On pense, parfois à tort, que les communes rurales se tournent massivement vers Marine Le Pen. Dans le nord du Puy de Dôme, à Sainte-Christine, petit village des Combrailles, le président sortant a été choisi dimanche à plus de 70%. C’est l’un des meilleurs scores du département. Rencontre avec des électeurs.
Petite commune rurale des Combrailles, Sainte Christine, 135 habitants, respire la tranquillité. De jolies maisons de pays rénovées ou en cours de rénovation. Par ici un chien qui aboie, par là un chat qui part se cacher des inconnus. De temps en temps, le moteur d’une voiture vient interrompre le concert des oiseaux, particulièrement actifs en ce matin de printemps où le soleil domine. Voici un village, sans plus aucun commerce, dans une campagne éloignée des grands axes et des grandes villes mais qui reste largement fidèle à Emmanuel Macron. 68 voix pour le président sortant, contre 25 à Marine Le Pen.
Monique vit au bout du village, près de l’église et du monument aux morts. Elle a plus de 80 ans, elle est venue se rapprocher de sa fille qui vit dans la maison d’à côté. Elle apparaît à sa fenêtre. Oui, elle a voté car c’est un devoir. « Moi, personnellement, je préférais que Macron ressorte plutôt que la Marine. Toutes ces promesses, ce n’est pas la première fois qu’elle en fait des comme ça ! », lâche-t-elle d’une voix calme. « C’est beau de penser à elle mais faudrait qu’elle pense aux jeunes et aux vieux qui sont bien oubliés ! »
Exception
Sainte-Christine, où l'on a voté comme en 2017, fait presque figure d'exception. Sur les 34 communes du pays de Saint Eloi-les-Mines, une seule avait choisi Marine Le Pen il y a cinq ans. Elles étaient 23 ce dimanche 24 avril 2022 pour le second tour de la présidentielle.
Jacques Thomas en est à son troisième mandat de maire. Il est agriculteur bio. Sans étiquette mais tendance de gauche. Jamais il ne voterait pour le Rassemblement national. Et si son village échappe à la fronde des campagnes, c’est peut-être parce que le lien entre les habitants est encore fort ici. Qu’on échappe un peu aux problèmes du pouvoir d’achat car chacun a son jardin. Qu’il y a quelques ouvriers qui travaillent dans les usines des Ancizes ou de Saint-Eloi-les-Mines. Le village en fait a toujours eu une fibre de gauche. « Je me félicite quand même du résultat sur ma commune », annonce-t-il. « Nous avons des jeunes qui travaillent quand même dans le social. Ils ne veulent peut-être pas perdre ces acquis. Et puis concernant les anciens, leurs parents ont connu la guerre. Peut-être que les gens réfléchissent encore un peu. »
Solidarité et entraide
Au fond d’une cour, le reflet de Jean-Michel apparaît dans la grande baie vitrée. C’est une ancienne grange qui a appartenu à son grand-père. Et son arrière-grand-père encore avant. Il la rénove avec soin. Cet ancien professeur à Montluçon est revenu pour la retraite il y a cinq ans dans le village dont il est natif. Lui aussi a voté Macron au second tour. « Je suis enseignant. Je suis plutôt à l’opposé de l’extrême-droite. » La solidarité et l’entraide encore très présentes à Sainte-Christine, il confirme, voilà ce qui explique qu’ici on ne se laisse pas séduire par les idées du Rassemblement national. « Il y a une fierté de dire qu’on reste dans le social dans ce village-là ! », confie-t-il.
Mais au premier tour, Jean-Michel le reconnaît, il avait choisi un autre candidat qu’Emmanuel Macron. Un candidat « mieux placé pour le social ». Au second tour, il a surtout fait barrage à Marine Le Pen.
Comme d’autres habitants de Saint-Christine, croisés au pied des maisons. L’un avouera avoir voté Macron, sans gaieté de cœur, au second tour et une autre s’est laissé porter par le vote blanc. Ni Macron, Ni Le Pen. Le vote contestataire existe quand même aussi à Sainte-Christine.