Elles sont femme de ménage, caissière et aide-soignante et nous racontent leur quotidien

A l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, nous avons donné la parole à 3 femmes qui exercent des métiers parfois peu considérés. Elles sont femme de ménage, caissière et aide-soignante, dans le Puy-de-Dôme, et ont accepté de nous parler de leur quotidien.

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Il y a un an, le premier confinement les a fait sortir de l'ombre. Nombreux sont ceux qui se sont rendu compte du rôle essentiel qu'elle jouent dans notre quotidien. A l'occasion de la journée internationale des droits des femmes, ce lundi 8 mars, nous avons donné la parole à 3 femmes. Elles sont femme de ménage, caissière et aide-soignante dans le Puy-de-Dôme. Elles ont accepté de se livrer et de parler de leur métier et de leurs contraintes.

A Aulnat, près de Clermont-Ferrand, vit Rose : elle est agent d’entretien depuis 33 ans, un métier parfois peu considéré et pourtant essentiel. Pour elle, les horaires se sont un peu assouplis, avec le COVID. Elle prend à 6 heures et finit à 14 heures, en journée continue, mais cela n’a pas toujours été le cas. A ses débuts dans le métier, Rose élevait seule sa fille en bas-âge et faisait des journées de 14 heures : « C’était difficile quand elle était petite. Maintenant elle est grande, elle est maman, mais à l’époque, j’avais besoin d’une nounou. Je l’emmenais chez la nounou très tôt le matin et je la récupérais tard le soir. Je faisais des horaires plus durs, je travaillais souvent de 6 heures du matin à 8 heures du soir. Je la voyais très peu, ma fille, finalement. On l’emmenait en pyjama et on la récupérait en pyjama le soir », raconte Rose.  

J'ai fait beaucoup d'heures dans ma vie sans gagner grand-chose

Pour subvenir aux besoins de sa fille, aujourd’hui âgée de 36 ans, Rose n’a jamais compté ses heures : « Ce n’est pas un métier qui paye beaucoup c’est sûr, mais bon, on fait avec, on se dit qu’il y a toujours pire que soi. J’ai fait beaucoup d’heures dans ma vie sans gagner grand-chose. Pour vivre correctement, c’est très difficile. Ce n’est pas facile tous les jours mais on fait avec. »

Après 10 ans de métier et une séparation, Rose a décidé de se mettre à son compte, et son affaire tourne depuis 25 ans. Pourtant, créer sa propre société de nettoyage était un pari risqué : « Au début, je ne voulais pas créer d’entreprise parce que je ne suis pas allée à l’école et c’est très difficile. Mais, quand j’ai voulu travailler toute seule, j’ai demandé à un cabinet pour qui j’avais déjà travaillé de me prendre en tant qu’employée et ils m’ont dit non, qu’ils préféraient prendre des entreprises pour qu’en cas de maladie il n’y ait pas de problème », se souvient Rose. Elle décide donc de se rendre à la Chambre des Métiers pour s’installer à son compte. Elle dirige désormais une entreprise de 7 personnes et s’occupe de l’entretien d’une cinquantaine de résidences, pour pouvoir « joindre les deux bouts ».

Ce serait normal d'avoir un peu de reconnaissance

Si elle aime son métier, Rose souhaiterait pourtant qu’il soit mieux reconnu et valorisé. Elle fait parfois face à des personnes indélicates : « Il faudrait que les gens en parlent plus, de ce métier. C’est un métier qui est un peu ingrat. Il y en a qui vont au local à poubelles, ils ont la flemme de soulever un couvercle pour mettre leur sac dans le container alors que c’est facile. Ils préfèrent le laisser par terre. Il y a souvent des petites choses comme ça, où les gens ne sont pas reconnaissants. Ils se disent : ‘Elles sont là pour ça, elles sont payées pour le faire.’ » Pourtant, elle et ses employés mettent du cœur à l’ouvrage : « J’estime qu’ils sont serviables, quand des gens passent et ont les mains prises ils leur tiennent la porte, ils leur appellent l’ascenseur. Quand on nous demande un service, on le fait gentiment. Ce serait normal d’avoir un peu de reconnaissance. »

Un métier féminin à 80%

Mais Rose ne voit pas le verre à moitié vide : son travail lui apporte parfois son lot de satisfactions : « C’est difficile, même si dans ma carrière, j’ai plutôt eu un bon rapport avec les autres. Il y a des gens qui se rendent compte de ce que c’est que de faire ce métier et qui sont gentils, après c’est vrai qu’il y en a assez peu. Par exemple, pour Noël, ce n’est pas grand-chose, mais il y en a qui nous offrent une petite boîte de chocolats. »

Si le métier reste majoritairement féminin, ces derniers temps, Rose a constaté une augmentation du nombre d’hommes qui vont souvent davantage au-devant des gens : « Je suis assez timide, les hommes et certaines femmes, ils vont plus de l’avant. Moi, ça ne m’arriverait pas d’inviter un gestionnaire d’immeuble à aller boire un café ou faire un repas d’affaires avec eux. Ça peut parfois être un handicap. Je connais des hommes dans ce milieu, ils vont boire un pot avec des clients et ça passe mieux. » Comme Rose, 2,3 millions de personnes en France exercent le métier d’agent de nettoyage en 2019, soit 8% des salariés français. Et les femmes y sont surreprésentées : 8 agents de nettoyage sur 10 sont des femmes.

Caissière, une profession où on doit composer avec les clients

Christine* quant à elle vit à Riom près de Clermont-Ferrand. Elle est caissière dans un supermarché de l’agglomération. A 58 ans, elle n’a pas toujours occupé ce poste : « Je travaille dans un supermarché depuis plus de 30 ans. J’ai commencé au rayon boucherie, puis à la charcuterie où j’ai fait une grosse partie de mes années de service, pendant plus de 20 ans. En 2012, j’ai eu des soucis de santé et j’ai dû passer en caisse ». Après des études d’agent administratif et un poste aux impôts et chez un bailleur social, elle rentre à 28 ans dans la grande distribution. Elle raconte : « Je m’imaginais bien faire une carrière aussi longue car c’est un travail que j’aimais bien. J’appréciais la mise en rayon, les commandes. A l’époque tout était fait manuellement. Au fil des années tout s’est informatisé. Je me suis toujours plu dans mon métier. Il y avait aussi une bonne équipe ».

 Le contact avec les clients me plaît, même s’il s’est détérioré au fil des années

Christine a un contrat de 36,45 heures par semaine, à temps plein. Elle touche 1 500 euros net avec son ancienneté. Elle est très attachée à son métier, même si elle a noté une évolution. « Le contact avec les clients me plaît, même s’il s’est détérioré au fil des années. Le COVID est aussi passé par là. Depuis un an, mon travail est plus difficile. On est attaché à ce que les clients nous respectent. On aime bien parler avec eux. Ils ont l’habitude de passer à nos caisses plutôt qu’à d’autres, avec une clientèle d’habitués. Mais avec le COVID, ça devient plus compliqué. Les gens sont plus angoissés, ils sont pressés de passer à la caisse et certains ne sont pas toujours sympas avec nous. J’aime le contact avec le client. Quand j’étais en charcuterie, j’ai aussi fait de la vente. Mais maintenant que j’approche de la retraite, certains clients me dérangent plus » confie-t-elle.

C’est vraiment un métier physique, même si on est assis

Cette mère de deux enfants de 39 et 35 ans avoue ne pas exercer une profession facile : « C’est un métier contraignant. On m’a mis en caisse pour que je sois plus tranquille mais c’est un métier où il y a beaucoup d’efforts à faire. Il faut exécuter des gestes répétitifs, soulever des packs d’eau, de jus de fruit. Les clients ne les laissent pas forcément dans le caddie. Je pense qu’il y a encore beaucoup de choses à faire pour améliorer notre travail. C’est vraiment un métier physique, même si on est assis. Les épaules sont très sollicitées par exemple. Quand arrive la fin de journée, je ressens une grande fatigue physique et nerveuse. Ca ne s’est pas arrangé avec les horaires compressés à cause du couvre-feu. On arrive à 9 heures, on a 1 heure pour manger et on reprend jusqu’à 18 heures. Actuellement, je suis encore plus fatiguée ».

Des horaires qui varient

Des horaires justement qui évoluent souvent. Son emploi du temps n’est pas régulier. Christine explique : « Notre emploi du temps change toutes les semaines. On a des horaires volants, sur 2 semaines. Comme je suis à temps plein, je bénéficie d’un jour de repos. Avec cet emploi du temps qui change tout le temps, il est parfois difficile de s’organiser, notamment pour prendre des rendez-vous médicaux. Mais on a des responsables qui sont arrangeants ».

Une route encore longue

En cette journée internationale des droits des femmes, Christine affirme que la route est encore longue pour les femmes : « Il faut se battre pour l’égalité homme –femme, en particulier au niveau des salaires. Il faut que les femmes soient autant reconnues que les hommes, pour leurs compétences. Il faut que les patrons reconnaissent que certaines femmes ont des enfants et qu’elles ne doivent pas être sanctionnées pour s’occuper d’eux. Les enfants sont une priorité. En 30 ans de carrière, j’ai vu des choses évoluer pour les femmes. Mais il reste, je pense, encore beaucoup de travail ». Elle ajoute : «  Le 8 mars n’est pas une journée-gadget. J’ai toujours trouvé que c’était une journée exceptionnelle. Je ne dirais pas forcément que je suis féministe. Mais je suis attachée à la défense des droits et des libertés des femmes. Quand j’ai élevé ma fille, j’ai essayé de lui inculquer certaines valeurs. Elle a su grandir sans se laisser influencer. Elle a réussi à se faire respecter dans sa vie et à son travail ». Se faire respecter dans sa vie et son travail, c’est aussi l’objectif que mène Christine au quotidien. Désormais, la quinquagénaire pense à sa retraite prochaine, dans 3 ans, et espère pouvoir profiter un peu plus de ses petits-enfants.

Aide-soignante, un métier contraignant

Laure est aide-soignante au CHU de Clermont-Ferrand. Depuis 2008, elle est auprès des patients, tantôt dans des établissements privés, tantôt dans le public. Elle élève seule sa fille de 5 ans, et fait bien souvent des journées à rallonge : « J’ai eu des horaires de jour, de 6h15 à 20 heures avec 3 heures de pause, j’ai fait du domicile, j’ai travaillé de nuit en maison de retraite, de 20h15 à 6h15. J’ai travaillé en 12 heures, j’ai fait le matin, le soir, les transversales. Selon les établissements, le rythme change du tout au tout. En plus, souvent, pendant les coupures, on s’avance. On ne se repose pas autant qu’on voudrait. » Un cumul de fatigue qui pèse sur le moral et la vie de famille. Avec les enfants, il y a des choses qu’on « loupe », pris par ce rythme : « On m’a beaucoup reproché de vivre pour l’hôpital », regrette Laure.

Une vie de famille en pointillés

En tant qu’aide-soignante, concilier vie professionnelle et vie de maman a parfois été un parcours du combattant pour Laure : « Bien souvent quand on a un enfant et qu’on est célibataire, on n’a pas de solution. Il y a la crèche de l’hôpital, mais c’est en journée. Quand on fait des horaires de nuit, on est coincés. Je ne suis pas la plus à plaindre parce que j’ai ma mère qui s’en occupe. Parfois, on m’a même refusé des jours enfant malade en raison de la continuité des soins et quand ça arrive, c’est très compliqué. On travaille jour, nuit, férié, week-end, Noël… n’importe quand. »

On s’abime le dos

La fatigue physique vient également se mêler au quotidien : « En 2010 par exemple, j’avais 39 patients à gérer et on était 2 aides-soignantes. On devait les laver, les faire déjeuner et les habiller en 4 heures. Humainement ce n’est pas possible donc qu’on ait un patient de 120 kilos ou de 50 kilos, on est obligées de travailler à la même vitesse. On a des lève-malade pour nous aider mais le temps d’aller le chercher, le brancher, l’utiliser, c’est l’équivalent de 5 toilettes. Du coup, on le fait sans et on s’abime le dos », raconte Laure. Dans le dernier service où Laure a travaillé, plusieurs de ses collègues aides-soignantes ont été victimes d’accidents du travail liés à ces efforts, selon elle.

Jusqu'à 40 heures supplémentaires en un mois

Financièrement, en tant que maman célibataire, Laure est également obligée de cumuler les heures supplémentaires pour joindre les deux bouts : « J’en ai fait beaucoup. Quand on a des factures à payer, on le fait, même si physiquement et mentalement c’est dur parfois. Si on était payées à la hauteur de ce qui devrait être, on ne serait pas obligées de faire autant d’heures. »  Laure nous explique qu'il lui est arrivé de faire 40 heures en plus dans le mois. Selon l’observatoire des inégalités, les femmes représentent 90% des aides-soignants en France.  

*le prénom a été changé

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