De mystérieux cercles dans un champ de blé : un spécialiste des crop circles décrypte le phénomène

Ce premier jour de l'été, Didier, agriculteur à Saint-Babel dans le Puy-de-Dôme, n'en croit pas ses yeux : des cercles géométriques sont dessinés dans son champ de blé. Ce phénomène, appelé crop circles, suscite des interprétations parfois farfelues. Un spécialiste du sujet décrypte ce phénomène.

C’est une histoire qui n’est pas sans rappeler le film « Signes » de M. Night Shyamalan. Mercredi 21 juin, Didier Archimbaud, agriculteur à Saint-Babel, dans le Puy-de-Dôme, a eu la surprise de découvrir des cercles géométriques tracés dans son champ de blé. Comme le rapporte la Montagne, il raconte : « C’est un journaliste qui m’a appelé en disant que j’avais des cercles dans mes champs. Je me suis rendu sur place et j’ai vu du blé écrasé en forme de cercle. C’est sur 2 à 3 000 m². Quand j’ai vu ça, j’ai ressenti du dégoût. C’est de la récolte qui est abîmée. C’était destiné à mon élevage de porcs ». Ces cercles de culture sont appelés des crop circles. Contrairement à certains qui y voient la trace d’un OVNI, l’agriculteur de Saint-Babel interprète ces cercles comme une mauvaise plaisanterie : « Pour moi c’est l’œuvre d’un petit rigolo qui s’est amusé. Depuis, il y a des curieux qui viennent sur place pour voir les cercles. Cette histoire m’embête beaucoup ». 

Des curieux attirés par le phénomène

Guy Archimbaud, maire (SE) de Saint-Babel, est le cousin de l’agriculteur. Pour lui aussi, la plaisanterie passe mal : « Ce n’est pas correct de faire cela dans un champ de blé qui était vraiment beau. Il est saccagé sur une bonne partie. Je ne sais pas qui a pu faire cela. Il y a une explication rationnelle. Il y a sûrement des choses plus utiles à faire ». Depuis quelques jours, les crop circles attirent les curieux jusqu’à Saint-Babel. Le maire raconte : « Le week-end dernier, il y a des curieux qui sont venus voir le champ et ils demandaient leur chemin dans le bourg car le champ est difficile à trouver ». Philippe Renard, habitant d’Usson, a remarqué ces crop circles de Saint-Babel à l’occasion d’un vol en ULM : « Je volais en ULM et je me suis rapproché car vu d’en haut, cela paraissait bizarre. J’ai vu ces cercles dans le champ. J’en avais déjà vu sur Internet. Ce n’est pas très grand par rapport à ce qu’on peut voir aux Etats-Unis. Je ne sais pas trop comment l’expliquer. A une époque on évoquait des extraterrestres mais j’ai lu que des gens en marchant sur des planches pouvaient produire ce genre de phénomène ». Il a réussi à prendre une photo en vol.

Un phénomène né en Angleterre

Gilles Munsch, ufologue, est le spécialiste français des crop circles. Il enquête notamment pour le GEIPAN (Groupe d'Etudes et d'Information des Phénomènes Aérospatiaux Non Identifiés). Depuis 45 ans, le GEIPAN s'efforce d'élucider les phénomènes étranges, observés dans le ciel et portés à sa connaissance. Pour Gilles Munsch, ces crop circles sont un phénomène assez répandu : « Au départ, on a constaté le phénomène uniquement en Angleterre, dans les années 80-90. Avec des amis, on s’est rendu là-bas pour enquêter. On avait prévu que ça allait faire tâche d’huile, se complexifier et se propager à d’autres pays. C’est effectivement ce qu’'il s’est passé les années suivantes. A partir de 1993, cela s’est reproduit dans de nombreux pays, en Allemagne, en France, en Hongrie. Forcément, l’information circule vite et les phénomènes étranges font école. Le foyer principal est en Angleterre ».

"C’est une réalisation assez modeste et assez médiocre"

Il porte un regard très sévère sur les cercles de Saint-Babel : « Dans ce cas, les formes sont classiques. Elles sont copiées sur beaucoup de crop circles qui existent. Ce crop circle n’a rien d’extraordinaire. Il est petit, très simple, très mal fait. Géométriquement, il a de nombreux défauts. Pour moi, c’est l’œuvre de personnes qui ont dû voir cela dans des livres ou sur YouTube. Cela leur a donné des idées mais elles ne se sont pas bien préparées. Leur technique n’est pas affutée. C’est une réalisation assez modeste et assez médiocre ». Il poursuit : « Les gens adhèrent assez facilement à toutes sortes de théories assez mystérieuses. Ils acceptent des informations sans les vérifier. Il y a des sites spécialisés qui font des élucubrations sur la symbolique. On raconte tout et n’importe quoi. A Saint-Babel, il est dit qu’il y a 3 000 m² de blé qui ont été abîmés. Mais si vous prenez tous les cercles sur la figure et que vous les mettez à l’intérieur de l’anneau, si vous calculez la surface de cet anneau, cela donne plutôt entre 300 et 400 m² ». 

"Pour moi c’est du land art"

En enquêtant pendant des années sur les crop circles, Gilles Munsch s’est longuement interrogé : « Il y a deux personnes qui prétendaient être à l’origine de ce phénomène. On n’a jamais su si c’était vraiment eux. Il est probable que ce soit parti d’une plaisanterie. Vu la réaction des médias et du public, cela s’est propagé. Il s’agit de dessins dans des champs de céréales. Ils paraissent assez curieux par leur symbolisme, leur forme, leur récurrence. Cela crée du mystère. On a étudié cela de près, car c’était rattaché au phénomène OVNI. Cela aurait été la première fois que des traces d’OVNI auraient été facilement étudiables. On a relativement vite compris que cela n’avait rien à voir avec de possibles OVNIS ou quelconque phénomène étrange. C’était le fait de la main de l’homme. Pour moi c’est du land art ». Cette archive de l’INA évoque ces deux Britanniques qui ont avoué être les auteurs des cercles de céréales par plaisanterie. 

Une méthode bien rôdée

Gilles Munsch a percé le secret de ce phénomène : « J’ai vu plusieurs centaines de crop circles. On ne s’est pas contenté de les regarder et on a cherché à comprendre comment c’était fait, à voir les défauts, à deviner la technique de réalisation. On a fait des expériences pour en faire nous-mêmes et on a compris qu’il fallait une simple méthodologie et un peu de bon sens pour le faire facilement ». Le spécialiste détaille comment agissent les plaisantins : « Au départ, c’était une sorte de plaisanterie, d’amusement de quelques personnes. Ensuite, cela a été médiatisé. Il y a eu de la concurrence entre certaines équipes, en Angleterre d’abord puis dans d’autres pays. Il n’y a pas 50 000 façons de faire des crop circles. A quelques détails près, les gens utilisent les mêmes méthodes. En Angleterre, j’ai vu des personnes qui faisaient cela avec des rouleaux de jardinier. Le plus simple se fait avec des planches, des cordes, qui permettent de faire un compas simplifié, facile à transporter. La plupart des crop circles sont faits sur la base de cercles. Il faut très peu de matériel, ce qui est utile la nuit, dans les champs car les personnes peuvent être surprises et fuir ».

Le rôle d'Internet

Internet a constitué une formidable caisse de résonance pour les interprétations les plus farfelues : « Au départ, le phénomène se cantonnait à la campagne anglaise. Il y avait juste les journaux locaux qui en parlaient. Après, cela s’est propagé en Angleterre. Avec Internet, cela s’est su et cela s’est diffusé. Cela a été la course au crop circle le plus gros, le plus complexe. C’était la surenchère en permanence. Maintenant, on a atteint une taille et une complexité qu’on ne peut pas dépasser. Le phénomène stagne ». Gilles Munsch explique les zones où l’on trouve le plus de crop circles dans l’hexagone : « En France, c’est dans le Nord-Est qu’il y en a eu le plus, dans le département de la Moselle et à la frontière franco-allemande. Il y avait des gens qui se sont amusés à faire des expériences. Puis cela s’est propagé en France mais cela n’a pas accroché comme cela a été le cas en Angleterre ». Dans quelques jours il ne restera rien de ces crop circles de Saint-Babel. En effet, l’agriculteur compte bientôt moissonner l’intégralité du champ de blé.

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