Puy-de-Dôme : à l'EHPAD de Beauregard-l'Evêque, comment la vie reprend peu à peu son cours normal

Pendant le confinement, 5 pensionnaires de l'EHPAD Gautier, à Beauregard-l'Evêque (Puy-de-Dôme), nous avaient décrit leur quotidien. Sitôt libérés, ils n’ont pas tardé à reprendre leurs habitudes : ateliers de créations, chansons et bons gueuletons... Ils racontent leur retour à la vie.
 

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A L’EHPAD de Beauregard-l’Evêque, dans le Puy-de-Dôme, le rendez-vous a été donné ce mardi 7 juillet. Pour pénétrer dans l'établissement, le protocole est strict. Après s’être désinfecté les mains, il faut inscrire son nom sur un registre, indiquer l'heure d'entrée, le dater et le signer. Puis, il faut enfiler un masque. Ceux en tissus ne sont pas acceptés. Ensuite, il faut prendre la température frontale. A l'heure où le Covid-19 continue de circuler et de sévir, c'est l’usage. Personne ne peut y déroger. Heureusement, une fois les formalités réglées, l’ambiance se détend.

Charles et les copains d’abord

Pour cela, tous peuvent compter sur Charles, résident de l’EHPAD. Sous le barnum dressé sur la terrasse du jardin, autour d’une table, il est le premier à dégainer un large sourire : « Comme vous le voyez, on s’en est tous tirés ! Preuve que tout cela a porté ses fruits ! » L’homme n’a rien perdu de sa joie de vivre.  A 88 ans, cloîtré comme les autres dans sa chambre, en mars dernier, il chantait devant sa porte. Avec Luis Mariano, il apportait l’espoir à tous ses voisins de palier, grâce à l’histoire d’une « fille de roi au cœur plein de tristesse enfermée nuit et jour au sommet d’une tour… » et cætera et cætera. Ce mardi 7 juillet, comme tous les matins, Charles a chanté dès le petit-déjeuner. Dès 7 heures, va donc pour « Loulou » de Jacques Hélian, (à qui l’on doit aussi « Etoile des Neiges »). A midi, il a remis ça : « Ma petite est comme l’eau, elle est comme l’eau vive... ». Guy Béart doit être content là-haut. En voilà au moins un qui ne l’a pas oublié. Bref, Charles amuse la galerie, et il aime ça. Il se fait appeler à juste titre d’ailleurs « le Rossignol ». Et n’est pas né celui ou celle qui voudrait lui clouer le bec.

Dans cette maison de retraite, à n’en pas douter, ce boute-en-train doit retrouver l’esprit de camaraderie qui règne dans les escadrons en déplacement.  Car après avoir tâté de la mine, c’est bien dans un uniforme de gendarme mobile qu’il a fait une grande partie de sa carrière. « J’ai l’impression d’être là pour aider. Je voudrais d’ailleurs qu’il y ait plus de gens comme moi ici. Ce qui est sûr, c’est que je ne vais pas embêter mes voisins avec mes soucis. Pourquoi faire ? » confie-t-il. Dans son fidèle public, il y a Robert. Même âge, même optimisme. Son voisin de table. « On s’entend bien tous les deux ! » reconnaît-il avec son sourire complice, digne d’un adolescent aux quatre cents coups. Entre quatre murs, lui qui avait l’habitude de sortir, Robert avait fini par trouver le temps long. Il dormait bien, il mangeait bien. « Il y a la qualité et la quantité », nous avait-il indiqué. Sa balance en témoigne aujourd’hui. Robert a pris 8 kilos pendant le confinement. A croire qu’il a cherché à muscler son rôle de Père Noël qui lui est réservé chaque fin d’année. « J’ai piqué le rôle à Charles d’ailleurs. J’ai la carrure pour. Je fais 100 kilos maintenant. Pendant ces dernières semaines, je ne savais pas quoi faire dans ma chambre, alors je mangeais », raconte-t-il.

« Le 29 juin, ce jour où l’on a applaudi les résidents »

André, 94 ans, écoute. Bien habillé, bien coiffé. Il est resté celui que « sa mère a bien élevé ». Il attend son tour pour parler. « C’est vrai, on sympathise tout de suite avec Charles », ose-t-il dire. Puis, très vite, sa vie de mineur refait surface. Dès 14 ans, jeté dans les profondeurs, puis un jour, la tragédie à 600 mètres sous terre et aujourd’hui sa femme qu’il n’a pu revoir qu’à partir du lundi 29 juin seulement alors qu’elle occupe une chambre au-dessus de la sienne dans l’établissement. Ce jour-là, la direction de l’EHPAD avait décrété que ce serait le jour du déconfinement total pour les pensionnaires. André a pu donc revoir madame. Lui parler, mais pas la toucher. « Prendre dans les bras, faire des bises, ce n’était pas possible et cela ne l’est toujours pas », explique la directrice adjointe, Christine Jumet. Reste que ce 29 juin aura marqué les esprits. « On a fait un barbecue, avec apéritif et champagne. Et l’ensemble du personnel a applaudi l’ensemble des résidents. A nos yeux, ce sont eux qui ont eu beaucoup de mérite », estime-t-elle. Christiane, 81 ans, écoute, elle aussi, et sort de son silence quand l’occasion lui est donnée : « Les moments sympas, on ne les oublie pas. Cela faisait plaisir de nous retrouver même si avec Robert on se voyait tous les jours. Nos chambres sont l’une en face de l’autre, il suffisait d’ouvrir la porte. Le plus dur c’était de se retrouver seule dans la chambre au moment des repas ». Malgré son invalidité et les derniers évènements, Christiane a « toujours 20 ans dans la tête ».

« Des coups de canne et des gifles »

Elle a retrouvé, à présent, ses petites habitudes qui font le sel de ses journées. Pour rien au monde, elle ne raterait un spectacle sans nom qui lui a tant manqué. Elle précise : « Je demande toujours à regagner les étages par le grand ascenseur. Vous savez pourquoi ? Parce que c’est là qu’il y a de l’action ! Il suffit qu’une d’entre nous se dirige vers l’ascenseur pour que toutes les autres suivent. Arrivées devant les portes, les femmes se disputent les places entre elles, il faut voir ça ! Il y a des coups de canne, des gifles qui partent. C’est ce que j’appelle ‘‘le collège en folies’’». Charles, malgré des années de métier, ne fait pas la police pour autant. Il constate les faits seulement : « Vous savez, pour certains, c’est violent de vivre en communauté ». S’il est ici comme un poisson dans l’eau, on ne peut pas en dire autant d’Adrienne, la doyenne de la tablée, avec ses 97 printemps. « J'ai fait des fromages toute ma vie, je vivais à la ferme et je me retrouve maintenant avec toutes ces personnes autour de moi, ce n'est pas mon monde ça ! Il faut être capable d'encaisser, vous savez », confesse-t-elle. Au mois d’avril dernier, Adrienne avait réussi à dompter ses angoisses. Mais elles sont revenues de plus belle. « J’ai peur, j’ai toujours peur car je ne sais pas ce qui va arriver. Mes filles me disent qu’il n’y aucune raison d’avoir peur mais c’est plus fort que moi ». Cela ne doit pas l’aider, Adrienne ne voit plus et n’entend plus très bien. « Cela me coupe du monde », dit-elle. Ce jour-là, un de ses 7 petits-fils était à ses côtés. Ce sont là ses « meilleurs moments, quand ils viennent me voir ». Et ils viennent tous, pour 1h 30 de visite, pas plus. Il en sera ainsi au moins jusqu’à la fin de l’été, protocole sanitaire oblige.

«Pas nées de la dernière pluie »

L’heure du dîner approche. Charles extirpe de sa poche un rectangle de bois. Il y lit le menu du soir : soupe de vermicelles, légumes, fromage. « Je note chaque repas sur ce morceau de bois, et je passe auprès des résidents pour le leur annoncer. C’est une habitude que j’ai prise, comme une autre » dit-il. Christiane surenchérit : « A l’heure de la soupe, on peut rajouter de la crème fraîche, mais ces messieurs préfèrent faire chabrot ». Autour de la table, aucun ne trouve à redire. Elle poursuit : « J’ai même appris à Adrienne et à d’autres à boire du vin. On coupe le rosé avec un peu d’eau. Et maintenant quand la carafe circule, elles sont les premières à tendre les verres ». Il est encore trop tôt pour savoir quel titre lancera le dîner ce soir. Charles doit encore se plonger dans son répertoire, et il n’a que l’embarras du choix tellement le sien est vaste. « Il y a des chansons paillardes mais je les chante en petit comité, comme les filles de Camaret vous connaissez ? ». Non. « C’est comme ça : Les filles de Camaret se disent toutes vierges mais quand elles se trouvent dans mon lit, elles préfèrent…". Rire général. Message à ses voisines. « Elles ne sont pas nées de la dernière pluie, elles connaissent la vie vous savez ! ». C’est le pompon. D’ailleurs, des pompons, Charles en fabrique de ses mains, un par jour. De la laine, quelques outils, il en a toute une collection. Christiane, elle, tricote : des carrés de laine qui, une fois assemblés les uns aux autres, feront une couverture, expédiée quelque part en Afrique.

Pour certains, cette maison de retraite a des airs de pensionnat ou de colonie de vacances, en mieux. Les résidents le savent. C’est le bénéfice de l’âge. Ils peuvent tout dire et presque tout faire. A présent, tout leur est pardonné.
L'EHPAD Gautier en quelques chiffres
Création en 1993
74 résidents
Moyenne d’âge : 89 ans
Confinement en chambre : du 24 mars au 29 juin 2020
Aucun cas de COVID 19 au 10 juillet
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