Ma vie de confiné dans un EHPAD du Puy-de-Dôme : «J'ai eu peur de devenir folle »

Confinés pour être protégés du coronavirus, les résidents des Ehpad ne peuvent plus sortir de leur chambre. A la Résidence Gautier de Beauregard-l'Evêque, dans le Puy-de-Dôme, il en est ainsi depuis le 24 mars dernier. Cloîtrés certes, mais pas désespérés, ils nous racontent leur quotidien.
 

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A Beauregard-l'Evêque (Puy-de-Dôme), dans son journal de bord, publié sur son site internet pour informer les familles, la résidence Gautier s'enorgueillit chaque jour de n'avoir pas à déplorer de cas de Covid-19. Il y a là 74 lits, tous occupés par des résidents claquemurés dans leur chambre depuis le 24 mars dernier. Moyenne d'âge: 89 ans. La doyenne de tous, sera à l'automne prochain, centenaire. Qui sont ces résidents pris, eux aussi, en otage par la pandémie ? Comment traversent-ils cette épreuve de la vie qui bouscule aussi leurs habitudes dans leur quotidien ? Quelles sont leurs inquiétudes, leurs doutes et leurs espoirs ? 

Adrienne, 96 ans : son passé comme rempart du présent


Le mois prochain, Adrienne aura 97 ans. Assise dans son fauteuil, elle regarde droit dans les yeux. Elle entend et comprend tout. Parfois, sa voix est celle d'une enfant qu'on veut prendre dans ses bras pour la rassurer de ses peurs ou pour la consoler du chagrin. Adrienne bouleverse par la vérité et la bonté qui s'échappent de ses mots lancés à fleur de peau, et qui frappent en plein cœur, et qui donnent envie de pleurer.

« Faire travailler le cerveau pour ne pas perdre la tête »


Adrienne dit d'abord qu'elle va « toujours bien ». Puis, elle s'explique. « Je fais travailler mon esprit. J'ai une grande famille ». On comprend alors qu'Adrienne passe en revue tous les siens en essayant d'en oublier aucun. Bref, en somme, Adrienne fait, tous les jours, de branche en branche, de la gymnastique cérébrale sur son arbre généalogique. Cette discipline serait donc la clé de sa bonne santé. Adrienne raconte : « Chaque jour,  je passe d'une famille à une autre, enfants, petits-enfants, parents, grands-parents. Si vous ne faites pas travailler votre cerveau, vous perdez la tête et c'est tout ce dont j'ai peur. C'est mon système à moi et cela marche jusqu'à présent ».

Le passé : un refuge contre le présent


Alors Adrienne convoque sa mémoire, le passé émerge et devient un refuge plus rassurant que le présent et le futur. « Ce n'est pas marrant de rester avec ses souvenirs, mais quand on est confinés, il faut bien faire quelque chose. A cause de l'enfermement, j'ai eu peur de devenir folle. Mais maintenant, ça va, je m'en suis sortie ». Adrienne a apprivoisé ses angoisses mais elles ne sont jamais trop loin. Parfois, sa voix trébuche sur les dernières syllabes, étouffées par une trop grande émotion. D'instinct, on a envie d'y aller là-bas, de pousser la porte de sa chambre et de la prendre dans les bras, la serrer doucement contre soi. Adrienne a 96 ans. Comme beaucoup d'aînés, elle est une source d'inspiration et doit être considérée avec le plus grand des respects. Les personnels autour d'elle l'enveloppent. Ils font bien.

Le 11 mai, Adrienne sera-t-elle déconfinée ?


A partir du 11 mai prochain, soit une semaine avant son anniversaire, le déconfinement progressif aura aussi, peut-être, bien lieu dans cette maison de retraite. Un petit cadeau pour Adrienne qu'elle pourrait ainsi partager avec  toutes ses voisines. « Les repas, les animations, tout se fera étage par étage, mais d'ici-là, il peut encore s'en passer des choses » annonce prudemment Christèle Aubert, la directrice de l'Ehpad.. Adrienne ne serait pas la dernière à bouder ce plaisir. « J'ai connu la guerre mais là c'est une autre guerre. Et je ne connais pas ça » dit-elle. Ca, c'est l'isolement. « C'est excessif de nous maintenir isolés dans la chambre, il faut le subir, car ce n'est pas drôle de rester loin de tous ses proches, on ne peut pas se voir et ça, ça compte ! ». Aucun mot ne peut la contredire.

« Si vous pouvez faire quelque chose, je vous le demande »


Avant cette crise sanitaire, ce « Grand Confinement », Adrienne avait ses habitudes derrière son déambulateur.  « Avec mes filles, je sortais m'asseoir sur le banc. Je retrouvais des dames pour parler et là, on ne voit rien et on n'entend rien. Je ne suis pas une grande causeuse mais il faut avoir des rapports avec les autres. Si vous pouvez faire quelque chose, je vous le demande ! », implore-t-elle. Las, son appel est une bouteille jetée à la mer dans un océan en proie à tous les courants. D'autant que pour l'heure, « premiers confinés, derniers déconfinés », tel est le cap fixé par la directrice de l'établissement. Christèle Aubert, un brin désarmée, avait bien pensé à renforcer ses équipes pour améliorer le quotidien des soixante-quatorze résidents. « Si j'avais pu, je l'aurais fait, croyez-moi. Mais on en est à remplacer les remplaçants des remplaçants ! », déplore-t-elle avant de hausser le ton contre ces salariés qu'elle ne revoit plus du jour au lendemain, qui partent sans même donner de nouvelles: « J'ai à faire à des ''marionnettes'', un petit tour et puis s'en va ! ».
Dans cet établissement, une aide-soignante en début de carrière touche 1750 euros net/ mois quand une infirmière est rémunérée 200 euros net, de plus. « Ce n'est pas une question de reconnaissance, c'est une question de volonté, d'avoir envie de travailler, et de savoir-vivre, vous trouvez normal que l'on doive appeler pour savoir si une telle ou une autre va revenir le lendemain ?» fulmine-t-elle.

Heureusement, Adrienne se tient loin de cette colère souterraine. Elle ignore tout de ce secteur d'activité en tension et il vaut mieux pour elle. Elle n'a tellement pas besoin de ça. D'ailleurs, voilà Séverine, aide-soignante, sourire masqué, qui apporte le plateau-repas. Une parenthèse d'humanité à laquelle Adrienne s'accroche. Cloîtrée certes mais pleine de courage et d'espérance malgré tout.
 

Christiane, du mouvement perpétuel à la claustration
 

Sur son site internet, la Résidence Gautier actualise chaque semaine son journal interne.
Aujourd'hui, par exemple, on peut y lire qu'après un mois de confinement, « Les résidents vont plutôt pas mal, ils gardent le moral et le personnel en cuisine ravit les papilles de nos aînés ». Justement, jetons un coup œil sur le menu de midi concocté par le chef de la ''maison'': canard aux pêches accompagné d'un gratin dauphinois, une laitue maïs et thon, poire au chocolat, vin rouge ou rosé. Ma foi, voilà la promesse d'une bonne sieste !

La guerre d'Algérie, l'école de l'acceptation


Christiane, 81 ans, ne dit pas le contraire. Elle est ici bien soignée. Elle qui est arrivée il y a deux ans depuis Toulon (Var) pour que sa fille, habitante de Mezel (Puy-de-Dôme), puisse la voir plus régulièrement. Christiane est paralysée mais elle dit que, « grâce au personnel qui a été fort, elle commence à remarcher. Alors je me dis que, parfois, il y a des miracles et j'espère qu'il y en aura un autre ». Un autre miracle ? Lequel ?
« Mon souhait est que tout cela dure le moins longtemps possible, que les gens revivent heureux et que cela serve de leçon pour faire moins de bêtises et pour protéger la Terre » L'optimiste de Christiane n'est pas feint, et les épreuves de sa vie ne l'ont, en rien, altéré. « Vous savez, je suis née en Algérie, j'ai vécu la guerre, j'avais 23 ans, j'étais maman de deux filles de 4 ans et de 10 mois et il a fallu partir. Sans provisions, se débrouiller, cela donne du courage et des envies de faire des choses. Depuis, je prends la vie avec philosophie et je vis cette épreuve comme quelque chose qui nous tombe du ciel mais qu'il faut accepter le mieux possible. Le gens, quand ils sont trop gâtés et qu'il leur arrive une catastrophe pareille, ils sont complètement perdus. »
 

Ca déménage !


Perdue, Christiane aurait eu dans sa vie plus d'une raison de l'être après des années d'errance à travers toute la France et d'autres pays quand il s'agissait de suivre, pour des motifs professionnels, son mari. « On a déménagé à vingt-cinq reprises, je suis la reine des cartons ! , s'autoproclame-t-elle avec une bonne dose d'autodérision. Une vie de valises, de mouvements et d'adaptations permanentes et aujourd'hui, la claustration par la force des choses. « Cela ne me dérange pas du tout, je regarde la télé, je tricote, je lis et à nos âges qu'est-ce que voulez qu'on fasse d'autre ? » Christiane déconfine l'idée d'un enfermement pénible. Son détachement, c'est, pour elle, « la seule façon de survivre, il y a tellement de décès, et je me dis qu'on a de la chance de ne pas être malade ».

Restaurant et vin rosé


Chaque dimanche, les résidents comme Christiane ont droit à leur petit apéro. Un rendez-vous ritualisé qui vient égayer l'isolement dans les chambres. A ce propos, Christiane sait déjà ce qu'elle fera quand l'heure du déconfinement sonnera. Avec ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, « On se fera un bon restaurant, et  puis moi,  je boirai beaucoup de vin rosé, bien frais ! » en sourit-elle à l'idée de cet instant qui semble, pour tout le monde, appartenir déjà à une époque lointaine.
 

 



Charles, 88 ans : un «rossignol» dans le couloir


C'était juste avant le déjeuner. Charles était assis à côté de son lit. Il attendait patiemment le repas qui lui est apporté par le personnel soignant, à midi pétante. Comme tous les jours, depuis trois semaines, c'est en tête-à-tête avec lui-même qu'il allait savourer la cuisine du chef. Au menu du jour : saumon fumé, filet de lieu noir, épinards à la crème, fromage, compote. Le tout arrosé d'un bon vin rouge. Bref, tout pour que Charles, comme les autres, ne perde rien de son sourire. Charles est bien loti, il le sait. Pas de quoi lui couper l'appétit de vivre, loin de là. « Je fais ma gym sur mon lit, je regarde la télé, je lis, les enfants me téléphonent, il y a plus malheureux que moi ! » s'enthousiasme-t-il.

« On a appris à vivre de peu »


Voilà trois ans que Charles est entré dans cette maison de retraite. Il avoue qu'il « ne croyait pas vivre ça un jour ». Lui qui avait 7 ans quand éclate la seconde guerre mondiale. « J'ai connu l'occupation allemande, j'étais enfant, mais je me souviens des privations quand les Allemands prenaient tout. Là, on a appris à vivre de peu » raconte-t-il. Alors, le coronavirus ne l'impressionne pas outre mesure. « Je ne suis pas spécialement inquiet, je ne voudrais seulement pas qu'il arrive ici, c'est tout ». Comme nombre de résidents dans cet Ehpad, Charles est porteur de plusieurs pathologies. Il a « une pile pour le cœur » mais la maladie qui l'invalide le plus, c'est la silicose. Une vie de mineurs. Ses poumons en portent les stigmates. Mais pour autant, son accent chantant cache difficilement ses talents au service de la bonne humeur qu'il répand au sein de l'établissement.

« Une fille de roi, enfermée nuit et jour, elle pleurait toujours... »


« Avant le  confinement, tous les jours, dans la salle à manger, je sortais mon répertoire de chanson et je chantais devant les résidents. Et aujourd'hui, je continue. Chaque jour, après le déjeuner, devant ma porte et dans le couloir, je chante toujours pour le personnel et pour mes voisins » s'en amuse-t-il avec une certaine gourmandise. Ce jour-là, Charles jette son dévolu sur Luis Mariano et le « Rossignol ». Il s'époumone avant l'heure : « Il était une fois, une fille de roi, au cœur plein de tristesse, enfermée nuit et jour au sommet d'une tour, elle pleurait toujours. Un jour prenant son vol, un gentil rossignol, vint dire à la princesse, je t'apporte l'espoir et c'est pour le revoir qu'elle chantait le soir... ». L'après-midi à sa porte et le soir à sa fenêtre, Charles apporte aussi, à sa façon, l'espoir. « J'ai fabriqué un panneau en bois sur lequel  j'ai écrit ''Honneur au personnel'' et je le suspends dehors sur le rebord de la baie vitrée. Toutes les personnes ici sont tellement gentilles avec tout le monde ». Demain quand reviendra le temps des sorties sans crainte ni risque, Charles sera le premier dehors. Il dit : « ne plus pouvoir sortir, faire un tour dans le parc, ça me manque ».
 



Au repos forcé, Robert : « Le covid-19, je ne m'en fais pas des cheveux blancs ! »



A la Résidence Gautier, c'est jour de livraison. Depuis le début du confinement, une fois par semaine, le 92ème Régiment d'Infanterie de Clermont-Ferrand apporte les six cents masques nécessaires à l'ensemble du personnel. Ici, les gestes barrière ne datent pas d'aujourd'hui. Chaque année, en période de grippe, les masques y sont obligatoires. Depuis sa chambre, Robert, 88 ans, n'assiste pas à ce « ravitaillement » particulier. Le théâtre de la vie lui manque d'ailleurs. Mais il parvient à relativiser les circonstances qui l'obligent, lui comme ses voisins, à rester entre quatre murs.

« La soupe est bonne ! »


De prime abord, ce qui chagrine le plus Robert, c'est sa montre. « Ma pile a rendu l'âme », répond-il sans détour, quand on lui demande « Comment ça va ? ». Alors, on est en droit de se dire que si la pile d'une montre est un problème pour lui, c'est qu'il ne doit pas aller si mal que ça, Robert. Ses mots corroborent cette impression passagère: « Je dors bien. Entre 21h et 6h30, il n'y a plus de bonhomme ! L'appétit, ça marche aussi, j'ai pris deux kilos depuis le confinement. La soupe est bonne, il y a la quantité et la qualité ». Si Robert a pris de l'embonpoint, c'est aussi parce que l'activité physique s'est beaucoup réduite. Les quatre repas quotidiens se prennent tous en chambre. « Le fait d'être ''encabané'', c'est tout un problème, surtout pour moi qui avais l'habitude de sortir. Là, ceinture ! », regrette l'octogénaire.

Néanmoins, selon leurs capacités à se mouvoir et selon leurs pathologies, infirmiers et animateurs accompagnent les résidents, les uns après les autres, soit dans le couloir de l'établissement ou soit dans le jardin. Mais pour chacun d'entre eux, pas plus d'un quart d'heure montre en main. L'enjeu sanitaire pour les soignants, c'est le maintien, autant que faire se peut, de l'autonomie. Et la marche en est le stimulant majeur. Alors, même un quart d'heure, en avant et marche !
 

Dans sa vie, « des choses bien plus importantes que le Covid-19 »


Robert est originaire de St-Victor-Montvianeix (Puy-de-Dôme) et de là où il se trouve à présent, sa montagne thiernoise doit lui sembler bien loin. Pour rompre l'isolement, ses enfants, ses amis l'appellent tous les jours, souvent même, plusieurs fois par jour. Le téléphone reste un bon antidote à la solitude. Quant au covid-19, il semble être lui le cadet de ses soucis. « Qu'est-ce que vous voulez qu'il m'inquiète ? J'y pense un peu tous les jours, mais je ne m'en fais pas des cheveux blancs ! Dans ma vie, il y a eu bien des choses plus importantes, comme le décès de ma femme, il y a dix ans. Cela, oui, c'était plus important ! » ,avoue-t-il.
Chaque jour, Robert voit défiler le personnel dans sa chambre. Des visages, d'hommes et de femmes derrière des masques verts. Il semble prendre son mal en patience et sans crainte, aucune. « Je me sens en sécurité, il n'y a pas de raison » conclut ce bon vivant, sous le regard approbateur d'Annette, infirmière coordinatrice, pour qui «chaque jour est un jour de gagné ».
 
 

André, autrefois, confiné sous terre


Ce matin, la maison de retraite a accueilli un nouveau résident. Un patient fraîchement sorti de l'hôpital. Mais contrairement aux habitudes et par mesure de sécurité, la résidence Gautier avait exigé que lui soit effectué, au préalable, un test covid-19. Le test s'étant révélé négatif, l'Ehpad lui a donc ouvert les portes de la dernière chambre disponible. Mais avant de faire connaissance avec ses voisins, l'homme devra encore attendre.

A 14 ans, au fond de la mine


Ce que fait André. André attend sagement. A 94 ans, voilà déjà deux ans, qu'il est pensionnaire dans cet établissement. Il se définit comme quelqu'un « de bien élevé par sa mère », et comme « un fidèle croyant », aussi. Il prie d'ailleurs « deux fois par jour, le matin et le soir. Des prières bien plus profondes que Notre Père et Je vous Salue Marie » selon ses dires.
Les profondeurs,  André peut en parler des heures et des heures. De celles qui le plongeaient dans la nuit quand dehors il faisait grand jour. Quand dès l'âge de 14 ans, le certificat d'études en poche depuis la veille, il fut envoyé tout au fond de la mine, à 515 mètres sous terre. « Avec mon âne Papillon, j'étais charretier. On tirait les berlines de charbon depuis l'extraction jusqu'au puits pour le faire remonter à la surface. On était bien copains tous les deux,  je lui donnais des trognons de pommes. Et puis, un jour, ce pauvre bourricot est mort par asphyxie ».

La houille, ce mal souterrain


Comme son père d'abord et son frère ensuite, mort dans ses bras. Destin ordinaire de ces mineurs terrassés, tôt ou tard, par la silicose. Maladie dont André est épargné par miracle, comme il est tout autant rescapé d'une sombre catastrophe survenue en mai 1952, à Frugères-les-Mines (Haute-Loire), à 620 mètres de profondeur. André s'en souvient comme si c'était hier : « Un dégagement instantané de gaz carbonique a provoqué un éboulement. Le gaz s'est répandu dans les galeries, il y a eu 12 morts. Mon camarade et mon chef sont décédés sous mes yeux et moi, j'ai survécu. Je jouais au foot, j'avais une bonne condition physique, ça m'a sauvé ».
Sauvé mais marqué à jamais par cette tragédie souterraine. Si bien que depuis ce jour, André n'a plus jamais voulu y retourner, tout au fond. Dans ce confinement qui aura duré plus de dix ans, à raison de huit heures par jour minimum, dans le noir et la touffeur, avec le courage et le sens du devoir chevillés au corps pour seul arme. « Vous savez, j'étais en contact avec le mal, la houille, les poussières de charbon, et aujourd'hui, ce mal, on ne le voit pas, je lis tous les ravages qu'il fait mais je pense qu'ici, on se défend bien, car on n'a pas de cas ? » interrogent ses yeux tournés vers Annette, l'infirmière, qui acquiesce.

« Ma femme me manque »


Si le personnel est prévenant, André peut aussi compter sur son épouse, arrivée en même que lui dans cette maison de retraite. André et Jeanine sont inséparables. Aujourd'hui encore, ils poursuivent leur vie commune inoxydable, quatre-vingts ans après les premiers émois de l'adolescence. André raconte: « C'était la fille du boulanger. Quand elle est arrivée dans le village, mon copain m'a dit : ''Tu as vu ? Elle est chouette !'' Cela, c'est bien ancré dans le ciboulot ! Il y a eu un grand coup d'éclair et on ne s'est jamais plus quittés ». Jeanine vit au-dessus de la chambre d'André. Il aime à penser qu'elle veille sur lui. « Elle me manque. Grâce à la tablette, je vais la voir tout à l'heure et ça me fait du bien, mais c'est dur. Je lui dis de tenir le coup, qu'on est bien soignés et que chacun doit mettre du sien si on veut arriver au bout ».
 
 

 

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