Même avec le produit de la vente de son beurre de baratte, ses interminables journées de travail à la ferme et des heures supplémentaires comme serveur au restaurant du coin, Cyrille, éleveur laitier en Auvergne, n'arrive pas à vivre de ses 20 vaches. Un film documentaire dresse son portrait.
 

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Le film documentaire "Cyrille, agriculteur, 30 ans, 20 vaches, du lait, du beurre, des dettes" de Rodolphe Marconi, sort en salles mercredi 26 février, au beau milieu du Salon de l'Agriculture. Un portrait sans pathos, mais bouleversant d'un jeune éleveur laitier en Auvergne dans la crise silencieuse qui affecte l'élevage et les campagnes françaises de ce début du XXIe siècle.
Au lieu d'échafauder des plans pour l'avenir, Cyrille, réveillé à 06H00, combinaison verte et bonnet vissé sur le crâne, est comme prisonnier du passé. Il travaille tout le temps pour combler des dettes. Jusqu'à la liquidation de l'exploitation.

En immersion pendant plus de trois mois dans la ferme, le cinéaste montre les longues journées de travail du jeune homme dans une ferme presque isolée de demi-montagne située dans le Puy-de-Dôme.
"Je l'ai filmé au plus près, comme j'avais filmé Karl Lagerfeld" explique à l'AFP l'auteur du remarqué "Lagerfeld confidentiel" en 2007.
Un vêlage difficile dans l'étable, la soumission au négociant qui emporte les veaux sans même dire combien il les paiera, la mort d'une vache malade... Le documentariste ne rate aucune étape. 
Les ennuis de Cyrille viennent des dépenses engagées pour une mise aux normes des bâtiments après le départ à la retraite de sa mère, décédée depuis. La laiterie ne veut pas se déplacer pour collecter son lait, car il ne produit pas assez de volume.
Le jeune éleveur s'essaie alors aux circuits courts en allant vendre son beurre directement sur un marché voisin, pour un revenu dérisoire.
Le documentaire est d'autant plus saisissant qu'il vient juste d'être tourné, entre décembre 2018 et mars 2019. A la différence du film "Au nom de la terre" d'Edouard Bergeon, avec Guillaume Canet, qui a remporté un succès colossal l'an passé avec plus de deux millions de spectateurs. Cette fiction s'inspirait également d'une histoire vraie, mais remontant aux années 1990.
 

"Je ne voulais pas tricher"


Le documentaire de Rodolphe Marconi montre l'extrême solitude dans laquelle est plongé le jeune homme, paraissant comme inadapté à la technicité de l'agriculture actuelle et à une crise qui ne touche pas que les éleveurs proches de la retraite comme l'affirment certains experts.
Beau portrait d'homme aussi: Cyrille parle aussi bien de son amour des vaches que de son manque de moyens, ou de sa solitude. Il ne se plaint pas. La vie va comme elle peut. Ses journées commencent par un "go" lancé avant la traite, et se terminent sur un site de rencontres.
Le montage est linéaire. "Je ne voulais pas tricher", explique le réalisateur. Le spectateur comprend au passage combien il est difficile de vivre son homosexualité lorsqu'on est contraint d'habiter chez son père par manque de moyens. Et de traverser la chambre paternelle pour aller dans la sienne.

La "pureté" du personnage


Encore bouleversé par l'âpreté de l'expérience et de ce qu'il nomme la "pureté" de son personnage, le réalisateur raconte qu'il ne savait pas ce qui l'attendait lorsqu'il a proposé à Cyrille de le filmer.
Leur rencontre fortuite s'est faite sur une plage du Sud-Ouest, lors du seul court congé que le jeune agriculteur se soit jamais octroyé avec un ami.
"J'allais nager chaque matin une demi-heure sur la même plage, et j'ai vu, trois jours de suite, ce jeune homme avancer dans l'eau jusqu'aux genoux et s'arrêter", raconte le cinéaste. "Le troisième jour, je lui ai demandé pourquoi il n'allait pas plus loin. Il m'a répondu qu'il ne savait pas nager."
Aujourd'hui, Cyrille suit des formations de reconversion. Raison pour laquelle il peut difficilement participer à la promotion médiatique du film aux côtés du réalisateur. Pour Rodolphe Marconi, "ce qui est important est qu'il s'en sorte".
 
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