Quelques jours après Halloween, nous nous plongeons dans les archives de France 3 Auvergne. Sorciers, guérisseurs...quelle place avait la sorcellerie en Auvergne ? Un spécialiste nous en dit plus.
Nous nous sommes plongés dans les archives de la télévision régionale. Nous avons remonté le temps jusqu’en 1972, avec un document de l’ORTF sur la sorcellerie en Auvergne.
Dans le Sancy, une habitante indique : “Je suis d’abord catholique pratiquante. On croit en Dieu et non en la sorcellerie. Mais à côté de cela, il y a quand même des choses qui paraissent bizarres et dont on ne voudrait pas croire”. Un guérisseur apparaît à l’écran, mais n’est guère bavard. Ces archives nous renvoient au travail de Hugues Berton, président de la SEREST (Société d’étude et de recherche des survivances traditionnelles). Son association œuvre pour le collectage et la sauvegarde du patrimoine oral immatériel. Il explique : “La sorcellerie fait partie de la mémoire des anciens. Elle n’a eu ni plus ni moins de place en Auvergne que dans toute autre région de France. On considère que l’Auvergne était essentiellement rurale donc bien évidemment on parlait de sorcellerie”.
Chercher une explication à un malheur
Hugues Berton indique dans quel contexte la sorcellerie émergeait : “Lorsqu’un malheur arrivait dans les campagnes, on cherchait une cause à ce malheur. Si on n’arrivait pas à la déterminer, c’est probablement le sorcier ou la sorcière qui en était à l’origine”. Le spécialiste évoque la personnalité des sorciers : “Il y avait des sorcières et des sorciers. En milieu rural, c’est l’autre, l’étranger, celui qui vient d’ailleurs. C’est aussi celui qui exerce un métier différent. Pour les femmes, c’est celle qui ne suit pas les normes sociales, comme les femmes qui ont avorté, ou les veuves refusant de se remarier. Il y a aussi ceux qui avaient une anomalie physique, comme les borgnes, les bossus, les boiteux. A partir d’un moment où un malheur arrivait, par exemple dans une ferme, et que l’on n’identifiait pas la cause de ce malheur, on observait. Si on voyait passer une personne qu’on soupçonnait d’être un sorcier, c’était sans doute elle la responsable du mal”. Les femmes ont souvent été au centre de ces histoires de sorcellerie : “Les guérisseuses étaient considérées comme sorcières au Moyen-Age. Puis il y a eu la chasse aux hérétiques. Ensuite les femmes ont été discréditées”.
Une tradition orale
Les histoires étaient transmises lors de veillées. Hugues Berton poursuit : “Quand on était guérisseur, on ne pouvait agir que lorsqu’on avait reçu la transmission verbale. On ne pouvait pas se servir d’un grimoire avec des formules de conjuration. La transmission était absolument nécessaire. La notion de gratuité était aussi importante. Il ne fallait pas chercher à tirer profit de ce don”.
Dès le début des années 1980, Hugues Berton a entrepris un vaste travail de recueil de témoignages. Il raconte : “On a pu collecter des grimoires, avec des sorts. On a aussi trouvé une statuette d’envoûtement dans le double plancher d’une grange. Elle date de la fin du XIXe : elle représente un militaire transpercé de clous, sur les yeux, le sexe et la poitrine. On trouve plus d’objets pour guérir que des objets d’ensorcellement”.
De nos jours, la sorcellerie revêt une forme plus moderne : “On est passé du milieu rural au milieu urbain. Aujourd’hui, il y a des sorciers des villes. Ce sont des gens qui vous persuadent que vous êtes envoûté, afin de vous désenvoûter à prix d’or. Ce sont plutôt des charlatans”.
Pour en savoir plus, vous pouvez lire “Sorcellerie : objets pour guérir, objets pour maudire”, de Hugues Berton et Christelle Imbert, paru aux éditions de Borée.