Depuis 2015, Léa Fargeas est installée à Vitrac dans le Puy-de-Dôme. Cette productrice d’œufs bio s’est faite connaître et fournit de nombreux restaurants. Malgré la crise, elle a réussi à poursuivre son activité.
Vous l’avez peut-être remarqué, à l’époque où les restaurants étaient encore ouverts, de nombreux chefs du Puy-de-Dôme ou de l’Allier, n’hésitent pas à mettre « l’œuf de Léa » à leur carte. Derrière cette expression mystérieuse se cache une jeune productrice d’œufs bio, Léa Fargeas, installée à Vitrac dans le Puy-de-Dôme. Elle compte aujourd’hui une quarantaine de chefs comme clients. Elle raconte ses débuts : « Ca fait 6 ans maintenant que je me suis installée. Je me suis installée toute seule. J’ai absolument tout créé. Ensuite en 2017, mon ami Hubert m’a rejoint. On a monté un GAEC. Il n’y avait pas de bâtiment, les terrains étaient vierges. J’avais passé mon BTS par correspondance : le matin on bossait les cours, l’après-midi on allait faire des visites d’élevages. A force de faire des visites, un jour, je suis allée voir une dame qui vendait des œufs déclassés sur le marché à Gannat. J’ai eu le déclic et j’ai eu l’idée de faire ça. J’ai alors fait une étude de marché et monté mon parcours. Ca a pris un an et demi et le projet s’est alors lancé ».
Adoubée par les chefs
Elle poursuit : « Au départ, on ne visait pas du tout les restaurateurs. On n’avait pas du tout eu cette idée. Pour commencer, on faisait beaucoup de marchés, on se jetait un petit peu partout, le temps de se faire connaître. Un jour on a vu un reportage télé montrant des restaurateurs qui cherchaient à travailler avec des producteurs. Il y avait une grosse demande. On s’est alors dit qu’il y avait peut-être un filon à prendre. Comme c’est un cercle assez fermé et qu’ils se connaissent tous très bien, le bouche oreille a fonctionné et quand on a fourni un restaurant, ça nous a ouvert des portes pour d’autres. On préfère travailler pour les restaurateurs car c’est beaucoup plus valorisant pour le produit. On a un échange avec les chefs et c’est toujours sympa de voir son produit à la carte ».
Une quarantaine de chefs comme clients
Résultat, elle fournit aujourd’hui de nombreux restaurants, dont certains étoilés. Léa Fargeas indique : « On fournit une quarantaine de chefs. On essaie de travailler avec les étoilés et les restaurants gastronomiques. Ils valorisent très bien les produits et sont capables de mettre le prix. On travaille en œufs extra frais : ils sont toujours pondus la veille ou l’avant-veille. On arrive à un prix de 41 ou 42 centimes l’œuf, ce qui peut paraître cher. C’est comme ça qu’on a pu travailler avec les chefs et qu’ils mettent ce prix-là. On travaille pour Rodolphe Regnauld à Pont-du-Château, pour Xavier Beaudiment à Durtol, pour Apicius à Clermont-Ferrand, B2K6 à Lempdes, Smorrebrod à Clermont-Ferrand, La Belle meunière à Royat, la Rotonde à Vichy, les Caudalies à Vichy ».
C’est vraiment un produit extraordinaire
Parmi ses clients, le tout nouvel étoilé, Rodolphe Regnauld, chef de l’Auberge du Pont à Pont-du-château, souligne : « C’est Léa qui nous a démarchés. On aime bien chercher les petits producteurs. Je suis un petit-fils de paysans. Je cherche toujours le meilleur produit possible. Ces sont des petits jeunes qui méritaient d’être mis en avant dans ma cuisine. Ca avait du sens. L’œuf est pour nous primordial. C’est même l’une de nos spécialités. On a systématiquement un plat à base d’œuf à la carte. On travaille le côté soyeux du blanc, le côté crémeux du jaune. Avec rien on arrive à faire un grand plat. Sublimer un œuf c’est déjà cuisiner. Les œufs de Léa ont vraiment une couleur jaune. C’est vraiment un produit extraordinaire ».
Travailler malgré la crise
Malgré la crise et la fermeture des restaurants, Léa et Hubert parviennent à maintenir leur activité : « On a quelques restaurants qui fonctionnent en vente à emporter donc ils continuent de nous prendre des œufs, mais moins que d’habitude. Mais il y a certains chefs que l’on n’a pas revus depuis un petit moment. On est passé par un peu plus de revendeurs, plus de fromagers, plus de bouchers. On travaille avec d’autres producteurs pour des regroupements de produits. Par exemple nos œufs sont chez Biau jardin à Gerzat. On met nos œufs dans leurs paniers de légumes. Malgré la crise, on s’en sort. Les œufs sont un produit de base donc les gens en consomment tout le temps. On est moins touchés que certaines activités donc on ne va pas se plaindre pour une année un peu particulière ».
Une activité nouvelle de maraîchage
Léa effectue une livraison par chef par semaine, le mardi, le mercredi et le vendredi. Elle explique : « Les poules ont un parcours extérieur. Elles ont plus de place au niveau des perchoirs et des pondoirs. Elles reçoivent un aliment bio. On les soigne avec des plantes. Il y a 900 poules réparties en deux poulaillers, l’un de 540 et un autre de 360. On a monté le second pour ne pas avoir de période de creux pendant le vide sanitaire ». Avec Hubert son ami, ils se répartissent les taches. Léa indique : « En général, c’est moi qui pars en livraison ou sur les marchés le matin. Mon ami reste sur l’exploitation car on a aussi des brebis. Je reviens vers 13 heures et après je passe des coups de fil pour les commandes du lendemain ou je prépare le marché. Il faut aussi ramasser les œufs, nourrir les poules. On a aussi lancé une activité de maraîchage donc il faut s’occuper des légumes ». Elle ajoute : « C’est notre deuxième année de maraîchage bio. On produit des bébés légumes. Les chefs les présentent en général en entier dans l’assiette. On produit aussi des légumes plus classiques. Comme on travaille depuis 6 ans avec les chefs on s’est rendu compte qu’ils n’étaient pas bien démarchés au niveau de la vente de légumes bio. On s’est alors lancé sur ce créneau. Pour la première année, les chefs étaient très contents et on a eu de bons retours. On produit en bébés légumes des poireaux, des carottes, des betteraves par exemple. Nous les récoltons avant qu’ils n’arrivent à une taille classique. C’est un petit plus contraignant et technique car il faut les ramasser au bon moment. Les chefs adorent ».
Une chef d'entreprise épanouie
Léa est fière du chemin parcouru et veut montrer que le métier d’agricultrice peut être valorisé : « On nous a toujours dit qu’on avait de la chance car on n’est pas issu de parents agriculteurs. On n’a donc pas eu cette vision négative du métier. On ne se faisait pas certaines idées sur la profession. Je pense que ça a été un plus et on a fait à notre sauce. Ca fonctionne très bien pour nous. J’avais 22 ans quand je me suis installée. J’étais consciente des risques mais ce n’était pas un gros investissement comme des gens qui montent des structures pour des bovins : il n’y avait pas 250 000 euros à mettre sur la table pour une laiterie. C’était un petit investissement, pour un petit poulailler de 120 m² ». Aujourd’hui, Léa et Hubert qui se sont rencontrés au lycée agricole de Limoges ont encore plein de projets en tête. Ils espèrent transmettre leur goût du métier à travers des formations. « Le fait d’être chef d’entreprise n’a pas de prix. On est autonome. On n’a jamais été salariés. C’est super de travailler pour soi. Etre dehors aussi toute la journée, à la campagne, n’a pas de prix » confie Léa. Hubert vient quant à lui de lancer sa chaîne Youtube dans la même optique.