Parler d’écologie et alerter sur l’urgence climatique avec humour sur les réseaux sociaux : c'est le crédo d'un jeune Nîmois engagé pour la planète. Résolument optimiste, Johan Reboul s'est glissé dans les coulisses de la COP 28 à Dubaï dans l'espoir d'y entendre "des décisions un peu plus ambitieuses pour nous sortir de la catastrophe annoncée !"
Ils ont fait le voyage en train et en stop. Parti fin septembre 2023 vers l'Inde avec Victoria Guillomon, réalisatrice et militante écologiste pour tourner un film documentaire sur le sujet de l’eau durant six mois dans le pays le plus peuplé du monde, Johan Reboul a fait un crochet par Dubaï, afin de participer à la COP 28.
À 23 ans, ce Nîmois qui vient de terminer ses études de sciences politiques est suivi par quelque 100 000 personnes sur ses réseaux sociaux où il parle d’écologie, en mêlant humour et messages de sensibilisation. Sur Internet, il est connu sous le pseudonyme "Le Jeune Engagé" et se définit lui-même sur Instagram comme "un influenceur en carton (recyclé)".
Après avoir traversé l'Europe, la Turquie, l'Egypte et l'Arabie saoudite, ce sympathique Gardois et son amie sont parvenus à intégrer la délégation française, avec l'accord du gouvernement séduit par leur projet documentaire, pour participer à ce nouveau sommet organisé à Dubaï, sous l’égide des Nations Unies.
"À la base, ce n'était pas prévu dans notre voyage, on pensait aller directement à Oman. Mais comment passer à côté d'un tel événement quand seuls 700 km nous séparent du plus grand rassemblement mondial pour le climat ?" écrivait-il la semaine dernière sur son compte Instagram.
L'eau est souvent un sujet oublié des négociations, pourtant, c'est précisément LE sujet non-négociable si l'on souhaite traiter la question environnementale durablement. Alors on y va, sans avion, rencontrer celles et ceux qui vont décider du sort de nos prochaines années.
Johan Reboul, influenceur "en carton"
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"Comme dans une bulle"
Arrivé le week-end dernier à Dubaï, Johan, filmé par Victoria, tente de raconter les dessous de cette COP 28 à ses abonnés, via de petites vidéos, en mode visite guidée.
On peut le voir mimer un espion, en mode furtif, se cacher derrière des poteaux portant les drapeaux du monde entier ou se dissimuler derrière une voiture de police, tout en maniant son appareil photo à la Oss 117, comme si il s'agissait d'un revolver.
"A ce sommet, on est comme dans une bulle européenne, on croise très peu d'Émirati et peu de policiers" raconte-t-il par téléphone, précisant que les autorités locales ne lui ont pas cherché de noises.
Un inquiétant déni
Sur place, il a pu constater que les grands groupes pétroliers étaient là pour défendre leur industrie, souvent invités par les délégations officielles :
"Ils ne se cachent même plus. Nous avons aperçu TotalEnergies. En même temps, le président de la COP 28 n’est nul autre que le patron de la plus grande compagnie pétrolière aux Emirats. C’est pour cela que la sortie des énergies fossiles est encore loin. On y fait très peu mention dans les négociations(...) C’est pour ça que nous avons un pouvoir. Faire pression jusqu’à obtenir un plan ambitieux de sortie de ces énergies polluantes."
Mais lundi, le ton était plus grave : sur son Instagram, Johan Reboul relaye un article de"The Guardian" qui a révélé une conversation datant du 21 novembre 2023 entre le président émirati de la COP 28 et l'ancienne présidente irlandaise Mary Robinson. Sultan al-Jaber a mis en doute la nécessité de sortir des énergies fossiles pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C.
"C'est un mauvais signal dans les négociations de la COP 28", écrit le jeune Gardois. "Toutefois, cela ne surprend pas venant du patron de la plus grande entreprise d’énergie fossile des EAU."
Sultan al-Jaber, qui est également directeur d'Adnoc, la compagnie pétrolière nationale des Émirats Arabes Unis, suit la même ligne à chaque prise de parole depuis le mois de juin : il estime que la réduction des fossiles est inévitable, mais qu'il faut d'abord construire le système énergétique de demain avant de s'en débrancher sous peine de "revenir à l'âge des cavernes".
Rester optimiste malgré tout
Johan et Victoria sont repartis mardi 5 décembre vers Oman afin de poursuivre leur périple vers l'Inde. Johan retiendra deux aspects marquants de leur incartade de trois jours à Dubaï :"le côté négatif, c'est la démesure en termes d'utilisation d'eau et d'énergies fossiles, ils sont complètement à côté de la plaque concernant l'environnement et se comportent comme si les ressources étaient inépuisables alors qu'ils vivent en plein désert ! "
Le côté positif, c'est l'existence même de ces grands rendez-vous mondiaux : "Dans l’idéal, la COP 28 devrait déboucher sur un plan de sortie des énergies fossiles mais on voit bien que cette COP, c’est polémique sur polémique avec énormément de lobbyistes qui y sont présents. Néanmoins, beaucoup de choses se passent en coulisse, partout dans le monde il y a des gens qui cherchent des solutions pour la planète. Et cela donne aussi une visibilité aussi aux rapports des scientifiques sur l'état du climat et de la biodiversité. S’il n’y avait pas de COP, on en parlerait encore moins !"
Pour Johan Reboul, le constat climatique est grave, mais il reste résolument optimiste. Pour lui, l’écologie n'est pas synonyme de contraintes, il est persuadé que l'on peut vivre heureux en étant plus sobre en matière d'utilisation des ressources.
Ce voyage lui redonne foi en l’humanité : "On a rencontré des gens qui ont le cœur sur la main, de quoi nous redonner l’espoir, réinventer un nouveau monde, plus sobre et pas forcément triste."