ».
Des mesures sanitaires difficilement applicables
Pour David Texeira, cogérant de la discothèque Le Middle Night, rue Ramon à Clermont-Ferrand, qui s’est pourtant très vite équipé en masques en tissu « avec le nom de l’établissement inscrit», la mise en place des mesures sanitaires actuelles est irréalisable en discothèque. « En Espagne ils ont rouvert les discothèques avec interdiction d’être debout et donc de danser, c’est inconcevable pour une boite de nuit. Puis comment voulez-vous vous tenir à un mètre les uns des autres ou encore boire avec un masque ? » Il ajoute également qu’il faudrait doubler les effectifs pour être en capacité de veiller au respect des consignes dans les toilettes, le fumoir ou encore la piste, et que cela reviendrait trop cher. Hugo Kasperski souligne également l’incohérence de l’autorisation de l’ouverture des bars et non des discothèques, qui sont pour lui dans certains cas aussi confinés que les clubs : « Je suis très heureux que les bars aient rouvert, mais certaines terrasses sont bondées et certains espaces contiennent de nombreuses personnes avec parfois moins de place que dans une discothèque. Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas ouvrir aussi, ça n’a pas de sens ». David Texeira, reconnait l’importance de rester prudent car le virus circule toujours, mais précise que si la réouverture des discothèques est déclarée, elle ne peut se faire « qu’à 100 %, en rouvrant exactement comme avant ». Notamment pour la survie économique des établissements.
Si on ne rouvre pas très vite ça sera une hécatombe dans le monde de la nuit
« En Espagne ils ont rouvert les discothèques à 30% de leurs effectifs habituels. Pour moi ça représenterait par exemple à peine 60 personnes, et vu le poids des charges en France ça serait ouvrir à perte. C’est impossible ! » précise David Texeira. Si les aides économiques de l’Etat ont permis aux discothèques de suspendre certaines de leurs charges, de mettre les employés au chômage technique et de pouvoir toucher pour leur responsable une aide mensuelle de 1500 euros, aucune rentrée d’argent n’a été réalisée depuis trois mois : « Depuis le confinement, j’ai perdu à peu près entre 350 000 et 400 000 euros. Heureusement que le début d’année a été plutôt bon et que nous avions pu constituer une certaine trésorerie » explique Serge Malvau. Un chiffre d’affaires qui ne pourra jamais être compensé même si la reprise s’avérait excellente, et une fermeture qui tombe pendant une période stratégique de l’activité : « Habituellement en mai-juin nous fêtons la fin des cours et l’arrivée des beaux jours. Reprendre pendant l’été n’a rien de positif car tous les étudiants seront rentrés chez eux… » Hugo Kasperski dont la clientèle est principalement étudiante (partenariats avec des facultés) reconnait que sans un deuxième travail et la location sur évènement de sa salle qui lui permet de ne pas avoir de salariés fixes, il aurait probablement dû mettre la clé sous la porte. « Il faut vraiment que l’Etat mette en place une aide pour relancer l’activité, il en va de la survie de la profession ».
Vers une mort des discothèques ?
Pour lui, la reprise des discothèques sera longue : « Même lorsqu’on pourra enfin rouvrir, certaines personnes auront encore peur du virus et appréhenderont d’être serrées les unes contre les autres ». Il ajoute que le virus n’aura fait qu’accentuer la baisse de popularité des clubs : « Bien avant la crise du COVID-19, nous subissions déjà la concurrence avec les bars dansants. Et puis les discothèques sont souvent mal perçues, associées aux dérives de la nuit, alors que nous sommes au contraire extrêmement encadrés » explique Hugo Kasperski. Il insiste sur l’importance d’une bonne communication autour des boites de nuits qui sont pour lui réellement en danger. Mais Serge Malvau ne s’inquiète pas pour l’avenir des discothèques, pour lui rien ne remplacera jamais « une piste de danse ». En attendant l’annonce du 22 juin, tous se tiennent prêts à pouvoir accueillir de nouveau « les étudiants, qui peu importe la saison et la date de réouverture, voudront danser jusqu’au bout de la nuit et oublier cette terrible crise sanitaire ».