Thibaut et sa femme Amandine, après avoir longtemps été salariés dans le Puy-de-Dôme, ont changé de vie. Désormais, ils élèvent des porcs en plein air en Haute-Loire. Un changement radical qu’ils ne regrettent pour rien au monde.
Changer de vie, certains en rêvent mais peu d’entre eux franchissent le pas. Thibaut et sa femme Amandine ont fait le grand saut, mais après avoir longuement réfléchi. Aujourd’hui, ils possèdent une ferme à Vergongheon en Haute-Loire, où ils élèvent des porcs et des poules en plein air. Thibaut Crozatier, âgé de 35 ans, raconte : « Depuis 2013, j’étais double actif. J’avais l’activité de la ferme plus un travail de salarié à côté, chez Constellium à Issoire, où j’étais opérateur de production. Je suis passionné par l’agriculture depuis ma petite enfance. Mes arrière-grands-parents et grands-parents étaient agriculteurs, travaillaient la terre et élevaient des bêtes. Cela faisait quelques années que je réfléchissais à être en activité principale sur l’exploitation. Il y a deux ans, j’ai lancé le projet pour avoir une activité principale suffisante. Il y a des journées où je dormais deux heures par nuit. Au bout d’un moment, il fallait prendre une décision et se lancer. Je ne pouvais pas continuer à être double actif ».
Cela apporte une viande de qualité car elle est très musclée et très marquée en goût
Thibaut a bénéficié d’un plan de départ chez Constellium et a finalement quitté son emploi en juillet dernier. « Mon épouse était responsable d’exploitation dans une entreprise de transport. Elle a quitté son emploi en 2020 » indique l’agriculteur. Aujourd’hui, Thibaut a fait le pari de l’élevage de porcs : « Nous élevons des porcs en plein air dans des bois de chênes. Ils sont exclusivement élevés dans les bois et vivent comme des sangliers. Cela apporte une viande de qualité car elle est très musclée et très marquée en goût. On leur apporte un complément de céréales. Toute la journée, ils cherchent la nourriture dans la terre, mangent des glands et des feuilles. Cela apporte une qualité de viande et un bien-être pour l’animal. Nos bêtes sont exclusivement dehors ».
Présent en vente directe et sur les marchés
Il possède 150 cochons qui vivent au milieu d’arbres centenaires. Thibaut explique : « On abat les porcs au moment où ils sont prêts, selon nous. On ne met pas une date buttoir. On estime que si l’animal n’est pas prêt, on lui laisse encore du temps. On peut aller de 12 mois à 16 mois environ. On s’adapte au rythme de l’animal ». Avec sa femme, l’agriculteur produit de la charcuterie et leurs produits ont vite trouvé leur public : « On vend notre production en direct sur les marchés. On est à Ménétrol, Lempdes, Aulnat, Cournon-d’Auvergne et Clermont-Ferrand. On est aussi au Locavor d’Issoire. On fait aussi des livraisons à domicile et on travaille avec des restaurateurs ».
C’est un projet pour lequel j’ai beaucoup réfléchi, pendant plusieurs années
Mais avant de renoncer à la stabilité de son emploi, Thibaut a beaucoup réfléchi : « J’ai hésité longuement. C’est un projet pour lequel j’ai beaucoup réfléchi, pendant plusieurs années. C’est aussi un changement de vie pour la famille car on passe de la sécurité d’un emploi en CDI à être son propre patron, on est obligé de faire tourner l’entreprise. J’ai l’agriculture dans le sang. Je suis arrivé à un âge où je pense qu’il faut faire ce qu’on aime ». Aujourd’hui, malgré un emploi du temps bien chargé, il profite davantage de ses deux enfants : « Nos enfants sont plutôt fiers. Je ne les voyais pas beaucoup, quand je faisais les 3-8 plus la ferme. Je les voyais peut-être une heure par jour et encore. Même si on travaille beaucoup aujourd’hui, ils sont contents de nous voir beaucoup plus ».
Des journées bien remplies
« Une journée commence très tôt le matin. On commence par s’occuper des animaux, les nourrir, les soigner si besoin. On entretient les clôtures parce que les cochons sont des animaux très actifs et qui détruisent beaucoup. Tous les jours, il faut reprendre les clôtures pour être sûr qu’il n’y ait pas un souci avec. Suivant les saisons, il faut faire les foins, semer les champs, travailler la terre. Il y a aussi les marchés à préparer, des commandes. La journée débute à 6 heures le matin et finit tard, selon la saison » souligne l’éleveur.
Il faut faire un métier pour le plaisir
Quand on aborde la question de la rémunération, Thibaut répond immédiatement : « Pour l’instant, ce n’est que le début mais on vit de notre travail. L’argent ne fait pas tout. Je sais bien qu’on ne travaille pas pour la gloire mais la vie ce n’est pas que les revenus financiers. C’est autre chose. C’est bien de gagner sa vie mais si on ne vit pas et si on ne profite pas, cela ne sert à rien. Il faut faire un métier pour le plaisir ». L’agriculteur savoure le temps passé avec ses bêtes et au milieu de la nature : « Il y a deux choses qui me plaisent beaucoup et j’aurais du mal à choisir. C’est le relationnel avec les animaux qui me plaît. Tous les jours j’ai un rapport particulier avec mes bêtes. J’attache aussi de l’importance au travail de la terre. J’essaie de respecter la nature. Mes arrière-grands-parents et grands-parents ont toujours travaillé la terre ».
Le choix de Vergongheon
Il n’a pas choisi la Haute-Loire par hasard : « Je suis né à Vergongheon et j’y ai toujours vécu. Je voulais absolument rester ici, sachant qu’on est la dernière ferme de la commune. C’était aussi important de rester ici car c’est le village de mes ancêtres. Il y avait ces bois de chênes qui se prêtaient bien à notre projet d’élevage de porcs en plein air. Il y a ici des arbres centenaires et d’autres encore plus vieux. C’est une vielle forêt. Mes arrière-grands-parents et grands-parents faisaient déjà pâturer leurs bêtes non loin des forêts ». Thibaut est heureux d’avoir pu concilier certaines valeurs avec son travail : « Ce retour à la terre est très important. On revient à la base, avec le respect des animaux et de la nature. En même temps, on permet à nos enfants de manger des produits de qualité. On comprend que si on ne prend pas soin de la nature, elle ne nous respectera pas. C’est un message très fort qu’on leur transmet. On travaille en prenant le temps et non pas en faisant de la quantité. On privilégie la qualité ».
La vie est tellement courte qu’il faut oser
Un temps inquiets, les anciens collègues de Constellium sont en partie rassurés : « Mes anciens collègues sont contents pour moi. Ils étaient un peu anxieux pour nous. Nos amis avaient peur que cela ne fonctionne pas. Aujourd’hui ils sont fiers de notre parcours ». Après s’être lancé, Thibaut ne ferait machine arrière pour rien au monde : « Je ne regrette pas mon choix. Il fallait le faire. Il vaut mieux cela que le regret de ne pas l’avoir fait. Je pense qu’il faut faire ce qu’on aime, si on veut être bien dans son métier. Il faut se lancer. Si ça marche ou pas, on peut se dire qu’on n’aura pas de regrets et qu’on l’a fait. On sait quand c’est le moment de franchir le pas. La vie est tellement courte qu’il faut oser. Ce n’est pas forcément facile mais un métier passion c’est quand même beaucoup mieux ». Aujourd’hui, Thibaut et Amandine savourent le plaisir de travailler ensemble dans un univers qui leur plaît. Ils ont choisi de donner le nom de « Là Fermà Cotsou » à leur exploitation, ce qui signifie « La ferme des cochons » en patois auvergnat.